Rappel du premier message :

It's a trap

10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Hiyama Saeko

Ahloy n'avait pas résisté à te donner de l'argent tout de même et pendant quelques longues minutes, tu avais hésité. Devais-tu l'utiliser ou le conserver pour lui rendre plus tard au risque de le perdre ? Dormir dehors ne te permettait pas vraiment de te reposer, tu serais constamment sur tes gardes et tes maigres possessions ne seraient pas en sécurité. A l'auberge non plus, mais moins. Tu soupires, hésitant, mais Ahloy a déjà disparu et avec elle, tous tes espoirs.

Le regard vissé sur la bourse tu attendais de trouver l'idée géniale, même si tu savais en ton for intérieur qu'elle n'existait pas. Tu n'avais rien à faire ici, tu avais abattu ta dernière carte et tu n'étais pas assez naïf pour croire qu'elle avait fonctionné. Ahloy tenait encore assez à toi pour t'écouter, mais la partie Capitaine de son âme n'accepterait jamais le danger que tu représentais. Tu savais - après des mois à le nier - avoir perdu certains souvenirs et c'est pour ça que tu savais combien tu l'avais blessée. Encore et toujours. Depuis des années. De telles blessures sont déjà dures à réparer, mais ce n'est plus son propre coeur en jeu et Ahloy n'agit que pour le bien de ses compagnons de voyage. Tu as vécu sur ce bateau, il y a tant d'année, que tu ne peux croire qu'elle n'a fait que renforcer et ce qu'elle avait de plus profond en elle : sa bonté et son amour pour l'équipage.

Une décision pourtant se doit d'être prise et tu te diriges vers l'extérieur de la ville. Tu t'y sentiras plus en sécurité. Avec un long temps de retard, tu fourres la bourse dans l'une de tes doublures, espérant que ça suffise à la protéger puis tu cherches une maison un peu isolée, quelque part où te reposer quelques heures, parce qu'il va falloir que tu retrouves des forces, quels que soient les tests qu'ils te feront subir.

Après une après-midi à aider un homme à labourer son champ, tu t'es endormi comme une masse pour être réveillé quelques heures plus tard et recommencer. Ces deux journées sont simple, sans danger, sans attentes, tu es fourbu par le travail et ça te permet d'éviter de songer au futur, qui se rapproche à grand pas. Encore deux jours et tu seras fixé.

Au troisième matin, tu es réveillé à l'aube par un mauvais pressentiment, malheureusement, tu es trop habitué à devoir t'écouter pour parvenir à te rendormir, mais pour être honnête, ce sixième sens qui t'alerte d'un danger tourne en boucle dans ton esprit depuis deux mois. Tu soupires, récupère tes affaires et sort discrètement par la fenêtre.

La brume matinale qui recouvre la terre te fait frissonner, la lueur du jour n'est pas assez puissante pout t'aveugler et tu savoures cette demi-pénombre, ici, tu peux te persuader que tu es quelqu'un d'autre dont la vie vaut la peine d'être vécue. Tu souris pour tenter de chasser ta mauvaise humeur et, sans t'en rendre compte, tu mets un pied en direction du nord, en direction d'un piège qu'on t'a tendu sans même que tu ne t'en sois rendu compte.

It's a trap

10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Hiyama Saeko

Puisque tu n'as pas le droit de parler à l'autre imbécile, tu ne prononces pas un mot. De toute manière qu'est-ce que tu aurais pu lui dire ? Par contre, quand Ahloy parle à nouveau, ton coeur se serre, sa colère tu la comprenais et tu pouvais la gérer... là on est plus sur de la déception et tu sais que ça ne va pas aller en s'arrangeant. Elle est déçue, par ta faute, et tu le sais.

Sauf que tu es épuisé, tu n'as plus l'énergie et l'envie de te battre. Ton esprit est toujours embrouillé, tu n'as jamais rencontré cette enfant dont ils disent que c'est la tienne, tu ne connais même pas son prénom ! Ahloy te la cache, Taiyo te tuerait s'il le pouvait, les polices secrètes d'au moins deux nations sont contre toi. Tu as déserté ta nation pour la deuxième fois, tu as abandonné ton frère devant Omashu pour essayer de l'aider lui et maintenant tu es seul, entouré de personnes qui veulent ta peau ou qui te laisseraient bien crever la bouche ouverte...

