Rappel du premier message :



My best rival

Taiyo, 18 ans, en première à l’université

Le temps de cours touche à sa fin. C’est le début d’après-midi, mais tu as entraînement après, l’heure n’est pas à l’étude ou au repos. Pourtant, tu irai bien piquer un somme. La veille a été… arrosée… et tu manques cruellement de sommeil. Tu as du forcer pour garder les yeux ouverts pendant tes deux cours de la journée, et tu sent que l’entraînement va être douloureux, mais tu n’as pas l’intention de le sécher pour autant. C’est grâce à ton sport qu tu as pu rentrer dans cette université, tu ne comptes pas tout gâcher à cause d’une gueule de bois.

Une sonnerie annonce la fin du cours, te sortant d’un demi-sommeil dans lequel tu commençais à t’enfoncer. Sursautant, tu rassembles tes affaires avec lenteur, te demandant si tu aurais le temps de grappiller ne serait-ce que quelques minutes de repos avant d’aller aux vestiaires. Tu sors de l’amphi en décidant que oui, mais une voix t’interpelle alors. Une voix que tu connais bien.

- Taiyo ! Tu as entraînement aujourd’hui ?

C’est Ahloy, une jeune femme deux ans plus âgée que toi, capitaine des cheerleaders. Avenante, toujours souriante mais avec une autorité digne d’un général, mignonne sur tous les points, tu as vite compris que beaucoup de gens étaient sous son charme. Tu n’échappes pas à la règle… même si tu aurai préféré. En effet, parmi les nombreux prétendants de la capitaine, le capitaine de l’équipe est particulièrement virulent… envers toi… A première vue pas a cause de Ahloy, après tout ils sortent déjà ensemble, mais du coup tu ne sais pas trop pourquoi… Le mec semble avoir tout pour lui, et pourtant il n’aura fallut que quelques semaines pour qu’une rivalité quelque peu violente s’installe entre vous.

La jeune femme apparaît devant toi, et un sourire se dessine aussitôt sur ton visage, toutes pensées négatives quittant ton esprit.

« Ahloy ! Oui, mais j’ai encore un peu de temps avant de devoir me préparer. Pour ? »

Te reposer ? Pour quoi faire ? Tu ne te sent soudain plus si fatiguer, en fin de compte.

- Un peu, c’est-à-dire ? J’aimerai présenter une nouvelle figure à l’équipe, mais j’aimerai d’abord la tester, et pour ça j’aurai besoin de muscles. J’aurai bien demandé à Jin mais il n’a pas encore terminé ses cours.

Il ne te faut pas deux secondes pour accepter. Tu dois avoir quoi… 30 minutes avant d’être vraiment en retard pour te préparer ? Et tu seras déjà sur le terrain, au pire tu ne seras juste pas en tenue… Ce qui te vaudra probablement un blâme… mais le coach t’a à la bonne, tu es sûr qu’il comprendra si tu lui expliques que c’était pour aider les cheerleaders, et donc l’équipe. Car le rugby n’est rien sans les encouragements sans failles des cheers, c’est bien connu.

- Super ! Tu me sauve. Allons-y alors. Si tout se passe bien, je pourrais présenter la choré dès demain.

Sans te faire prier, tu suis la jeune femme vers le terrain de rugby qui accueille également l’entraînement des cheers. Tu n’as aucune idée de pourquoi elle s’est adressé à toi en particulier, mais tu ne vas certainement pas lui poser la question...

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université

Jin réagit avec rage, ce qui te fait sursauter malgré toi. Te faire démolir dans cette pièce aveugle en tenue d’Adam n’est pas une perspective très réjouissante...

Pourtant, lorsque tu frappes à la porte, il lève les mains, t’indiquant ainsi qu’elles sont vides, et t’enjoint de te calmer. Oh mais tu es calme, en apparence... c’est lui qui a l’air plutôt énervé...

Ou du moins avait l’air... Il semble en effet s’être calmé d’un coup. Ce type à un sérieux problème...

Il te lance son pull, que tu attrapes par réflexe. Tu fixes un instant le vêtement puis relève les yeux sur lui. Tu ne comprends plus rien... Les sourcilles froncés, tu cherches un indice sur ce qu’il veut réellement... Pourtant, il se contente de se retourner, te permettant ainsi d’enfiler le pull en toute pudeur.  

« Mais t’es vraiment pas net toi... »  

Tu murmures à peine ces mots, hésitant à mettre le pull. Pourtant, il fait froid, et tu n’as pas envie de tomber malade juste avant le premier match de la saison... A contre cœur, et espérant sans trop y croire qu’il ne s’agit pas d’un piège quelconque, tu enfiles finalement le vêtement qui te réchauffe aussitôt. Tu as fait attention de bien garder la serviette attachée à ta taille, un peu comme une jupe, car même si le pull est en effet fort grand pour toi, tu n’es clairement pas à l’aise de n’avoir que ça sur le dos.

Après quelques secondes où tu restes sans bouger, appuyé contre la porte, Jin se retourne de nouveau et s’assied à même le sol. Ainsi dissimulé par le bureau, il reprend la parole. Et tu ne peux t’empêcher de rire. Un rire bref, sec, sarcastique.  

« Je te crois sur le fait que t’étais pas censé être là, mais pour le reste, tu n’me f'ra pas gober que t’y es pour rien. »  

T’assurant que la serviette est bien maintenue, tu croise les bras de façon à te réchauffer un peu plus. Tu n’oses pas t’asseoir, même si tu as les pieds gelés.

« Mon colloc va surement me croire en train d’étudier à la bibli ou quoi, c’est pas ce soir qu’on va chercher après moi... »  

Tu soupires avant de prendre une grande inspiration.

« Et... merci pour le pull... »

Ça t’arrache la gorge de le dire, mais il a raison. Même si c’est de sa faute, tu en es certain, il aurait pu te laisser à poil...

Tu ne laisses par contre le temps au silence gênant de s’installer, re prenant d’une voix que tu veux un peu plus ferme.

« Tu t‘es bien ramassé sur ce coup-là. Je n’sais pas c'que t’avais prévus de base, mais il y avait des façons bien plus simples de m'ridiculiser. Déjà, vous auriez pu prendre ma serviette également, ce qui m’aurait obligé à traverser le campus complètement nu. »

Une blague classique plutôt habituelle du lycée que de l’univ, mais bon... Peut-être voulait-il faire quelque chose de plus “sophistiqué” justement ?

Tu as délibérément utilisé le “vous”, sachant très bien que Jin n’a surement pas agit seul. Cela te blesse un peu que d’autres aient accepté de suivre sa blague à la con. Tu pensais que les choses allaient mieux avec les membres de l’équipe, mais force est de constater que tant que Jin sera là, ils auront toujours peur de lui... et donc lui obéiront toujours.  

Tu grimace à cette pensée. Et ça se dit rugbyman...

@Shao Jin

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« Et... merci pour le pull... »

Son soupir, sa difficulté à dire ces mots, tout ça, ne te fait pas autant plaisir que prévu. Tu fais un geste lent de la main par dessus le bureau. Tu sais même pas s'il te regarde. Tu ne sais même pas si tu as envie qu'il te regarde. Tu es juste saoulé d'être si con, de t'être fait avoir comme un bleu, d'être bloqué ici, avec lui, et surtout, qu'il te déteste à ce point-là. Tu sais que c'est de ta faute, mais tu sais pas pourquoi ça te touche autant.

Bordel, la vie ça ne pourrait pas être plus simple ?

Un éclat de rire, mauvais, traverse tes lèvres. Tu n'arriveras pas à le convaincre, mais tant pis, tu tentes jusqu'au bout.

« A quoi ça te serve que je tente de te parler si tu n'écoutes pas ? Laisse-moi me murer dans le silence, p'tit con, parce que là, tu me saoules. Je fais des efforts et à part me faire cracher dessus, je gagne rien. »

Tu lui as prêté ton pull, tu le laisses tranquille, tu es coincé avec lui. Pourquoi est-ce qu'il toujours sur la défensive ? Bon, certes, parce que dès le début tu l'as attaqué, parce que t'es toujours là pour le faire chier dès que tu peux, parce que, évidemment, tu as organisé ça et ça a mal tourné. Mais quand même.

Un instant tu fermes les yeux, tu songes à Ahloy, et tu espères qu'elle va venir te chercher. Tu espères même qu'elle va venir t'engueuler d'avoir fait du mal à son chouchou et puis qu'elle va vous trouver tous les deux là et qu'elle va se demander ce qu'il se passe. Tu sais pas trop ce que t'espères, parce qu'elle non plus ne va jamais croire à ton innocence. Plus personne n'y croit depuis longtemps.

Le silence ne te convient pas finalement et tu repenses à ses mots.

« Et genre, toi, tu veux bizuter les autres ? » Tu ris, une fois de plus « Toi, le parfait petit garçon, qui ne fait pas de mal à une mouche sauf si on l'embête trop fort, là tu deviens dangereux, toi qui tu défends la veuve et l'orphelin, bref, toi, tu veux me dire comment te bizuter ? Je comprends pas ce que tu es Taiyo, c'est trop. »

La tête toujours posée contre le mur, les yeux fermés, le coeur lourd, Jin attend que le temps passe. Au moins, Taiyo le distrait, c'est toujours ça de pris.

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université

 Jin réagis d’un simple geste par-dessus le bureau à ton remerciement quelque peu... forcé.  

Il rit ensuite, un rire mauvais, et t’insulte avant de jouer les victimes. Tu lèves les yeux au ciel et te retiens de lui répondre avec sarcasme. Mais lorsqu’il reprend, s’en est trop pour toi, et tu lui réponds avec toute l’insolence dont tu es capable malgré ta situation plus qu’inconfortable.  

« Pauvre chéri. Tu t’sentirais mieux si j’te promettais de faire des efforts et d’te laisser me marcher dessus ? »

Tu serres les poings, regrettant qu’il soit dissimulé par le bureau. Tu veux qu’il te fasse face. Qu’il assume ses paroles jusqu’au bout.

« J’ai été au collège et au lycée, tu sais. Tout l’monde a déjà connu ça, de prêt ou de loin. J’pensais juste les bizutages à l’univ plus matures, mais faut croire que certaines choses ne changent pas avec l’âge : les cons restent des cons. »

Tu te retiens d’avancer pour le voir. Tu ne veux pas quitter la porte... Cela te rassure d’avoir ce bois froid dans ton dos...

« Et je n‘suis pas parfait ! Je bosse juste dur pour atteindre mes objectifs, parce que contrairement à d’autres certains n’ont pas l’argent de papa et maman qui assure leurs arrières ! »

Il t’énerve... Pourquoi il fait ça ? Pourquoi est-ce qu’il te cherche ainsi ? Qu’est-ce que tu lui à fait ? Tu as parlé à sa meuf, la belle affaire. Ce n’est pas comme si tu l’avais embrassée ou couché avec elle...

