[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’ambiance est festive, détendue et joyeuse dans les rues d’Hikyo alors que le festival du nouvel an lunaire bat son plein. Qu’il est bon de pouvoir se reconnecter un peu à mon peuple, à ma nation après cette longue absence loin d’ici. Pour une fois, et surtout pour l’occasion, je ne porte pas mon uniforme, étant habillée en civile – mais toujours avec les cheveux attachés malgré tout – pour mieux me fondre dans la foule et accompagner l’un de mes neveux sur demande de ma famille pour les rassurer. Un neveu avec qui j’ai très vite passé un marché une fois que nous étions seuls, lui préférant profiter du festival avec ses amis et moi seule. Nous nous sommes donc mis d’accord sur un endroit où se rejoindre en fin de soirée et sommes partis chacun de notre côté… Même si j’ai quand même demandé à un de mes hommes, en service ce soir pour assurer la sécurité, de le suivre de loin et de garder un œil sur lui. Il reste mon neveu après tout. Et mes autres hommes peuvent gérer sans celui-ci vu qu’ils sont là uniquement en renfort de la garde domestique.

En tout cas, une bonne quinzaine de minutes après avoir quitté mon neveu, me voilà à déambuler dans les rues de Hikyo, une certaine paix en moi malgré l’agitation ambiante et le son des tambours. Comme une sensation d’être enfin de retour à la maison, chez moi, après tous ces mois dans une autre contrée. Et alors que je suis tranquillement en train de profiter, à ma façon, de la fête, je sens soudainement une main se poser sur mon épaule dans un geste assez brusque, déterminé. Par réflexe, je commence presque à me préparer à utiliser ma maitrise du feu pour attaquer l’inopportun, me retournant en ayant déjà un poing fermé et presque prêt à une attaque, quand je m’arrête immédiatement en croisant le regard d’une jeune femme. La propriétaire de la main qui se retire déjà de mon épaule alors que toute trace d’assurance semble disparaître du visage de la jeune femme face à moi maintenant que je me suis retournée.

- Je peux vous aider ?

Lui demandes-je d’une façon assez sèche, égale à moi-même certes mais tout de même un peu agacée aussi de me faire alpaguer de cette façon par une inconnue. Et alors que j’espère de sa part une bonne excuse pour ce genre de comportement, je l’entends finalement s’excuser auprès de moi, m’ayant prise pour une autre. Une phrase qui laisse alors apparaitre un petit sourire aussi hautain que narquois au coin de mes lèvres.

- Cela m’arrive souvent.

Réponds-je simplement, toujours aussi peu aimable que quelque secondes auparavant. Et pourtant, ce soir, contrairement à certains de mes hommes, je ne porte pas les peintures de guerre rouge des Archers Yuyan qui font en sorte justement de nous rendre difficilement reconnaissable les uns des autres dans le feu de l’action.

- Si vous cherchez quelqu’un, je vous suggère de vous adresser aux soldats en charge de la sécurité du festival.

Finis-je par lui dire en commençant déjà à me tourner de nouveau, bien que continuant de la regarder dans les yeux. Ai-je vraiment besoin de préciser qu’encore une fois, je ne me montre pas des plus chaleureuses dans ma façon de parler ? Mais à quoi s’attendait-elle de ma part en même temps, cette inconnue venue troubler mon instant de communion avec le reste de la Nation du Feu, alors que je ne suis déjà pas d’un naturel très avenant même avec mes proches, même avec ma famille.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Égale à moi-même, je ne me montre pas des plus chaleureuses et amicales face à cette jeune femme qui semble clairement me prendre pour une autre. Comment elle n'a pas tardé à me le dire d'ailleurs alors que je suis déjà en train de lui conseiller de s'adresser aux soldats en faction ce soir si elle cherche à retrouver quelqu'un. Nous sommes au beau milieu du festival du nouvel an lunaire à Hikyo, la moitié de la population de la capitale de notre Nation doit être dans la rue ce soir, si ce n'est pas plus. Alors, effectivement, si cette demoiselle espère retrouver quelqu'un dans cette foule, mieux vaut qu'elle s'en remette aux soldats en faction pour être certaine de la trouver d'après mon point de vue. D'ailleurs, elle ne tarde pas à l'approuver, me laissant tout juste le temps de lui adresser un hochement de tête approbatif concernant sa future démarche qu'elle se retire déjà, sa silhouette commençant presque déjà à s'effacer dans la foule. Et c'est à ce moment-là, avec un léger retard, qu'une voix masculine attire mon attention pour me demander si j'ai besoin d'aide. Enfin, si nous avons besoin d'aide en réalité mais la jeune inconnue s'est déjà volatilisée dans le reste de la foule.