Et alors ? Il faudrait que tu te battes ? Que tu sois aimable ? Bon sang, mais est-ce qu'ils ont traversé un quart de ce que tu as fait ? Tu appelles à ta ta fureur, ta colère, pour que ton feu naisse dans tes veines. Ce feu, cette magie qui coule dans tes veines, cette maîtrise est la seule chose qui te permet de tenir encore debout. Tu te redresses, chassant les vertiges et les nausées. Le poison fait encore effet, bien sûr, ça pendrait peut être des jours pour qu'il cesse de battre dans ton esprit, mais le gros de la crise semble passée. A moins que ce soit ton esprit clair qui se bat contre les effets. Tu n'en sais rien.

Et tu marches, un pas devant l'autre, ne regardant que tes pieds, pour éviter le regard haineux de Taiyo et celui saoulé d'Ahloy. De toute manière, t'es le bon dernier.

Le village te paraît si loin devant vous, tu ne prononces pas un mot, réfléchissant à la manière dont tu pourrais te justifier, mais rien ne te vient, comment expliquer que malgré tout tes efforts, ça ne le ferait jamais avec Taiyo ? Et qu'en plus, tu es las de faire des efforts ?

Les pensées te tourbillonnant en tête, tu oublies d'utiliser ta maîtrise pour te tenir debout et cette fois-ci, le poison à raison de toi, tu tombes, évanoui, au milieu de la route.

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10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Hiyama Saeko

Ce n'est pas grand chose, mais petit à petit tu reviens à toi. Tu sens le pouvoir d'Ahloy en place, tu le reconnaîtrais toujours, ce pouvoir que tu l'as utiliser des millions de fois sur les autres marins du Cursed. Ces mains magiques qui soignent les bobos physiques, mais qui te soignait mentalement aussi. Ahloy est une magicienne, une guérisseuse autant qu'elle est guerrière. Elle crée, défait, refait, accepte, casse et répare. Ahloy te guérit alors que tu ne le mérites pas. Tu n'entends rien pour l'instant, tes yeux sont toujours fermés, tu ne ressens que le pouvoir de l'eau contre ton corps, mais ça te suffit pour respirer à nouveau. Lentement, tu te remets.

Et la honte te submerge. Ahloy t'a sauvé les fesses et de mauvaise grâce. Ahloy est en colère et pourtant, elle est à genoux, au bord de l'eau, pour te remettre d'aplomb. Ahloy, que tu aimes tellement et que pourtant tu n'as fait que décevoir. Tu sais que tu as perdu certains de tes souvenirs, pourtant, à cet instant, tu imagines que vous avez pu vivre quelque chose d'autres, tu comprends que tu dois faire fi de ce que tu crois et que tu sais. Que tu dois la choisir elle. Tu dois cesser de freiner, tu dois cesser de croire que ça n'en vaut pas la peine. Elle mérite que tu te battes et tant pis si tu perds, tu n'auras jamais de plus gros regret que d'avoir laissé passer cette chanson.

« Je suis désolé » murmures-tu en ouvrant les yeux.

C'est à cet instant que tu te rends compte que tu es seul. Comment de temps s'est-il passé depuis que tu as été inconscient ? Tu essaies de te redresser quand tu entends des mots venir de plus loin, derrière l'arbre qui te cache la vue. Tu es courbaturée, blessée, mais tu te sens beaucoup mieux depuis que le poison est sorti de ton corps. Tes paupières papillonnent plusieurs fois et tu inspires profondément puis tu te lèves. La colère d'Ahloy est teintée de peur. Tu as tellement de chose à lui dire, tellement sur le coeur, mais tu te tais, tu ravales toute l'illumination, tout le besoin de lui avouer combien elle compte pour toi, que c'est elle que tu choisis, que tu laisses tomber ton frère enfin après toutes ces années. Tu ravales tous ces mots et tu te contentes d'un : « merci beaucoup Ahloy. » Un merci humble, parce que t'as honte d'avoir été trop faible et si peu combatif, honte qu'elle ait du faire ce sacrifice de te sauver la peau, une fois de plus.