Cette idée te fait monter le rouge aux joues et tu baisses les yeux, reprenant le silence. Heureusement qu’il ne te voit pas d’où il est...

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Ses mots te crispent, son ton t'énerve, son insolence aussi. Il n'y a jamais rien qui va entre toi et lui. Ça ne pourra jamais marcher, quoique tu fasses, quoique tu penses et t'en es déjà las.

« Putain mais quoique je dise, quoique je fasse je suis en tort avec toi, c'est chiant ! »

Tu ne veux pas le regarder, tu ne veux pas le voir, tu veux juste bouder tout seul. Si ça le fait rire que tu sois coincé avec lui, grand bien lui fasse, mais toi t'en as déjà marre. Ça va être long, trop long. Et si Ahloy arrive, tu peux être sûr qu'elle va regarder Taiyo avec douceur et pitié et toi, qu'elle va te jeter un regard noir. Voilà t'es saoulé.

« Vas-y » tu te lèves soudain, le domine par dessus le bureau. Pourtant, le voir dans ton pull te fait quelque chose. « Frappe-moi, venge-toi, crache-moi dessus, je sais pas, bordel, mais fais quelque chose. » Tu grinces des dents. « On est seuls, c'est ta chance, rends-moi la monnaie de ma pièce. Arrête un peu ce masque de pierre, comme si t'étais pas bouillonnant. Je la reconnais la colère » Voilà bien la seule chose que vous partagez, la colère. Elle vous anime tous les deux. « Parce que là, tu médis ce que tu ne connais pas. Tu sais rien de ma famille, ok ? » T'es saoulé, parce qu'il a touché juste, un fois de plus, parce qu'il t'a compris en un clin d'oeil et qu'il t'a jugé.

Il n'aime pas ce que tu es, ce que tu représente, il méprise même jusqu'à tout ce que tu fais.

Et soudain, un flash te fait vaciller. Tu te rattrapes au mur.
Tu fermes les yeux.
Tu ne peux pas lui avoir dit ça, à lui.
Ce souvenir remonte à quelques semaines en arrière, quand tu avais bu.
Non, c'est un mirage, ce n'était pas lui sur le toit.
Tu inspires, mais le doute persiste.

« Je m'en fiche que tu bosses, je m'en fiche que tu te juges supérieur à ceux qui ont de la l'argent, j'suis pas arrivé là sans rien, crois pas ... Non, crois ce que tu veux, j'en ai rien à foutre. »

Et ce mensonge te brûle le coeur.
Tu n'en as pas rien à foutre.
Voilà le noeud du problème.

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université

Et aller, monsieur n’est toujours pas content ! Bon, tu n’as pas fait en sorte qu’il le soit non plus, mais quand même... C’est chiant, comme il le dit si bien...

Ce à quoi tu ne t’attendais pas, c’est qu’il se relève. Malgré le bureau entre vous, instinctivement, tu resserres les bras autour de toi. On dirait presque une meuf... Tu as beau être sportif, tu restes plutôt frêle, et dans le pull trop grand de Jin, tu te sens presque faible... Vraiment, quoi que montre ton attitude, tu n’en mène pas large du tout...

Il s’énerve, monte le ton, et ton cœur s’emballe malgré toi. Oh non, tu n’es pas en colère... Là, tout de suite, tu as peurs... Et tu n’aimes pas ce sentiment. Tu n’aimes pas cette situation. Tu déteste te sentir faible, particulièrement face à lui. Prostré contre la porte, le corps tendu, tu ne réponds pas. Tu ne respires même pas... Tu es tétanisé... Cela faisait longtemps que ça ne t’était plus arrivé...

Mais la pression aussi vite qu’elle est montée alors que Jin semble... vaciller... Les dents serrées, tu laisses doucement échapper l’air bloqué dans tes poumons alors que le capitaine reprend sur un ton beaucoup moins assuré. Et tu laisses planer le silence un instant, le temps de te reprendre, le temps de détendre tes muscles douloureux et de calmer ton cœur qui bat trop vite et de façon trop irrégulière. Et finalement, la gorge serrée, tu arrives enfin à parler.

« Et toi, tu n’me juge pas peut-être ? »

Ta voix tremble malgré toi et tu te maudis intérieurement. Non, il ne te fait pas peur ! Non, tu ne plieras pas face à lui ! Oui, tu craqueras, mais pas maintenant ! Maintenant, tu dois rester digne et fort, peu importe comment il joue le jeu, il ne l’emportera pas !

Tu prends une profonde inspiration pour assurer un peu plus ta voix avant de reprendre.

« J’en sais plus que tu ne le penses... Mais cela n’excuse en rien le fait que tu... joue les cons... »

Tu as voulu dire “soi un con”, mais quelque chose t’en a empêché. Ce soir-là, sur le toit... il t’a avoué que tu lui faisais peur, d’une certaine façon, mais qu’il t’appréciait malgré tout. Il t’a comparé à son frère... un mec parfait selon lui... Mais tu n’es pourtant pas parfait, loin de là... Même s’il ne veut pas te croire...

« Et je ne suis pas parfait ni supérieur putain ! Mais je n’vais certainement pas me laisser insulter sans rien faire non plus ! C’est toi qui as commencé, je t’ai rien fais à la base. Alors arrêtes de faire genre que je n’fais pas d’efforts, je n’fais que réagir à tes provocations ! »

Ce qui n’est pas très intelligent, il faut bien l’admettre...  

Il voulait que tu t’énerve ? Et bien voilà, c’est chose faite. L’effroi passé, la colère reprend le dessus. Les bras balans (tu les a décroisés sans même t’en rendre compte), les poings serrés, tu fixes un regard noir sur lui. Tu trembles encore : de froid, de colère, et toujours de peur... et ça te fait chier...

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Quand il répond enfin, ce n'est pas de la manière que tu attendais. Il ne se relève pas, prêt à en découdre, il ne te frappe pas, ne te crache pas à la gueule, mais ça fait presque plus mal. Tu ne le juges pas, tu sais qui il est, ce n'est pas une fabulation de ta part, putain, il peut pas le comprendre ça ? Tu l'admires. Voilà, il veut que tu lui dises ? Il veut savoir ce que tu as au plus profond de toi ? Pourtant, tu tais tes mots, tu ne peux pas le lui dire, ça n'apporterai rien.

Et, alors que tu penses ça, tu ressens quelque chose d'autre et ça te fait peur.
C'est comme un sentiment de honte, parce que t'es pas un mec bien. Et que tu ne le seras jamais.
Tu inspires profondément et tu le regardes.

Lui aussi te regarde et ses mots, tu sens qu'il hésite, qu'il ne cherche pas à te blesser, mais peut être à te faire réagir ? Bordel, bien sûr qu'il a raison, mais jamais tu ne pourras le lui dire. Jamais tu n'accepteras de reconnaître la vérité, parce que ça fait trop mal.
Parce que tu es un raté, sur toute la ligne. Et que lui est un héros.

Alors qu'il est en colère, tu comprends qu'il sait. Ce que tu essaies de cacher, il est au courant. Tu ne sais pas par quel miracle. Tu ne lui as jamais dit qu'il était parfait, mais dans son ton, on sent qu'il te reproche ça. Exactement comme Cheng, la seule fois où vous vous êtes disputé, la seule fois où il t'a gueulé dessus qu'il en avait marre que tu l'aies mis sur un piédestal. Et ça te coupe le souffle. Tes mains cherchent le bureau pour y trouver un appui.

« Tu sais. » lâches-tu, suffoquant. « Tu sais ce que je pense de toi, tu connais la vérité. » Ce n'est pas une question, c'est une brusque révélation. Tu comprends soudainement que t'as été bien con. T'as essayé de le cacher, mais ça t'explose à la gueule. Tu trembles. Et soudainement, c'est toi qui à peur.

« Merde, essaie pas de faire semblant, arrête de te trouver des excuses, arrêtes de continuer de me traiter de con. TU SAIS. » Ta voix te fait peur à toi-même, parce que ça te brise le coeur, parce que tu n'es plus le même. Pendant un instant tu fermes les yeux, puis tu les braques à nouveau vers lui. Le souffle court, ton coeur tambourine dans ta poitrine. « Arrête de me regarder comme ça, tu veux que je te le dise, c'est ça ? Tu veux avoir une preuve, tu veux jubiler ? » Ton corps se met à trembler, tu ne te savais pas si peu confortable avec la vérité. T'as chaud. Ou froid. Tu ne sais plus trop. « Je t'admire, voilà, t'es heureux ? Tu me fais peur parce que t'es incroyable, parce que tu représentes tout ce que je ne serais jamais et parce que Ahloy pourrait tomber amoureuse de toi. Voilà, t'es content ? Je ne pourrais jamais être ton ami, parce que tu me méprises, mais j'en veux même pas de ton amitié, je » à ces mots tu t'arrêtes, surpris parce que c'est la vérité, surpris parce que tu comprends enfin. Tu as jaloux. Si jaloux, mais pas de l'attention que les autres lui portent, pas parce qu'il est parfait et que tu ne le seras pas. Non, t'es jaloux de l'attention qu'il offre aux autres, d'Ahloy qu'il pourrait aimer.

Tu cesses de parler, tu lui tournes le dos et retourne t'assoir derrière le bureau. Et, pour la première fois de ta vie, tu pleures en présence de quelqu'un.

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université

Etrangement, Jin semble ébranlé par tes paroles. Il s’appuie sur le bureau et lâches un “Tu sais” qui te fait baisser les yeux. Une réponse qui en dit long... Oui, tu sais ce qu’il pense de toi...

Pourtant, quelque chose t’empêche de l’admettre. La situation, la peur... Un peu de tout ça peut-être... ? Tu marmonnes une réponse du genre “Je ne vois pas d’quoi tu parles”, mais il te coupe la parole, te faisant sursauter et relever les yeux au passage. Tu t’appuies un peu plus contre la porte, resserrant à nouveau les bras autour de toi, comme si cela pouvait te protéger... Le regard fixé sur lui, tu ne sais pas ce qu’il y lit mais clairement il l’interprète mal... Tu peine à cacher ta peur, et pourtant lui semble y voir... tu ne sais quoi... mais ça le met en rogne...

Il vide alors son sac, violement... Te répétant plus en détails ce qu’il t’avait avoué sur le toit sans savoir à qui il parlait. Tu restes silencieux, tu ne veux pas le provoquer plus, le pousser dans ses délires... Ce qu’il te dit ne te fait pas jubiler, contrairement à ce qu’il croit. Ton cœur bat la chamade, mais clairement pas de joie ou de satisfaction. Tu baisses à nouveau les yeux alors que Jin retourne s’assoir derrière le bureau pour... pleurer... Mais comment fait-il pour passer ainsi d’une émotion à l’autre en une seconde ?