- Ne vous inquiétez pas soldat. C’est réglé.

Répond-je simplement en me disant qu'il est bien bête au final qu'il ne soit arrivé qu'à ce moment-là et non quelques secondes plus tôt. Cette jeune femme aurait directement eu quelqu'un à qui s'adresser dans ce cas-là. Quoi qu'il en soit, alors que je m'apprête à prendre congés à mon tour du soldat, je tourne enfin mon regard vers lui, avec cette ferme intention de lui souhaiter une bonne soirée avant de s'éclipser à mon tour. Et s'il semble ne pas m'avoir reconnu vu la question qu'il me pose et surtout la façon dont il s'adresse à moi, le contraire n'est pas vrai pour autant. Je sens même un très fin sourire en coin, amusée de la situation, se dessiner sur mes lèvres. Shao Jin, le jeune soldat revenu au pays après une longue mission d'infiltration et dont la réputation le précède sans doute à son grand désarroi. Mais pour le coup, je peux presque le comprendre sur certains points je dois dire. Quoi qu'il en soit, cela semble me rendre un peu plus courtoise avec le jeune soldat que quelques instants plus tôt avec cette jeune inconnue.

- Il faut avouer qu’il est bon de pouvoir le fêter chez soi plutôt qu’en campagne militaire.

Lui dis-je simplement, toujours avec ce très fin sourire aux coins des lèvres, et en me demandant si cette réponse va l'aider un peu à me remettre totalement ou non. Même s'il est vrai que, comme tous les autres soldats en faction ce soir, il est certainement bien plus habitué à me voir vêtue de mon uniforme, mes peintures de guerre rouges sur le visage qu'ainsi en civile. Mais trêve d'amusement au dépend de ce pauvre jeune homme qui fait simplement son travail ce soir. Travail que je suis d'ailleurs en train d'interrompre, bien que mon grade pourrait me perdre de lui hurler de retourner à son poste au lieu de bavasser avec moi. Mais nous sommes le jour du nouvel an lunaire et il ne semble pas y avoir de menace imminente autour de nous alors à quoi bon le réprimer sans raison ? Je finis cependant par me redresser un peu, me mettant presque en position transpirant les années d'expériences dans notre armée.

- Bon courage pour le reste de votre garde, soldat Shao.

Finis-je par lui adresser, retrouvant mon très fin sourire amusée au moment de le saluer nommément, juste avant de finir par me mettre en mouvement pour de bon cette fois. Je ne tardes à reprendre ma promenade dans les rues animées de la capitale avant de réaliser que les feux d'artifices ne devraient pas tarder à commencer à être tiré maintenant. Un souvenir d'enfance me remontant alors en mémoire, je commence à me diriger vers le port, que je sais d'expérience moins animé que le reste de la ville, et d'où on peut mieux observer le spectacle aérien des feux d'artifices prévus pour l'occasion.

Arrivant tranquillement sur le port, que je trouve effectivement bien moins agité que le reste de la ville, je commence à me diriger vers les quais quand une silhouette solitaire attire mon regard. Une silhouette que je ne mets pas longtemps à reconnaître, mon très léger sourire amusé réapparaissant aux coins de mes lèvres alors que mes pas commencent déjà à me rapprocher de lui. Sakai Shohei. Encore un Sakai pourrais-je dire mais avec qui je m'entend bien mieux qu'avec sa sœur aînée. En même temps, quoi de bien étonnant lorsque l'on connait notre relation à Kaori et moi ? Quoi qu'il en soit, je finis par me poster à côté de l'homme que je connais également depuis l'enfance, sans un mot mais toujours avec un léger sourire amusé en coin. De toute façon, je sais parfaitement que si ma présence le dérange, il me le fera vite savoir.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Alors que je finis par saluer le soldat avant de m'éloigner, ce dernier me souhaite une bonne année en retrouvant au moins mon grade. C'est déjà mieux que rien me dis-je, malgré tout assez amusée par le fait de ne pas être totalement reconnue, ou pas aussi facilement qu'en temps normal, tout en lui rendant ses souhaits de bonne année d'un simple et bref hochement de tête. Et déjà je suis en train de m'éloigner, de me diriger vers le port pour m'écarter de toute cette agitation urbaine dont je ne suis plus autant habituée que je le pensais.