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10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Hiyama Saeko

La scène à laquelle tu assistes n'a aucun sens. Tu pensais retrouver les deux en train de t'engueuler, de te traiter de faible ou que ne sais-tu pas. Pourtant, ils sont là, ne font pas la moindre attention à ta personne et les mots montent entre eux. Si tu n'étais pas autant sous le choc, encore éberlué de l'action précédente - la bataille avec l'autre tarée par exemple - peut être aurais-tu pu sourire, mais là, ce n'est pas drôle.

Même si Nomura te méprise et que tu ne le portes pas dans ton coeur, à cet instant-là, tu n'as pas envie de te moquer de lui. Tu le plains, sincèrement parce qu'il a l'air encore plus mal en point que toi. Tu crois comprendre qu'il s'agit de drogue quand tu vois Ahloy hurler et jeter un truc à l'eau. Alors tu restes bien silencieux, espérant te faire oublier.

Ce qui finit par arriver à moitié quand Ahloy s'éloigne, clairement déçue. Ce n'est plus de la colère. Comme tu sais qu'il n'acceptera jamais ta main pour te relever et que tu n'as aucune idée du temps que ça prendra à agir, tu t'assieds à côté de lui. Assez proche pour parler sans hausser la voix, mais assez loin pour qu'il ne t'atteigne pas avec son pied, tu te rappelles du dernier coup que tu as pris dans le nez, merci bien. « Je crois que j'ai compris pourquoi tu me hais » Voilà, faire la conversation c'est bien non ? Exactement ce que veut Ahloy, que vous parlez normalement. Dans tes mots, il n'y a aucune ironie, ni sarcasme, c'est plutôt une constatation. « Tu l'as autant déçue que je l'ai fait, tu l'as autant blessée que moi. » Tu soupires en posant ton menton sur ta paume ouverte. Tu ne sais pas quoi dire de plus, sauf que tu te rappelles combien il est sanguin. « T'énerve pas, j'ai plus d'énergie pour me battre et j'ose espérer que t'es enfin à bout, mais merde, m'en veux pas alors que je te promets que j'essaie de faire mieux. » De toute manière, quoique tu dises, il va le prendre mal, à force, tu finis par le comprendre cet imbécile, vous êtes similaire après tout.

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10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Ahloy @Nomura Taiyo

Quand il ne répond à aucune de tes remarques, tu te dis qu'il ne t'a pas écouté, parce que ce n'est pas son genre de ne pas réagir, même quand tu essaies de venir en paix, même quand tu dis la vérité. Alors tu ne réponds pas aux siennes non plus. Même si toi, contrairement à lui qui se positionne à l'inverse de toi par principe, tu es d'accord avec lui. Ça va être extrêmement dur. Vraiment. Ta vie n'a jamais été facile, mais tu connais un peu la sienne et tu sais aussi combien il a souffert, mais là, ça ne dépendra que de vous, vous n'aurez personne à haïr en silence autre que vous-même si ça se passe mal. Il n'y a plus d'objectif plus grand, plus de victimes et bourreau tout trouvé. Vraiment.. ça va être dur.

Mais tu ne dis rien. Tu attends qu'Ahloy revienne, c'est plus sûr, vu qu'elle est le seul lien entre vous, et qu'elle mérite que vous fassiez un réel effort. Alors quand la plus belle femme de l'univers - quoi, ce sont tes pensées, tu dis ce que tu veux et ce que tu penses non ?! - reviens vers vous, tu soupires presque de soulagement, même si tu essaies de ne pas le montrer. Tu restes immobile, attendant qu'elle parle. Mais tu aurais préféré qu'elle se taise, reprendre tout depuis le début ?

Evidemment, aucun de vous ne veut commencer, mais Ahloy est tournée vers toi alors tu ouvres la bouche le premier. « Je... j'étais l'un de ses gardes, c'était ma première mission dans l'armée. Je gardais la prison quand il avait 10 ans. J'en avais 16. Il se trouve qu'il avait raison à mon sujet et qu'il s'est amusé à me faire sortir de mes gongs plusieurs fois, je n'ai pas été tendre avec lui. » Tu te mords la lèvre, honteux de devoir reconnaître ça, mais pour partir sur de bonnes bases, tu es obligé de démarrer avec la vérité. « Ensuite, j'ai appris que ses grands-parents étaient morts, les autres s'en fichaient et en riaient en se moquant de lui, j'avais peur qu'il l'apprenne de cette façon ou qu'il le découvre des années plus tard alors... je suis allé le lui dire. » Sans le moindre tact, mais au départ, cela venait d'une bonne intention. « Quand j'ai appris sa fausse mort, j'étais déjà loin d'Hikyo. » En réalité, tu avais même oublié sa présence avant de le revoir des années plus tard. « La fois suivante où je l'ai revu... tu étais présente Ahloy. Je venais de déserter avec mon frère.  » A-t-on vraiment besoin de se rappeler cette scène aussi terrible qu'affreuse ? Tu frissonnes et décide d'aborder l'autre sujet.