Littéralement prostré contre la porte, les jambes flageolantes et les pieds gelés, tu gardes le silence un long moment. Tu as la tête qui tourne, tu sens la crise de panique monter et tu lutte pour la refouler. Finalement, tes jambes te lâchent et tu te laisses glisser contre la porte, serrant la serviette de façon et ce qu’elle ne dévoile rien. Jin pleure dans son coin, et tu ne sais pas quoi faire, quoi dire... Tu as peur qu’il change à nouveau d’humeur, qu’il s’énerve pour de bon et qu’il frappe... Oooh, il est fringant le beau parleur, assis sur un sol froid, à moitié nu, au bord de la panique...

Les genoux replier contre toi, te les enroule de tes bras et enfuis ta tête dans le creux de ceux-ci. Tu ne sais pas depuis combien de temps le silence vous écrase, mais tu finis par te calmer un peu et par enfin prendre la parole, ta voix étouffée par tes bras et la gorge serrée.

« Y a rien à admirer... Tu ne sais rien de moi... »

Il ne sait rien de ton histoire, de ta vie, de tes combats... Tu fais le fier, tu joues les durs, mais au final t’es comme lui... Un petit con qui cache sa détresse...

Tu finis par relever la tête et l’appui contre la porte.

« Et je n’te méprise pas... Si tu n’avais pas décidé de faire de ma vie un enfer, on aurait pu être amis... Peut-être... »

Ou en tout cas avoir une relation un peu plus saine que maintenant...

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Le silence est le seul à répondre à tes larmes. Qui coulent plus honteusement les unes que les autres. T'as mal, t'es pas bien, t'en a marre. Tu serres tes bras contre ton corps pour tenter de les arrêter, mais tes yeux sont loin d'être secs. T'es pris par les tourments que t'avaient jamais acceptés, comme si une nouvelle vanne s'écoulait en toi, comme si tu comprenais enfin ce que tout le monde savait avant que tu ne puisses mettre des mots dessus.

Taiyo est quelqu'un d'important dans ta vie. Tu le connais depuis peu, tu ne le reverras sûrement plus jamais à partir de l'année prochaine, mais il est entré dans tes relations avec la force d'une comète, éblouissant tout sur son passage et après ça, il ne te restera plus qu'à essayer de t'habituer à l'obscurité.

Sauf qu'avant que ce soit terminé, il y a encore des choses à régler. Même si personne ne fixe de règles avec les météorites. Les météorites, ça passe juste.

« Alors dis-moi. »

La voix encore étouffée par tes larmes, tu sens que lui aussi est fébrile, il y a plein de choses compliquées dans sa vie, peut être joue-t-il aussi un double jeu. Et ce besoin si urgent de tout connaître, de tout comprendre, de tout savoir te fait peur. Tu pourrais t'abreuvoir à ses mots, tu pourrais devenir fou de son silence.

Ta pomme d'Adam tressaute dans ta gorge quand tu avales ta salive pour tenter de reprendre ton souffle. Tu aimerais le voir, mais le bureau qui vous cache l'un à l'autre est aussi une bonne alternative. Au moins, il ne pourra observer le rouge de tes yeux, tu ne pourras pas t'horrifier devant sa posture. Tu soupires.

« J'sais pas faire autrement. » avoues-tu. « J'sais pas agir d'une autre manière, j'suis con, je sais, tu me l'as assez répété, mais ça a toujours fonctionné. Rien d'autre de ce que j'ai tenté... même Ahloy. » Tu soupires. « J'ai fait tout ce qu'il fallait pour elle, mais elle ne m'a remarqué qu'à partir du moment où j'ai agis en connard. Avant... j'étais inutile, invisible. Je préfère être craint qu'oublié. » Oublié, laissé de côté, dans l'ombre de Cheng. Tout ça, c'était dur à vivre, sûrement de moindres maux que ceux que d'autres ont vécu, mais ce sont ceux qui t'ont forgé, ceux avec lesquels tu as grandi.

Tu te redresses, un peu, mais tu ne peux toujours pas voir par-dessus le bureau. Puis tu soupires une fois de plus. « On n'aurait jamais été amis, Taiyo. » reconnais-tu. L'amitié ? Tu ne sais pas faire. « Même dans d'autres circonstances. » Et puis, c'est en aucun cas ce que tu veux, tu lui as dit. Il n'a pas pu comprendre ce que toi-même tu n'assumes pas. « Mais c'est sympa d'essayer de me rassurer.... » Et pour la première fois, c'est de l'humour et sans moquerie.

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université  

Jin demande des détails, il veut que tu lui parle de toi. Tu ressere un peu plus tes bras autour de tes jambes. Tu ne veux pas parler... Pas parce que c’est lui, mais parce que la blessure est béante, et en parler ne ferait que la faire saigner encore plus...  

Il reprend la parole d’une voix tout aussi étranglée que la tienne. En d’autres circonstances, tu aurais ris de ses mots, tu lui aurais répondu avec sarcasme, tu aurais cherché à faire vibrer la corde sensible. Tu ne méprise pas les gens comme lui, car ce serait te mépriser toi-même...

Il tente une touche d’humour, mais tu ne ris pas. Tu n’esquisse même pas un sourire. Le menton appuyé sur tes genoux, tremblant de plus en plus, tu t’efforce de respirer. Pas calmement ou profondément, juste respirer... Tu as une fâcheuse tendance à vouloir t’asphyxier quand ça ne va pas...

Tu resserres tes mains sur tes bras. Toi aussi, tu as envie de pleurer...  

« T’as raison... Tu m’fais trop peur pour qu’on puisse être amis... »  

Il fait remonter trop de choses...

Tu ne cherches pas à le blesser en disant cela, c’est juste une constatation... Et tu te sens obliger de le préciser...  

« Tu m’rappel de mauvais souvenirs... J’ai peur de ta violence... De ce que tu pourrais m’faire... Je pensais m’être endurci, avoir surmonter tout ça... et t’es venus tout foutre en l’air... Je me suis juré que plus jamais je me laisserai battre... mais je fais pas le poids face à toi, »  

Il voulait des détails... Tu ne saurais pas lui raconter, mais il devrait avoir de quoi faire avec ça. Un enfant battu, ce n’est malheureusement pas si rare que ça... Pour ta part, tu ne t’en es jamais vraiment remis... Tu as commencé le rugby pour t’endurcir, pour apprendre à encaisser sans pour autant rendre les coups car ce serait tomber dans un cercle vicieux. Tu as appris la répartie pour te défendre et monter une muraille autour de toi. Pour dissimuler ta faiblesse, pour ne pas laisser paraitre ta peur... Mais Jin est venu ruer dans le mur, et cela te met mal. Tu as mal au cœur, ton corps tendus et tremblant est engourdi, et tu peine à respirer. Tu es redevenu un petit garçon sans défense, et ça te fait rager. Tu bous intérieurement.

« Je refuse de redevenir ce gamin que je hais parce que tu m’as pris en grippe sous prétexte que tu m’admires... On n’admire pas un gamin blessé, on le prend en pitié... Et la pitié me rend malade... »  

Tu t’embrouille un peu. Ta voix tremble de rage, tu craches ses mots entre tes dents serrées, les larmes au bord des yeux. Il a voulu détendre l’atmosphère, mais c’est trop tard... Putain mais comment il a fait ?!  

La boule dans ta gorge t’étrangle presque. Tu te sens mal...

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La tournure que prend la conversation te surprend au plus fort. Ce n'était pas prévu de dire des choses aussi personnelles, même si tu as caché le pire. Ou le meilleur, tout dépend de la façon de voir les choses. Seulement, la hache de guerre n'est pas enterrée, là c'est encore pire. Et tu frissonnes à ses mots.

Putain de merde, quel gros con tu as été.
Tu l'as cru faible. Alors qu'il est tout sauf faible.
Quelqu'un qui survit à tout ça, qui a encore de la rage au ventre, quelqu'un qui ne se laisse pas marcher dessus, quelqu'un qui te regarde droit dans les yeux en te crachant dessus... oui Taiyo est tout sauf faible. Et pourtant, ses mots te hérissent le poil, ta tête te tourne. Quel connard. Et dire que c'est trop tard pour te rattraper.

Quoique tu dises maintenant, Taiyo te repoussera, tu en sais trop, tu as vu sa blessure profonde. Tu as compris. Et rien que pour ça, il continuera à te tourner le dos. Tu cherches une échappatoire, une manière de te sortir de se bourbier, mais tu n'as pas les mots. Il n'acceptera jamais ce que tu veux lui dire, parce qu'il a peur de toi. T'as envie de vomir. Tu as toujours aimé inspirer la crainte que tu prenais pour du respect, mais la peur de Taiyo est bien plus profonde, bien plus violente, bien plis ancrée au fond de lui et te dégoûtes de toi-même. Et puis surtout, qu'est-ce que ça en dit sur toi ?

Pourtant, t'essaie.

« Sauf que t'es plus un gamin, sauf que t'es toujours là, sauf qu'on peut admirer quelqu'un qui est toujours debout malgré toutes les épreuves de la vie. »

Tes mots sont à peine plus élevé qu'un murmure parce que tu lui laisses le choix, s'il ne veut pas t'écouter, il peut, s'il ne veut pas te répondre, c'est possible aussi. Pourtant, tu as envie de te lever et de passer un bras autour de son cou, envie de lui montrer que t'es capable d'autant de douceur que de violence. Et surtout, envie de lui promettre de changer. Mais ah, pour quoi ? Il se fiche bien de toi, il ne voudra plus jamais rien avoir à faire avec toi.

Et, au moment où tu te dis que ça tombe bien que vous soyez enfermez ici, une clef se met à tourner dans la serrure.

« Taiyo ! » s'exclame la voix d'Ahloy qui résonne dans tes oreilles en te vrillant le crâne. Elle est venue. Pour lui. Ton coeur se serre. T'es destiné à finir seul, abandonné. Un instant tu penses à rester caché derrière le bureau, à te laisser oublier, à ce qu'ils partent, sans toi, heureux de s'être retrouvé. « Mais ? C'est le pull de Jin ça. » Tu te figes. T'avais oublié ça. Tu restes pourtant immobile, toujours caché. Des pas se font entendre. « Mais qu'est-ce que tu fous là ? » Debout, elle te surplombe, tu lui adresses un sourire, mais il sonne faux. Elle remarque aussitôt tes yeux, tu vois son visage s'assombrir. Elle se penche pour te donner la main. « Allez lève-toi maintenant, je crois qu'on a beaucoup de chose à s'dire. » Et le regard qu'elle jette à Jin est le même que celui qu'elle jette ensuite à Taiyo.

La bonne humeur d'Ahloy calme l'atmosphère, mais Jin n'ose pas jeter un regard en passant à côté de Taiyo. Le chemin vers le vestiaire est très court, alors Jin s'interdit de laisser le silence s'éternise ou, pire, de laisser Ahloy parler à tue-tête pour tenter de les réconcillier.