Il ne me faut pas longtemps pour atteindre le port, et encore moins de temps une fois là-bas pour reconnaitre une silhouette qui m'est si familière, même de dos. Si bien que je ne tardes pas à aller me poster à côté de l'homme que je connais depuis notre enfance, un léger sourire amusé aux coins des lèvres. Si je le sens se tendre à mon arrivée, je le vois pourtant rapidement se détendre lorsqu'il me reconnait et me salue brièvement mais de façon aussi familière qu'il puisse l'être.

- Bonsoir Shohei. Et bonne année.

Lui rends-je rapidement la politesse. Une politesse qu'il ne tarde pas à rendre à son tour concernant cette nouvelle année qui commence, juste avant de poser cette question qui pourrait en fâcher plus d'un mais qui semble nous amusée plus qu'autre chose l'un et l'autre. Comme pour preuve de cela, je ne peux m'empêcher de laisser échapper un bref ricanement avant de tourner mon regard vers lui, un fin sourire amusé sur les lèvres.

- Comme toi à la tienne il semblerait.

Plaisantes-je presque avec lui, sachant aussi bien que le Sakai qu'il y a autant de vérité dans cette phrase que de taquinerie. Après ces petites espiègleries entre nous, je me permets un léger soupir en tournant mon regard vers la mer. Cela ne dure qu'un instant, que quelques secondes hors du temps, mais il faut croire que c'est exactement ce qu'il me fallait. Car je me tourne déjà de nouveau vers Shohei, ce sourire espiègle que peu me connaissent de nouveau sur mes lèvres.

- Un de mes neveux m'utilise comme diversion pour fuir notre famille aussi ce soir. Il semblerait que ma mauvaise influence commence à se faire sentir sur la nouvelle génération des Kuroda.

Je me fais cynique, ironique, mais mon sourire trahit quand même l'amusement que me provoque la situation. Il est vrai que le reproche de mon influence sur mes neveux et nièces ne m'a jamais été fait par qui que ce soit dans ma famille, pas ouvertement en tout cas. Mais pourtant, certains regards, certains comportements de la part de mes parents ou de mes adelphes me hurlent ces doléances au visage sans même qu'un seul mot n'ai besoin d'être prononcé. Une réflexion qui me tire un nouveau soupir alors que je détourne encore une fois le regard.

- Parfois, je me demande pourquoi nous n'avons pas fui nos familles à la première occasion.

On pourrait presque entendre comme des remords, des regrets dans ma voix à ce sujet. Moi qui me targue pourtant si souvent de vouloir mourir en portant encore mon nom de naissance, en représentant encore ma famille et non celle d'un autre… Et moi également qui ai eu déjà tant d'occasion de fuir comme je viens de le proposer, à partir si régulièrement si loin de cette capitale dans laquelle je finis toujours par revenir…

- Vraiment fuir bien sûr.

Me fais-je de nouveau légèrement moqueuse, taquine, mais envers moi-même pour le coup, mon sourire amusé se redessinant déjà sur mes lèvres alors que je tourne une nouvelle fois le regard vers Shohei.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il faut croire que mon léger sarcasme concernant mon neveu est également du coup de Shohei étant donné le léger rire qui s'échappe de ses lèvres. Mais pour être tout à fait honnête, ce ne m'étonne pas vraiment. Le prince bâtard et moi avons toujours eu plus ou moins la même façon de penser et le même humour sur bien des sujets - si on peut réellement parler d'humour. J'en viens même parfois à me dire que je me sens plus proche de lui que de mon propre jumeau… Mais ceci reste une autre histoire à laquelle je n'ai pas envie de penser ce soir.

- Là-dessus, tout dépend du point de vue il semblerait.

Ne tardes-je pas à lui répondre, toujours d'un ton assez sarcastique alors qu'il est déjà en train de m'assurer que cela ne prévaut que du bien pour ma famille et la génération future. Si pour mon père et moi, il s'agit en effet d'un excellent présage, je ne sais que trop bien combien mon frère exècre la possibilité de voir sa descendance suivre mon exemple, marcher dans mes pas en se souvenant de la véritable tradition militaire de la famille Kuroda. Lui qui tient tant de notre mère et qui espère pouvoir imposer sa vision des choses une fois devenu le chef de famille en tant que seul fils de notre père…