« La mercenaire venait pour une prime mise sur ma tête, offerte par mon Père. Mort ou vif apparemment. Contrairement à mon frère que mon père veut voir vivant... Peut être qu'il y a d'autres mercenaire à notre poursuite, mais j'avoue que je n'en sais rien. J'étais déjà quasiment drogué lors de sa première attaque alors ses mots m'ont ... je me souviens plus bien. Juste.. » Tu soupires, tant pis si cela n'apporte rien au shmilblick. « Si elle ne m'a pas tuée, c'est parce qu'on se connaissait déjà, on s'est mutuellement sauvé la vie dans le Monde des Esprits, il y a quelques années. » Tu ne regardes pas Taiyo un seul instant lors de cette dernière phrase, parce que lui, il te tuerait sans hésiter et tu l'as bien compris.

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10ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @Ahloy @Nomura Taiyo

Taiyo ne te coupe pas, il ne t'interrompe pas, te laisse parler et quand il reprend enfin la parole tu te figes. Ton visage devient blanc et tu comprends soudainement qu'en effet, tu as oublié un passage et que cela explique pourquoi il te hait autant, parce que vous avez eu une autre rencontre, une rencontre qui aurait dérapé... et dont tu n'as pas le moindre souvenir.

Tu prends une profonde inspiration en regardant Ahloy, pour ne pas t'énerver, pour ne pas hurler, parce que ça ne va pas t'aider si ta colère est visible. Puis tu te tournes vers Taiyo.

« La carte de l'amnésie ? Tu te moques de moi ? Tu crois que c'est un jeu ? J'ai oublié tout un pan de ma vie, je n'en ai aucun souvenir, je ne joue pas. » Tu fermes les yeux, espérant retenir les larmes. « Je sais que tu détestes ça, mais essaie de te mettre à ma place pendant deux secondes. » Tu n'attends pas la moindre confirmation de sa part, de toute manière il ne le fera sûrement pas, mais tu as besoin de le dire à voix haute, parce que c'est ta manière de demander pardon à Ahloy. « J'aimais Ahloy, de tout mon coeur, et j'ai préféré lui faire croire que je la trahissais plutôt que de risquer sa vie. Car si je la trahissais, si on me jugeait coupable à sa place, alors la Nation du Feu perdrait un atout précieux dans sa capture du Cursed Lotus. Je m'attendais à sa haine, et je préférais ça plutôt que de la voir essayer de RUINER toutes les ressources du bateau alors qu'elle essayerait de me délivrer dans une mission suicide. Ensuite, après tout ça, je n'ai aucun souvenir de l'avoir revue pendant 10 ans. Et quand je la croise à nouveau, elle est enceinte et me dit que je suis le père. ET TU CROIS QUE C'EST UN JEU ? » Cette fois-ci, les larmes s'écoulent sur tes joues et tu te tournes vers Ahloy. « Je suis désolé, terriblement désolé. »

Une nouvelle profonde inspiration et tes larmes cessent de sortir quand tu te retournes à nouveau vers l'imbécile qui est si important dans la vie d'Ahloy. « Alors oui, j'ai douté, mais je te rappelle que j'ai passé plus de 20 ans dans cette nation, à me faire remplir la tête, 20 ans à me faire battre pour être le soldat qu'ils attendent. Je suis désolé de ne pas avoir pu être un héros comme tu l'as été, de ne pas avoir su me battre aussi jeune que tu l'étais, mais tu vois, je n'en avais jamais eu l'idée avant même que découvrir qu'il existait autre chose. » Les poings serrés, tu détournes enfin les yeux.

C'est inutile, il ne te comprendra jamais. Il te déteste bien trop.