« Le pull, tu peux l'garder ou l'passer à Ahloy une fois où vous vous entraînerez ensemble si tu veux. »

Voilà, enfin, la première main tendue.

 

My best rival  

Taiyo, 18 ans, en première à l’université  

Le silence retombe à nouveau, de plus en plus pesant. Tu l’entends murmurer quelque chose mais ce n’est pas assez fort pour que tes oreilles bourdonnantes saisissent ses paroles. Tu te tais donc, ne sachant pas s’il attend une réponse ou non... et tu t’en fiche bien, en soi...

Une clé tourne dans la serrure. Tu te relèves d’un bon, faisant fi de la douleur et maintenant la serviette tant bien que mal autour de ta taille, et te recule contre le bureau, comme si t’attendais à être attaqué par derrière. Mais ce n’est qu’Ahloy. Tu devrais être heureux de la voir, et pourtant cela te met encore plus mal à l’aise. Ton visage se referme aussitôt et tu détourne les yeux de peur qu’elle y voit ta détresse. Elle reconnait le pull de son copain et contourne le bureau pour aller le relever. Elle ne semble pas fâchée. L’atmosphère se détend légèrement, mais ni l’un ni l’autre ne relève les yeux vers l’autre. Tu les laisses passer à côté de toi et va attraper le passe-partout des casiers dans le tiroir du bureau avant de les suivre sans un mot. C’est Jin qui rompt le silence, te disant que tu peux garder le pull ou le donner à Ahloy.    

« Ok, merci... »  

C’est tout ce que tu arrives à dire. Tu ouvres ton casier et, par bonheur, y trouve tes vêtements. Tu les attrapes avec ton sac pour aller te changer dans les toilettes, sans même un mot à Ahloy, et encore moins à Jin...

Tu ne veux pas les voir ensemble, tu ne veux plus le voir lui... Tu ne veux pas qu’elle te voit comme ça...  

Après t’être changé, tu hésites à jeter le pull, mais tu finis par le fourrer dans ton sac avec la serviette et te précipite vers ta chambre sans même repasser par le vestiaire. Par chance, ton coloc n’est pas là, et tu peux enfin t’effondrer tout ton saoul, explosant ton oreiller comme si c’était lui qui t’avait blessé. Les larmes coulent sur tes joues et tu peine à ne pas hurler. Finalement, tu t’endors tout habiller, rouler en boule sous ta couverture. Ton sommeil est peuplé de cauchemars... Et tu seras malade pendant plusieurs jours après ça, manquant presque de ne pas pouvoir participer au premier match. Ce n’était pas juste un refroidissement... : fièvre, délires, crises d’angoisses... On a voulu t’envoyer à l’hosto mais tu as refusé tout net. Tu as passé trois jours dans un lis de l’infirmerie à te débattre dès qu’on parlait d’hospitalisation. Tu ne retourneras jamais à l’hôpital...

Après trois jours, ta fièvre est enfin tombée, et tu as peu à peu récupéré. Tu as pu participer au match après avoir fortement insisté auprès du coach. Tu évites Jin au maximum, tu n’approches même plus Ahloy. Le pull est roulé en boule sous ton lit. Tu en veux au capitaine d’avoir enfoncé le couteau dans une plaie que tu cherches à dissimuler. Tu t’en veux qu’il t’ait vu aussi faible. Tu n’arrives plus à le regarder en face. Tu ne t’attarde plus dans les vestiaires, allant prendre ta douche dans les dortoirs après les entrainements. Tu parles à peine à l’équipe et ne sors presque plus. Tu as toujours mal depuis ce jour... et putain que tu lui en veux pour ça...

My best rival

Il a été malade. Il a raté des entraînements. Et t'as fait l'gars qui s'en fiche, t'as fait semblant de sourire, quand certains ont proposé d'écrire une carte, t'as ri aux nez des gars et t'as annulé l'entreprise. « Ça va, il s'est pas pris un bus non plus, il n'est même pas aller à l'hôpital !  »  Voilà ce que tu leur as dit en ricanant, mais la vérité était toute autre. Tu n'aurais pas pu signer cette carte, il l'aurait brûlée en voyant ton nom. Et tu aurais détesté qu'il reçoive une carte sans ton nom. Foutue ambivalence de merde qui t'empêche de penser clairement et d'accepter que tu n'es pas le bienvenue dans sa vie.

Il ne veut pas de toi.

Les mots si durs sont si violents, tu avais enfin baissé la garde, enfin accepté ce que tu ressentais, tu étais prêt à lui dire combien tu l'admirais, combien tu avais agis comme un enfant gâté qui châtie bien ceux qu'ils aiment bien, sauf qu'il t'avait repoussé aussi sec. Tu ne lui inspires que de la peur. Tu ravives son traumatisme, même si tu ne sais pas précisément lequel est-ce, juste tu sais que ça a un lien avec ta violence.

Tu as passé des heures dans la salle de boxe, frappant sur ce punching-ball, espérant faire sortir toute ta rage et ta colère par ce biais afin qu'il ne te reste plus rien. Sauf que tu en as toujours trop, et tu ne peux pas dire que tu ne frapperas jamais plus personne, tu ne l'as déjà que trop fait. Les bras endoloris, les muscles fatigués et l'esprit tournant toujours en boucle, tu comprends que tu n'arriveras à rien. SI ce n'est retourner au point de départ.

Au bout de quelques jours, il revient. Vos regards ne se croisent jamais, pourtant, tu l'observes beaucoup, tant pis si on te voit, tant pis si quelqu'un imagine quelque chose, tu arriveras à lui retourner le cerveau. Mais jamais Taiyo se relève les yeux vers toi. Il prend sa douche ailleurs, il ne mange pas avec vous, il s'entraîne toujours plus, toujours plus fort et plus dur, mais pas avec toi. Jamais. Même Ahloy t'a dit qu'elle ne le voyait plus. Il est dans son dortoir, dans sa salle de classe ou sur le terrain. Nul part ailleurs.

Une semaine passe, puis deux. Tu vas devenir fou. Les autres sont passés à autre chose, la bizarrerie de Taiyo ne les amuse plus et comme t'es plus là pour les encourager à se moquer, ils n'en abusent pas. Ils sont sympa avec lui, mais Taiyo ne leur rend pas, il n'adresse la parole à personne d'autre que le coach ou alors ce sont des réponses bateaux qu'on attend de lui. Personne n'engage la conversation, puisqu'il coupe court à tout.

Une troisième semaine passe et tu es devenu assidu en cours. Tu espères le croiser dans les couloirs, c'est idiot, tu te sens débiles, mais c'est plus fort que toi. Tu es tellement obsédé par lui, que tu te mets à bosser. Ahloy n'en revient pas de tes notes qui remontent, de ton comportement exemplaire. Elle essaie de te faire parler, mais tu ne dis rien. Tu te tais. Et doucement, elle s'éloigne de toi. Ou alors elle te laisse un espace privé comme tu en as besoin. T'en sais rien, et le pire, c'est que tu t'en fiches.

Un soir de match, vous finissez plus tard que prévu. Votre équipe à tout gagné, Taiyo a été phénoménal, jouant avec hargne et ferveur. Le reste des joueurs partent boire une bière en se moquant des perdants. L'alcool vous a tous rendu cons. Taiyo, bien sûr, n'est pas des vôtres. Il fait nuit depuis la fin du match si bien que tu ne sais pas quelle heure il est. Lassés des insultes, l'autre équipe finit par se barrer, mais tu vois leurs regards mauvais, tu sens leur rage et leur colère. Normal, tu partages la même. Sans trop savoir pourquoi, tu les suis. Instinct ? Folie ? Un peu des deux.

C'est là que tu les vois. Taiyo est encore en chemin, il n'a pas marché aussi vite que d'habitude ? Ou alors vous avez commencé à boire plus tôt que le tu pensais ? Qu'importe, les perdants déversent leur rage sur lui. Dix connards, bâtis comme des immeubles que la défaite à rendu violent. Tu n'hésites pas un seul instant. Tu t'interposes. « Ahhh, la lâcheté des perdants, s'attaquer à un mec seul sans son équipe, bravoooo »  Tournant le dos à Taiyo, tu récupères le premier coup dans le nez, le second dans le ventre, le troisième dans les couilles. Il y en a encore un, dix ou cent. Tu ne peux plus les compter. Tu t'écroules au sol, t'en as rendu quelques uns, tu crois. T'en sais rien. Dans la nuit noir, t'as rien capté, t'espères juste qu'ils continuent de se défouler sur toi plutôt que sur Taiyo.

C'est le bruit de la sirène de police qui te réveilles. Tu ne te rappelles pas avoir fermé les yeux pourtant. Et quand tu lèves les yeux, tu croises son regard. Enfin.

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université  

Les autres s’éloignent de toi. Que ce soit l’équipe ou tes potes... ton silence et ton attitude passive les lasse vite. Ils ne cherchent même pas à comprendre, mais tu t’en fout. Tu passes ton temps à étudier ou à t’entrainer. Tu ne manges que pour éviter les faiblesses au rugby. Tu t‘obliges à dormir pour les mêmes raisons, même si tu peine à récupérer entre deux cauchemars.

Tu sens son regard sur toi à chaque fois qu’il est à proximité, lui qui est venu tout remuer, qui est venu foutre le bordel... Mais tu l’ignores. Tu veux reboucher la brèche qu’il à causer, et tant pis si ta sociabilité en prend un coup... Tu as besoin d’être seul le temps de remonter ton mur, parce que tu ne veux pas que quiconque d’autre voit de l’autre côté...

Pourtant, malgré toute l'énergie que tu mets à éviter son regard, tu as l’impression qu’il est partout... Lui qui n’était presque jamais en cours est désormais présents dans les couloirs tous les jours. Tu sers les dents ç chaque fois que tu sens sa présence, filant le plus rapidement possible. A quoi il joue bordel ?! C’est une autre façon de te pourrir la vie ? Il veut te faire payer ses aveux ? Ou te torturer en faisant en sorte que tu n’oublies pas les tiens... ? Vous vous comprenez si mal l’un et l’autre...

Ce soir-là, vous avez remporté le match. Le coach t’a fait des éloges. L’équipe à fêter ça, mais toi tu es partit, comme toujours depuis des semaines. Tu n’es pourtant pas aller très loin. Une crise d’angoisse t’a cloué sur place un bon moment, planqué sous les gradins alors que les autres boivent un peu plus loin. Tu ne sais pas trop combien de temps il t’a fallu pour réussir à prendre la route vers ton dortoir, mais tu marches depuis à peine quelques minutes que tu te fais alpager par l’équipe adverse, alcoolisée et en colère. Les mots fusent, tu répliques avec ton sarcasme insolent habituel. Mais la ferveur n’y est pas. Ta crise plane encore et tu manques de hargne. Viennent alors les coups. Tu tentes de les rendre, parce que t’en à marre, parce que là, tout de suite, tu te fiche bien du cercle vicieux, mais ils sont trop nombreux. Tu te prends quelques coups de poings, tu en rends d’autres, puis plus rien. La voix du capitaine se fait clairement entendre, il se place face à toi, et puis tu ne sais pas... tout va trop vite... Il donne des coups, s’en prend un, puis deux, puis trois... Il s’effondre... D’autre joueurs de notre équipe nous ont rejoint. Les coups pleuvent. Tu te laisses tomber à genoux prêt de Jin qui semble évanouit. Finalement, des sirènes se font entendre, et tout le monde se disperse aussitôt en pestant. L’un des gars de l’équipe tente de me relever, mais je me dégage de sa prise et il se barre sans demander son reste. Jin ouvre alors les yeux, et vos regards se croisent. Brièvement, car tu détourne les tiens presqu’aussitôt, mais tu ne bouges pourtant pas, restant à genoux à côté de lui. Il saigne du nez, toi de la lèvre et de l’arcade. Un rugbyman alcoolisé qui veut se défouler, ça ne pardonne pas...

Une voiture de police s’arrête prêt de vous alors qu’une autre continue pour poursuivre les fuyards. Deux flics vous relèvent sans ménagement. Ils vous posent des questions : qu’est-ce qu’il s’est passé, Ils affirment que vous êtes bon pour une nuit au poste. Tu ne réponds rien, tu es probablement sonné...  

Ils vous fourrent tous les deux à l’arrière de la voiture et démarre pour aider leurs collègues. Tu fixes la vitre qui te renvoie ton reflet, et celui de Jin à côté de toi...

« Pourquoi t’es intervenu ? »  

Tu pourrais lui dire merci, lui demander si ça va... Tu y penses... Mais tu n’y arrives pas. Vous êtes à nouveau coincés ensemble, et tu ressens à nouveau ce malaise...

Tu ne te rends même pas compte que tu t’enfonces presque les ongles à sang sur ton poignet que tu serres à t’en faire mal.  

Il s’est battu pour toi… ou c’était juste pour se défouler... Tu as envie de vomir, mais c’est probablement dû au coup que tu as reçu dans le ventre. Tu n’as pas l’habitude de te battre...

Tu regardes le reflet de Jin dans la vitre en t’efforçant de rester neutre. Fallait que ce soit lui...

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Le contact entre vos quatre yeux est si bref, mais tu l'attendais avec tellement d'impatience que tu ne l'as pas raté, par contre, tu as vu son visage s'assombrir et ses yeux se détourner. Il n'a pas changé d'avis. En quatre semaines, tu lui fais toujours aussi peur. A moins qu'il ait honte de t'avoir confié un pan de sa vie. T'en sais rien, tu te rends compte à cet instant, que tu ne le comprends pas du tout. Tu pensais avoir enfin saisi comment il fonctionnait que voilà, tout s'envole de nouveau en fumé.

Tu tousses un peu, essaie de te redresser sans réussir, mais on te déplace sans ménagement. On te pose des questions, tu craches du sang, incapable de parler. Taiyo est aussi muet que toi. Il vous embarque. T'as envie de dire que vous êtes les victimes, mais t'as plus l'énergie de te battre. T'es juste une putain de loque au sol.

A l'arrière de la bagnole des flics, tu le fixes. Tu ne te caches même plus, tu t'en fiches qu'il sache à quel point il t'obsède. Tu veux juste qu'il t'adresse la parole, qu'il te dise quelque chose, n'importe quoi !

« Sérieusement ? » Ton regard est choqué, étonné. Tu ne comprends pas cette question. Est-ce que t'as hésité un seul instant ? Est-ce que t'as cru qu'il ferait pareil pour toi ? Evidemment que non, jamais il ne se mettrait devant toi pour subir les coups qui te sont destinés, aussi injustes soient-ils. Tu détournes le regard, ton coeur brisé en milles morceaux. A quoi pensais-tu ?

Tu inspires et, une fois calmé, une fois que ta détresse ne peut plus se lire dans tes yeux, tu le regardes. « Parce que t'es mon équipier et que je suis le Capitaine. Parce que personne ne s'en prend à l'un des miens. Parce que c'était injuste. » Tu craches ces raisons, qui sont aussi bonnes que fausses. Bien sûr que t'aurais sûrement fait ça pour d'autres gars de ton équipe, mais face à Taiyo en train de se faire rouer de coup, tu n'as pas réfléchi. Ton corps a agi d'instinct, t'as pas hésité parce que tu savais déjà que tu mourrais pour lui. Bordel. T'es pathétique. « Donne moi une seule bonne raison de te regarder te faire rouer de coup sans réagir, tu m'prends vraiment pour le monstre que je suis. » Ta voix se brise. Tu ne lui as pas dit la vérité. Tu ne lui as pas dit que tu ne voulais pas qu'il soit traumatisé, que tu n'as pensé qu'à la violence qu'il en avait marre de ressentir. Tu le mets sur le même pied d'égalité que le reste de l'équipe.

Ah, si seulement ce n'était que ça. « Idiot va. » rages-tu entre tes dents avant te plonger dans la contemplation de la vitre.

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université  

Ta question semble le choquer, et il ne te répond pas tout de suite. Lorsqu’il reprend la parole, tu détache les yeux de la vitre pour regarder devant toi. L’un des siens... T’a-t-il finalement pris en pitié ? Le petit chaton blessé qui a besoin de protection...  

Il te pose une question, tu baisse les yeux. Respire... Tu t’es encore mis en apnée... La voix de Jin se brise. Pourquoi semble-t-il perdu ? Que cherche-t-il exactement ?

Tu inspires doucement. Tu te rends compte que tu n’as même pas mal... Quand as-tu cessé d’avoir mal ?  

Cette réflexion te fait froncer les sourcilles. Jin te traite d’idiot, et tu tournes enfin la tête vers lui. Il fixe a son tour la vitre.

« Qu'est-ce que tu veux, Shao ? J’te comprend pas... »  

Le goût du sang te donne la nausée. La voiture s’arrête et les flics sortent, vous laissant là. Deux ados bagarreurs ne représentent pas un grand danger...  

Retirant les ongles de ta peau, désormais profondément marquées, tu crache dans ton t-shirt, faute d’avoir autre chose sous la main, avant de reprendre.

« T'as pas arrêté de me suivre depuis ce jour-là... J’me trompe ? »  

Non, tu ne trompes pas, tu le sais... Mais tu veux savoir pourquoi...

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Tu le sens, son regard sur toi et il te brûle le visage. Parce que tu l'attendais, tu le désirais, mais qu'il arrive trop tard. Tu t'es trahi, déjà, tu en as trop dit. Bon sang, qu'est-ce que t'es mauvais dans tout ce que tu entreprends. Ton coeur bat à tout rompre et le paysage - dans la nuit, on ne peut pas vraiment parler de paysage - ne te calme pas plus que ça. Tu essaies de respirer plus tranquillement, et une fois calmé, tu te retournes vers lui.

Sauf qu'il t'achève avec ses mots si juste et si violent. Bien sûr qu'il t'a vu. Tu aurais dû en être heureux, puisque c'était le but, sauf qu'en réalité, c'est tout l'inverse. Il t'a vu, il t'a fui, il n'a pas été impressionné par tes efforts.

Et là, à cet instant où la vérité pourrait enfin éclater, où tes mots pourraient faire la différence, tu décides de mentir. De t'énerver, de te vexer. C'est idiot, mais c'est plus fort que toi. Tu n'arrives pas à avouer ce que tu as sur le coeur, tu préfères continuer de te protéger, toujours de la même manière.

« Eh bah ça va l'égo ? J'suis dans la même université que toi, c'est normal qu'on se croise dans les couloirs non ? On fait le même sport... fin, je vois pas trop ce que tu veux dire. » Tu soupires, il va te falloir être plus convainquant. Alors tu dis autre chose, qui se rapproche un peu plus de la vérité, mais pas de celle que tu devrais lui offrir, non, une autre vérité qui te blesse tout autant. « Si tu parles des cours » ton visage ce ferme et tu évites son regard « c'est mes parents, ils m'ont menacé de retirer l'argent qu'ils me versent si je continuais à faire dégringoler mes notes. » Les professeurs ne veulent plus de tes billets pour passer en année supérieure, il va falloir bosser. « Alors oui, j'ai été assidu, oui je t'ai peut être cherché des yeux dans le couloir quand tu passais là, mais comme je l'aurai fait avec n'importe qui. » Mensonges, encore une fois. Pourtant, tu te forces à lever les yeux, à chercher à croiser son regard. « Taiyo, je sais pas c'que veux, voilà la réponse la plus honnête que j'ai à t'offrir, mais arrête de faire comme si t'étais inutile et inintéressant. Arrête de retomber dans ce mutisme d'être supérieur quand t'es avec moi. » Emporté par ton flot de paroles, tu ne te rends même plus compte du lieu où vous êtes, ni de ce que tu dis. « Tu m'as livré des vérités sur toi, j'ai fait de même, on peut pas revenir en arrière tu sais.... J'le veux pas. » Tu as hésité à rajouter la dernière phrase, tu as aimé le comprendre mieux, mais comment le lui expliquer sans que tout ne soit pas niais. Sauf que tu sais pas faire, t'as pas l'habitude de dire la vérité.

Pour peu, tu espères que la voiture va s'arrêter maintenant et vous libérer de cette conversation.
D'un autre côté, tu aimerais juste qu'il te regarde pour de bon et qu'il te parle.
Foutue contradiction.

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université    

Jin ne réagit pas à ta première question, mais il s’offusque par contre de la deuxième, qui n’en étant pourtant pas vraiment une. Il fait genre que tu délires, qu’il ne voit pas de quoi tu parles. Tu le fixes avec un air las. Il est fidèle à lui-même... Mais cela te fatigue... Il esquive, tout comme toi, au final... L’un comme l’autre, vous fuyez, mais ni l’un ni l’autre ne sais ce que l’autre fuit exactement...

Le capitaine a dû voir que tu ne le croyais pas, car il reprend, donnant une explication des plus plausibles. Il a détourné le regard, comme s’il était gêné. Tu ne peux retenir un petit rire bref et sec à cette révélation. Ce n’est pas moqueur, non, juste... Typique... Tellement prévisible, tellement cliché... On dirait presqu’un mauvais film pour ados... : le bad boy qui est forcé de rentrer dans les rangs et voit son image métamorphosée... Sauf que ce ne sont que des films... la réalité est tout autre...

Lorsqu’il fait allusion au fait qu’il te cherchait des yeux comme il l’aurait fait avec n’importe qui d’autre, tu pouffes cette fois clairement de rire. Un rire sans joie, nerveux...    

« Menteur... »    

Tu reprends très vite ton calme. Tu as à peine soufflé ce mot dans ton rire. Et, finalement, il répond à ta première question, fixant son regard sur toi. Tu le soutiens, ton visage ensanglanté ne laissant paraitre aucune émotion hormis ton insolences habituelle, celle qui reparait à la moindre émotion afin de couvrir cette dernière. Tu ne respires à nouveau plus...

Il essaie d’être honnête avec toi, mais ces mots te mettent juste en colère. Un mutisme d’être supérieur... qui n’est pourtant ni inutile, ni inintéressant. Et des mots qui ont été prononcés, et retenus...  

Tu détourne à nouveau les yeux et tente d’ouvrir la portière. Évidement qu’elle est verrouillée, vous êtes dans une voiture de police. Tu tape sur la vitre de la main. Heureusement les flics ne sont pas encore revenus à proximité, mais ils ne devraient plus tarder. T’efforçant de respirer, te retourne à nouveau vers Jin et, n’ayant pas vraiment d’autres options, fini par répondre.

« T’es chiant ! Tu l’sais ça ? Tout allait bien avant qu’tu t’mêles de ma vie... Je n’suis pas supérieur, arrête avec ça ! Mais tu... t’as foutu la merde... ! T’as tout fait foirer... Et maintenant je dois tout recommencer... »    

Il ne doit rien comprendre... Comment le pourrait-il ? Il n’a aucune idée de quoi tu parles... Il n’a aucune idée du mur qu’il a détruit, de ce que ce mur cachait et des années que tu as mises pour le construire. Il ne comprend rien, mais il ne peut pas comprendre puisqu’il ne sait pas ce qu’il a fait...  

Tu as un haut le cœur et crache à nouveau dans ton t-shirt, grimaçant au goût du sang.

« Bordel... Bande d’enfoirés... »

Tu marmonnes ces mots à l’intention de l’équipe adverse. Tu disais Jin soupe au lait, tu n’es clairement pas mieux ce soir. Il t’énerve non pas parce qu’il n’arrive pas à s’exprimer clairement, ou bien parce qu’il joue les cons pour te baratiner, mais parce qu’il a été chercher quelque chose qu’il ne fallait pas. Il fouine là où il ne faut pas, et ça te met hors de toi de ne pas réussir à l’en empêcher...

« Tu ne sais rien de moi, Shao... Ce qui s’est dit ce jour-là... Même si ce n'était pas grand chose, tu n’aurais jamais dû le savoir... »

C’est un reproche. Il dit ne pas vouloir revenir en arrière, mais toi tu n’espères qu’a reboucher la brèche qu’il a ouverte... Ou plutôt à reconstruire le mur qu’il a démoli sans même s’en rendre compte...
Il ne doit rien comprendre, tout comme tu ne le comprend pas... mais comment le pourriez-vous puisque vous vous dissimuler les informations capitales... ?

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Il rit, d'un rire sans joie et il te traite de menteur. Le pire ? Tu ne peux rien dire, il a raison. Tu mens comme tu respires, tu mens depuis le début, tu mens à tout le monde, mais surtout à toi-même. Tu détournes le regard un instant, avale ta salive, hésite, mais finalement tu repars dans une autre direction. Vous êtes partis trop loin, lui comme toi, pour tenter de recoller les morceaux. Et malgré tout ce que tu as compris sur toi-même, tant que tu ne t'es pas relevé seul, tu ne pourras jamais avancer. Taiyo ne doit pas être ta béquille, c'est à toi de retrouver ton équilibre.

Et, alors que tu essaies enfin d'être un peu honnête - c'est tout de même la moindre des choses - voilà qu'il se met en colère. Bon sang, vous n'arriverez jamais à communiquer, vous ne pourrez jamais vous entendre. Quand c'est pas l'un qui vibre d'une rage folle, c'est l'autre. T'es las, fatigué, épuisé de prendre sur toi, mais pourtant, tu ne peux plus arrêter, tu ne peux plus continuer à le blesser intentionnellement.

« Ouais, j'le sais, j'suis chiant. » T'hausse les épaules, essayant de te convaincre que ça ne te fait rien, que ses mots ne t'ont pas touché en plein coeur. Tu comprends pas ce que tu as fait, mais tu sens à son ton de voix qu'il y croit. Il y a une vraie haine de toi. Ce n'est plus de la peur, c'est déjà ça, mais ça reste tellement fort et tellement négatif.

Il frappe la vitre, il grogne entre ses dents, mais là tu ne le laisses plus faire. Tu te redresses - autant que tu le peux, malgré ta tête qui continue de tourner, l'odeur du sang qui t'emplit le nez et la douleur qui pulse depuis partout dans ton corps - et le regardes. Tu t'en fiches qu'il évite ton regard. Tu veux juste qu'il t'entende. Il est en colère ? Très bien. « T'as l'droit d'être en colère, t'as l'droit d'en vouloir au monde entier, mais arrête de me reprocher ça. C'est pas moi qui t'ait forcé à parler et tu ne peux pas les reprendre, tes mots. Si ça te rassure, j'ai rien compris, je sais pas exactement ce qui t'es arrivé, ok ?, mais la seule chose que je sais, c'est que c'est fini. Et » inspiration, parce que tu sais ce que tu t'apprêtes à dire « et même si tu me hais, je serais là, pour que ça n'arrive pas à nouveau. » Ton coeur s'est mis à battre si vite, tes mains tremblent. « Je sais pas pourquoi, Taiyo, mais je t'apprécie, alors arrête d'essayer de me virer de ta vie, tu l'as dit, je suis chiant, j'suis obtus, j'suis con, mais plus tu me repousseras, plus je m'accrocherai. » Ah, quelle déclaration, il va rire c'est certain. « Maintenant, tu n'as que deux choix. Être saoulé à chaque fois que tu me vois ou, avancer et quand t'auras plus besoin de personne, ok, là, je partirai. » T'es pas faible as-tu envie d'hurler, c'est moi qui ait besoin de te voir heureux. Mais tu ne peux pas prononcer ces mots.

Et tu ne sais pas pourquoi tu as prononcés ceux d'avant d'ailleurs.
Finalement une bonne raclée, ça ouvre encore plus les vannes que six shots de vodka.

 

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Taiyo, 18 ans, en première à l’université    

Le capitaine ne te dément pas. Au contraire, il approuve même le fait que tu le trouves chiant, confirmant tes dires. Il ne sait même pas pourquoi, et pourtant il l’accepte...  

Non, décidément tu ne le comprends vraiment pas...

Alors que tu t’énerve, Jin hausse le ton à son tour. Il refuse ce que tu lui reproche. Pourtant, c’est bien à lui que tu en veux, pas au reste du monde... C’est lui qui s’est immiscé à travers ta protection...

Jin se lâche... Il répond enfin à ta question. Il... te fait une déclaration ?  

Soufflé, un regard surpris fixé sur lui, tu gardes les silence un long moment. Les flics reviennent, ils vous jettent à peine un regard. La voiture redémarre, tu détourne à nouveau les yeux vers la vitre et fini par enfin parler, mais ta voix tremble.

« Tu n'sais même pas de quoi tu parles putain ! »    

Tu prononces ces mots entre rires et larmes. Ses mots t’ont touché, mais tu ne saurais pas dire comment exactement... Les larmes se sont mises a coulées sans que tu ne t’en rendes compte. Il dit que c’est fini, qu’il fera en sorte que ça n’arrive plus... mais il ne sait même pas de quoi il veut te protéger...

C’est touchant, d’une certaine façon, mais surtout perturbant... Tu ne t’attendais clairement pas à ça...

Vous finissez par arriver au poste de police. A peine la porte s’ouvre que tu vomi sur les chaussures du flic, qui n’est clairement pas ravi... Ils pensent que vous êtes saouls, mais vous auriez surtout besoin de voir un médecin... Trainé sans ménagement à l’intérieur, tu observe ton capitaine. Il n’a pas l’air bien du tout...    

« Il a besoin de soins... »    

Tu tentes de te faire entendre alors qu’ils vous mettent dans une cellule. Ces flics ont passés une salle journée et se vengent sur vous ou quoi ? Tu risques d’avoir des problèmes avec ta bourse si cela apparait dans ton dossier, surtout s’ils le tournent à leur sauce...

Mais ce n’est pas ta préoccupation première dans l’immédiat. Alors que la porte se referme derrière vous, tu te retournes aussitôt pour taper dessus du peu de force qu’il te reste.

« Vous voyez pas qu’il est blessé bordel ?! »

- La ferme ! Un médecin va arriver.  

Géniale... Si le fait de ne pas être à l’hosto t’arrange, tu aurais préféré que Jin y aille...  

Voir un médecin en cellule de dégrisement n’est pas vraiment le must...

Epuisé, tu te laisses glisser le long du mur à côté de la porte, fixant Jin, ne sachant toujours pas comment réagir à ce qu’il t’a dit dans la voiture. Il a dit t’apprécier... Mais t’apprécier à quel point ? A quel moment est-ce qu’il est passé de “Je vais mâter ce p’tit nouveau” à “Je vais te protéger” ?  

Tu es inquiet de son état, il a pris de sales coups... Tu ne l’avais pas remarqué dans la voiture, mais tu l’as bien vu en en sortant... Sauf que sa... confession... T'empêche de lui demander comment il se sent. Et, finalement, tu choisi le sarcasme en solution, comme toujours...  

« Comment tu veux me protéger dans ton état... »

Tu ne sais pas trop si tu dis cela pour détendre l’atmosphère ou pour l’énerver, d’autant qu’il n’y a pas vraiment de trace d’humour dans tes mots... Mais s’est de ta faute s’il est dans cet état... alors tu reprends...

« M’aider ne t’a pas vraiment réussi sur ce coup-là... »

Bref silence... puis tu continues, parce que tu n’as pas envie de le laisser parler...

« J’avançais, tu sais... Avant que tu viennes tout démolir... J’avais besoin de personne, je m’étais bien protégé... »  

Ton ton est froid, vide... las...

« Tu sais pourquoi je t’en veux, Shao ? Parce que tu m’as mis à nu... Plus que littéralement parlant, pour le coup... »

Tu appuies ta tête contre le mur. Tu ne sens toujours pas la douleur, comme si tu étais anesthésié... Et l’épuisement te donne le tournis. Les mots que tu prononces, tu as l’impression qu’ils viennent de quelqu’un d’autre... quelqu’un qui parle à ta place...

« En quoi, une heure ? T’as réussi à démolir des années de travail... T’as fait remonter des trucs qui fallait pas... Est-ce que tu sais à quel point c’est difficile d’enfuir un traumatisme ? »

Et à quel point c’est mauvais, aussi... Ce traumatisme, tu n’y as jamais fait face, tu n’as jamais pu... ce qui rend sa mise à découvert d’autant plus violente et douloureuse...

Tu ne sais pas trop pourquoi tu lui balance ça... Pour qu’il puisse comprendre ? Ou pour le blesser ? Pour qu’il sache que s’est vraiment de sa faute ? C’est injuste... il n’y est pour rien. Il ne mérite pas que tu l’accable ainsi... et pourtant...

« Mais ça ne veut pas dire que j’ai besoin d’être sauvé... Je m’en suis sorti seul la première fois, je m’en sortirai encore cette fois... »

Encore seul... Pourquoi ne l’as-tu pas précisé ?

My best rival

Il n'a pas répondu, pas le moindre mot. Tu détournes ton regard, le coeur lourd, épuisé et soudain tout te revient en pleine gueule. Tu t'es quand même évanoui sous la douleur de leurs coups et ton corps ne tient en place que parce que tu as pu occulté cette douleur précédemment, parce que la vie de Taiyo était trop importante, mais maintenant... tu lâches prises.

Tu l'écoutes rager, à moitié rire ou pleurer, t'en sais plus rien, tu ne le comprends pas. Chaque fois que tu essaies, il te repousse, mais tu lui as promis de t'accrocher, tant pis du nombre de chute, tu te relèveras systématiquement. Mais là, ton cerveau est en train de lâcher, t'as du mal à garder les yeux ouvert et l'odeur du sang te dégoûtes.

Les mots que Taiyo prononcent te paraissent loin, t'espères qu'il ne te demande pas de l'aide, tu n'es pas vraiment en état. Quand tu rouvres les yeux, tu remarques que vous avez quitté la voiture, tu ne te rappelles pas avoir bougé. Il a dû t'aider, tu essaies de sourire. Tu reprends constance, peu à peu, posant ta tête contre le mur. Et là, il t'attaque à nouveau. Il est insupportable, mais au moins, il reste fidèle à lui-même. Voilà quelque chose qu'on ne peut pas lui retirer.

Tu ne lui coupes pas la parole, parce que tu ne sais pas quoi dire, mais ses mots te heurtent. Il veut te faire du mal. A moins qu'il ne veuille t'expliquer sa haine contre toi. Tu entends chaque son, tu comprends chaque phrase, mais tu dois vraiment t'accrocher. Et puis, une fois de plus, il te repousse. Il ne comprend vraiment pas comment tu marches n'est-ce pas ? Ah, pourquoi t'es-tu lancé dans ce combat ?

Tes mains sur le crâne, t'essaie de faire partir la douleur, de la rentrer au plus profond de toi pour l'oublier, mais elle est là, sourde, palpitant dans tes veines.

« J'm'excuserai pas. » murmures-tu, incapable de faire porter ta voix plus loin. Et tu lui tournes le dos, ça lui apprendra tiens.

La grille de la cellule de dégrisement s'ouvre brusquement et quand on se met à te palper le torse et qu'un faisceau lumineux te brûle la rétine, tu comprends qu'on prend soin de toi. A leur façon. Tu réponds du mieux que tu peux aux questions, mais ce n'est qu'avec la prise d'un antalgique que tu te sens un peu moins au fond du gouffre. Quand le médecin repart, quinze minutes plus tard, le sang a cessé de couler, tu portes un pansement sur l'arcade et la bouteille d'eau t'a fait du bien.

Alors, enfin, tu peux faire face à Taiyo. Tu serres les poings pour ressentir quelque chose et tu le regardes droit dans les yeux.

« La seule chose que je sais, c'est que le déni est utile mais ne guérit rien. » Tu es faible, crasseux, douloureux, et pourtant, t'as l'impression que t'as rien vécu, que t'as été si protégé par la vie que t'es un gros hypocrite. D'où tu te permets de juger ses techniques de survie. « Je ne te sauverai pas, tu sais, j'suis pas capable de ça et y a que toi qui peut avancer, j'ai dit que j'empêcherai que ça arrive de nouveau. » Tu grinces des dents, tu ne sais même pas ce que tu dois empêcher. « Et si c'est prendre des coups à ta place, alors je le ferai. » Depuis quand tu parles à coeur ouvert ? Tu soupires. « J'ai toujours agi dans mon propre intérêt, c'est la première fois que j'ai envie de » les mots sont durs à sortir, comment lui redire encore ce que tu as déjà dit et qu'il refuse de comprendre ? « faire quelque chose pour quelqu'un d'autre. » Même Ahloy, la plus belle femme du monde que tu as cru avoir sincèrement aimé, c'était pour toi. Pour être classe, pour être celui que tout le monde enviait ou jalousait. Tu te sens mal, si mal. « Parles-moi, ou ne dis rien, mais ça ne change rien, je te l'ai dit. » Tu le regardes toujours, incapable de baisser les yeux devant son visage abîmé et ses grandes pupilles tristes.

 

My best rival    

Taiyo, 18 ans, en première à l’université    

S’il faut reconnaitre une chose à Jin, c’est qu’il a une sacrée constitution... Il semble vraiment en mauvais état, et pourtant il a tenu un bon moment... Mais depuis que vous êtes arrivé au poste, il ne semble vraiment pas bien...

Après que tu lui ais déballé... tes explications... si on peut appeler ça ainsi... le capitaine se contente de murmurer qu’il ne s’excusera pas. Cette réponse te fait sourire. Un sourire amer. Bien sûr qu’il ne va pas s’excuser, il n’est même pas conscient de ce qu’il a fait, pourquoi il s’en excuserait ?

Le silence retombe et un médecin fini par arriver, enfin. Il commence par ausculter Jin, qui est le plus amoché de vous deux, puis vient te soigner. Tu lui fais comprendre que vous êtes sobres (du moins pour ta part) et que vous n‘avez fait que vous défendre. Lorsqu’il repart, tu espères qu’il t’a cru et en parlera aux policiers...  

Tu te sens un peu mieux, ta tête tourne moins, le médicament que le médecin t’a donné te fait du bien. Tu relèves alors les yeux et croise ceux du capitaine qui te fixe sens ciller. Tu soutiens son regard, le souffle à nouveau coupé, et écoute ses paroles. Il t’a bel et bien fait une déclaration, à sa façon du moins...  

La gorge serrée, tu inspires soudainement, tremblant. Tu finis par détourner les yeux, les larmes roulant à nouveau sur tes joues sans que tu n’arrives à les retenir. Tu sais que lui te regarde toujours...

« Bordel Shao... Tu nous fais quoi là ? »    

Ta voix tremble également. Il n’y a pas de hargne ou de colère dans ta question. Ce n’est même pas vraiment une question... Tu as bien entendu ses paroles, sa promesse... Tu as compris ses mots... Mais tu ne sais pas plus y répondre maintenant que dans la voiture... Tu prends ta tête entre tes mains, t’obligeant à respirer calmement. Tu n’es pas un petit chaton qui a besoin d’être protégé... Tu as bien compris que ce n’est pas ce qu’il sous-entend, du moins tu crois... mais tout de même... Et puis sa morale... Il se la joue philosophe...  

Tu serres les dents, essuyant tes joues de tes paumes. Tes phalanges sont abimées d’avoir cogné, et tu dois faire peur à voir avec ton arcade et ta lèvre fendues... Tu dois plus ressembler à un chaton en détresse qu’à un joueur de rugby prometteur...

Tu prends de grandes inspirations, tu essaies de rester calme, de ne pas t’énerver ou fondre en larme, ou pire faire une nouvelle crise d’angoisse. Et finalement, tu relèves les yeux sur Jin.

« Ok... Tu veux tout savoir ? Tu veux voir à quel point le beau parleur se cache derrière les mots, comme tu l’as si bien dit lors de cette soirée...? »    

Cette soirée où tout a commencé... ou tout est parti en vrille...

Tu prends une nouvelle inspiration, t’efforçant, un peu en vain, de contrôler les tremblements de ta voix étouffée par la boule qui te serre la gorge.

« J’suis un enfant battu. J’ai passé mon enfance à faire des allers-retours à l’hosto, quand on m’y emmenait : bras cassé, brûlures, “chutes” dans les escaliers... ça a pris des années avant que quelqu’un ne comprenne que quelque chose n’allait pas, que même un enfant casse-cou n’enchaine pas autant les blessures. Ma mère s’est faite aidée pour pouvoir me garder, on a déménagé loin de l’enfoiré qui me sert de géniteur, et j’ai décidé que plus jamais je ne tomberais dans la violence physique. J’ai commencé le rugby pour contrôler ma colère, j’ai appris à me défendre par les mots, à désarçonner les autres pour éviter les coups... Je me suis protégé dernière un mur car je ne voulais pas qu’on voit en moi un pauvre petit garçon qui n’a pas eu de chance... »

Tu déballes tout, d’une voix tremblante mais qui ne flanche pas. Il voulait savoir ? Et bien voilà... il sait.

« Je ne sais pas comment t’as fait, mais t’as réussi à démolir ce mur.... Je ne me prenais plus de coups, à part au rugby... »

Et son coup de poing surprise...

« Mais sans le mur...  »

Ils pleuvent de nouveau...

Tu ne termines pas ta phrase. Tu reprends ton souffle, tu as parlé en apnée... Il voulait savoir...

My best rival

Tu te sens fébrile dans cet espace, au milieu de nulle part, ce post de police est un lieu neutre, qui n'est rallié ni à toi ni à Taiyo. Même si ça fait longtemps que tu ne te penses plus comme en opposé à lui à être sur le territoire de l'un ou de l'autre, il y a quelque chose d'autre ici, comme si ce poste de police pouvait vous mettre sur la voix pour en parler et se confier.

Et c'est ce qu'il fait. Et t'es totalement choqué. Tu l'avais envisagé, mais sans y croire, c'était trop grave pour être vrai, trop fort, trop dangereux, trop violent, trop...

Tu te relèves d'un bond. Tu serres tes poings.
Tu caches tes larmes. Tu sais qu'il les détestera.

Et là tu comprends tout. Tu comprends combien ta violence lui a fait peur, parce qu'elle faisait écho à celle qu'il a connu plus jeune, tu comprends que ton coup de poings dans sa gueule, lors de cette soirée bien arrosée l'a blessé plus profondément que tu ne rêvais de le faire. Oh bon sang, ça fait longtemps que tu ne rêves plus de lui faire mal. Qu'est-ce que t'es idiot, Jin.

Tu te rassois, à côté de lui, tu le regardes.

« Je. » T'as pas les mots, qu'est-ce que tu peux lui dire ? Absolument pas que t'es en colère contre cet homme et que tu veux son adresse pour aller lui mettre sur la gueule. Ça ne lui plaira sûrement pas. Tu ne peux pas non plus lui demander comment il arrive à rester calme, il te l'a déjà dit, mais ça te semble pas réaliste. Et tu ne peux pas non plus le prendre dans tes bras, il détesterait ta pitié. Alors tu dis la seule chose qui te vient à l'esprit, les mêmes mots que tu lui as déjà dit deux fois ce soir. « S'il revient, je serais là. Mais il ne reviendra pas. » Ton regard est noir comme une nuit sans lune. Tu vas le retrouver ce connard. « Tu vois, je te l'avais dit en vrai » le mince sourire sur tes lèvres ne suffira pas à dérider Taiyo mais tu tentes tout de même « je l'avais vu que t'étais largement supérieur à nous. » Tu retiens tes mains, tes bras alors que t'as envie de le toucher, de le sentir là pour qu'il sache qu'il n'est pas seul, mais il a peur de toi, il te l'a déjà dit. « T'es un survivant. » Putain, tu songes à ta morale à deux balles, comment t'as osé lui faire le coup du psy qui s'y connait, quand t'as rien vécu.

T'es jaloux de ton frère parce qu'il a l'amour de tes parents ? Et alors, tu l'as aussi. T'étais jaloux de Taiyo, parce qu'il avait l'affection d'Ahloy, tu l'avais aussi. Tu te sens lâches, d'avoir toujours demandé plus quand lui, ne demandait qu'à vivre.

« J'pense toujours qu'on a bien fait de casser ce mur, mais c'est de ta faute. T'avais qu'à pas me tenir tête. » Cette fois-ci, tu souris franchement. « Allez, regarde, t'as gagné un ami merdique qui s'rue dans une mêlée pour que t'aies pas trop de coup, hey, c'est pas si mal non ? » Ami. Tu as prononcé ce mot. Il n'est pas assez fort, mais tu ne peux rien dire de plus, pas maintenant, ce n'est pas le moment.

 

My best rival    

Taiyo, 18 ans, en première à l’université    

Jin se relève d’un bond, les poings serrés. Tu ne peux empêcher un mouvement de recule face à cette brusque réaction. Collé au mur, tu t’y appuie comme pour fusionner avec. Le capitaine s’approche, et s’assoie à côté de toi, simplement. Tu te détends légèrement tout en restant sur tes gardes, ne sachant pas trop à quoi t’attendre. Ta confession t’a vidé. S’il décide de la retourner contre toi, que ce soit maintenant ou plus tard, il t’achèvera...

Mais il ne t’attaque pas... Au contraire, il te confirme qu’il sera là si tu te retrouves à nouveau face à cet homme. Il affirme aussi qu’il ne reviendra pas, ce salaud. Oooh, et pourtant, au fond de toi, tu souhaites qu’il revienne. Et ce jour-là, tu lui rendras la monnaie de sa pièce au centuple en espérant qu’il en crève. Tout cette violence que tu contiens, que tu canalises avec ls rugby, tu la déverseras sur lui telle la lave d’un volcan de façon à l’anéantir à jamais.

Mais ces pensées, tu les gardes pour toi. Au lieu de cracher le venin que la pensée de cet homme t’inspire, tu replies les genoux contre toi et les entoure de tes bras. Jin te ressort le coup du supérieur, il te dit être un survivant. Tu enfuis ton visage entre tes genoux. Non, tu n’as rien d’un survivant et tu ne lui répèteras jamais assez que tu n’as rien de supérieur. On ne survit pas à ce genre de chose... On y perd un morceau de soi...

Mais tout ça, toute ces pensées, tu ne les prononces pas. Tu en a déjà beaucoup trop dit...

Jin tente alors l’humour. Tu ne peux t’empêcher de relever la tête vers lui de surprise. C’est tellement inattendu, tellement hors contexte, que tu laisses échapper un petit rire. Un rire nerveux, bref, mais un rire tout de même.  

« Ah ça, pour être merdique... »    

Tu n’arrives pas à en dire plus. Rien qu’avec ces mots tu valide l’idée que vous soyez amis. Pourtant, tu lui en veux toujours... Tu as toujours peur... D’autant qu’il sait désormais presque tout de toi. S’il décide un jour de détruire totalement ta vie, il a toutes les armes en main pour le faire. Cette idée te fait frissonner.  

« Et si tu pouvais éviter de te faire buter pour moi, ça m’arrangerait. J’ai pas besoin d’un mort en plus sur la conscience... »    

Si l’humour perce avec difficulté dans tes mots, il n’en est pas moins présent. Tu y va peut-être un peu fort, mais qu’importe. Tu n’as pas l’énergie d’être délicat actuellement. Et puis avec Jin, c’est plus fort quoi, tout chez ce type déclenche tes défenses... Et ça, ça ne se règlera pas en une soirée...

My best rival

Il rit, c'est nerveux, c'est du réflexe, c'est pas libérateur, mais il rit. C'est déjà beaucoup mieux que tout ce qui s'est passé depuis le début de la soirée. La tension s'éloigne un peu, l'air devient plus respirable. Taiyo se permet même de faire du l'humour, qui te fait grincer les dents certes, mais tu lui offres plutôt un sourire. « Nan, t'inquiète, j'ai pas fini t'emmerder. » promets-tu.

Et is ça a l'air simple et léger comme promesse, elle est pourtant faite du fin du coeur. T'as vraiment pas prévu de le lâcher. Tu sais qu'il évite ton regard, tu ne le forces donc pas à croiser le tien. Tu sens qu'il est au plus bas, mais tu ne lui offres pas ta main, t'as trop peur qu'il te rejette encore et encore. Tu as dit être là quoiqu'il fasse, mais en réalité, c'est dur qu'il continue d'avoir peur de toi. Alors tu prends sur toi, mais tu ne te mets pas dans des situations où il pourrait refuser ton aide.

« Shao, Nomura. Vous êtes libres. »

La voix te surprend avant que tu n'aies eu le temps d'ajouter quelque chose et au fond de toi tu paniques. C'est trop tôt, tu n'as pas eu le temps de répondre, tu as peur qu'il se renferme sur lui-même, comme la dernière fois. Tu as peur qu'il ne t'adresse plus la parole. En effet, Taiyo s'est levé d'un bond, prêt à quitter cet endroit qui lui file sûrement des sueurs froides. Tu le suis, la mort dans l'âme. Ce moment est-il brisé ou pourriez-vous continuer à avancer, côte à côte ?

La dernière fois, c'est Ahloy qui vous a libéré, c'est son amour, sa douceur, sa gentillesse qui vous a reconduit en lieu sûr. Là, devant le commissariat, aucune ombre bienveillante vous attend. Tu te figes sur place. Tu reconnaîtrais sa posture entre mille. Le patriarche Shao est là, tiré du lit, droit et fier comme il l'a toujours été. Ton ventre se noue. Si tu n'as rien de l'enfant battu comme Taiyo, tu t'es tout de même pris de sacré roustes quand il était en colère et contre toi, il l'était souvent. Tu avales ta salive, prends des forces et accélère le pas. Taiyo ne sait pas et il avance lentement, vers la gueule du loup. Tu le doubles et te postes devant lui.

« Il n'a rien fait, ce n'est pas de sa faute. »

C'est une parole du désespoir, celle que ton frère, Cheng, prononçait bien trop souvent pour tenter de prévenir la rage paternelle. Sauf que cette fois-ci, c'est pour Taiyo que tu l'annonces.

« Et moi non plus, je n'ai fait que m'interposer au milieu d'un passage à tabac et » « Cesse donc tes misérables excuses » coupe ton père d'un ton tranchant. « Montez. » La voiture est là. Tu trembles presque. Et tu regardes Taiyo.

Il est figé. Tu ne sais pas bien si c'est de la peur ou autre, mais tu ne peux pas le laisser comme ça alors tu te redresses ; tu tiendras ta promesse. « L'école n'est pas si loin, on va rentrer à pied, merci de nous avoir sortis de là. » Tu ne t'es jamais interposé de la sorte face à ton père, pourtant, aujourd'hui tu n'as pas hésité une seule seconde. Et une deuxième question te vient en tête : Pourquoi a-t-il donc payé pour Taiyo ?

Ton paternel hausse les sourcils, semble un peu surpris de ton ton, il soupire et lève les yeux au ciel. « Très bien. » Il claque la portière et s'éloigne sans plus attendre. Tu soupires de soulagement et te retourne vers Taiyo.  « Désolé pour ça. » murmures-tu le coeur en miette.

 

My best rival    

Taiyo, 18 ans, en première à l’université    

La réponse de Jin t’arrache un nouveau sourire. Tu n’en doute pas une seconde...

Une voix se fait soudain entendre, te faisant sursauter au passage. Vous êtes libres... Comment ça ?
Te relevant d’un bond, tu ne cherches pourtant pas à comprendre. Tu veux juste quitter les lieux...

Mais arrivé dehors, une ombre semble vous attendre. Tu avances d’un pas lent, incertain, mais Jin viens se placer devant toi, et tu comprends alors. C’est le père du capitaine... Le cœur battant à tout rompre, tu te figes, fixant l’homme avec... peur...  

Jin prend ta défense, tente de se justifier, mais l’homme le coup sur un ton qui te fait sursauter à nouveau. Tu es trop à fleur de peau... tu n’es plus rationnel...

Le capitaine assure que vous pourrez rentrer à pied, il tient tête à cet homme à la stature impressionnante. Il y a là de quoi comprendre beaucoup de choses...

Le patriarche fini par partir, tu es surpris qu’il n’insiste pas plus... Et Jin te fait face alors que tu regardes la voiture s’éloigner. Tu sors alors de l’eau, semblant revenir à toi. Tu reprends ton souffle, te remet en mouvements alors que Jin s’excuse. Tu poses les yeux sur lui. S’y reflète un mélange de peur, de compassion et de surprise. Tu veux parler, tu dois parler...    

« Bordel... Ton père est pas du tout flippant... »    

Le sarcasme est bien présent cette fois. Tu ne ris pas, ne souris pas même, mais l’idée est là.  

Tu tournes à nouveau les yeux vers là où la voiture est partie. Qu’il sorte son fils de là, cela ne t’étonne pas, mais toi... Pourquoi a-t-il payé pour vous deux ?

La gorge serrée, épuisé, tu ne poses pas la question tout haut. Tu te doutes que Jin ne doit pas avoir la réponse non plus. T’obligeant à respirer le plus calmement possible, tu reprends sur le même ton, la voix juste un peu plus étranglée.

« Le coach va l’apprendre... on est mort... »    

Tu devrais bouger, te diriger vers les dortoirs, aller te laver et te coucher, mais tes jambes refusent de t’obéir. Tu restes là comme un con, devant le commissariat, ton cerveau n’arrivant pas à processer tout ce qu’il vient de sa passer. Cela va apparaitre dans ton dossier... ça ne s’arrêtera pas là... Tu risques ta bourse... mais cette info peine à passer parmi tout le reste... Alors tu te concentre sur l’immédiat, sur l’instant T.  

« Merci... »

Tu souffle ce mot sans regarder Jin, les yeux baissés vers le sol. Il est sincère, même si on ne dirait pas...

Tu le remercie d’être intervenu, tu le remercie de ses mots et pour s’être interposer face à son père. Tu le remercie aussi pour son père qui t’as également sorti de cellule alors que rien ne l’y obligeait...

Mais tu ne détailleras pourtant pas tes pensées... Libre à lui d’interpréter ce mot comme il l’entend...