Mais avant que je ne puisse m'énerver seule en repensant à tout ceci, la voix du Sakai s'élève à nouveau entre nous, pour me répondre concernant cette idée aussi volatile que stupide de fuir tout ceci, nos noms et nos responsabilités. Comme si nous en étions capables, l'un et l'autre… Ce qu'il ne tarde pas à me confirmer d'ailleurs alors qu'un léger ricanement s'échappe de mes lèvres cette fois-ci. Bien évidement que, tout comme sa sœur, Shohei aurait préféré porter le nom de son grand-père, de la dynastie Hino et non ce nom abâtardissant à la vue de tous sa lignée. Moi-même j'en viens parfois à me demander ce qui aurait pu être différent si Kaori et Shohei avaient été inscrits à leur naissance dans la lignée principale des Hino, dans les héritiers potentiels et véritables du Seigneur du Feu qu'était leur grand-père. Je n'en reste pas moins fidèle à leur oncle, le Seigneur du feu Azulon, tout comme je l'étais au père de ce dernier mais parfois, j'en viens à me dire que certaines choses auraient été bien différentes sans cette histoire de fils bâtard de Sozin… Quoi qu'il en soit, Shohei ne met pas longtemps à revenir à moi, s'amusant presque de me savoir parfaitement trop fière pour fuir ma famille.

- Beaucoup trop oui.

Reconnais-je sans le moindre mal, m'amusant moi aussi de cela et de combien, du coup, cette idée de tout abandonner pour fuir loin de tout ce qu'implique nos noms peut sembler futile et puérile. Mon jumeau l'aurait sans doute fait s'il en avait eu l'occasion, j'en suis persuadée. Quant à ma jeune sœur, et bien c'était déjà plus ou moins ce qu'elle avait fait une vingtaine d'année auparavant en prenant le nom d'un autre homme. Mais moi… Mon père m'a bien trop sculpté à son image, façonné à sa philosophie pour faire plus qu'en plaisanter avec l'innocence d'une jeune adolescente un peu trop rêveuse.

- La force comme la faiblesse des Kuroda après tout.

Continues-je de plaisanter de façon ironique en tournant mon regard vers l'homme à mes côtés. La fierté de ma famille n'est-elle pas de notoriété publique depuis bien plus de générations que nous semblons capable de nous en rappeler ? Et il faut bien avouer que mon père et moi n'avons jamais rien fait pour décrier cette rumeur sur nous, bien au contraire même. Mais déjà, je reportes mon regard vers la mer et l'horizon qui s'étend au-delà de cette dernière.

- Tout le monde sait parfaitement que je mourrais Kuroda.

Souffles-je presque dans un murmure, confidence sans en être véritablement en être une tant la chose semble entendue. Tout comme je ne vois pas l'intérêt de préciser que ce sera l'arc à la main et mes flammes autour de moi, n'envisageant pas une seule seconde de mourir dans de vieillesse dans mon lit. Je laisse cette mort à d'autres. Mon frère et ma mère en tête de liste d'ailleurs. Déjà dans ma jeunesse, j'ai largement fait comprendre à quiconque espérait le contraire que jamais je ne prendrais le nom d'un autre homme que celui de mon père, alors croire que le temps m'avait adouci à ce sujet et convaincu de prendre mari et vie d'épouse… N'étais-ce pas d'ailleurs à Shohei lui-même que j'avais dit, plus de vingt ans auparavant et dans un éclat de colère envers ma mère, que même le Seigneur du Feu lui-même ne trouverait sans doute pas grâce à mes yeux pour revenir sur ma décision ? A moins que ce ne soit à Kaori, ma chère et tendre détestée…

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un léger sourire amusé ne tarde pas à s'inviter sur mes lèvres quand j'entends Shohei  plaisanter sur le fait de prendre exemple sur les habitants du Royaume de la Terre. Il est vrai que cette particularité du Royaume de la Boue comme j'avais tendance à le surnommer parfois après une de mes campagnes aux conditions désastreuses n'était pas pour te déplaire. Et s'il y avait bien une chose que l'on devrait prendre de la part de ces peuples auxquels vous apportez pourtant tant, ce serait bien celle-ci. Mais bon, je me doutes bien qu'il y a très peu de chance que le Seigneur du Feu voit cette idée de la même façon, bien que sa famille ait le droit de transgresser nos traditions pour que la dynastie reste celle des Hino, coute que coute.

- Ce ne serait pas forcément pour déplaire à mon père.

Finis-je pourtant par répondre à Shohei, toujours avec ce léger sourire amusé sur les lèvres qu'il a provoqué quelques instants plus tôt en évoquant cette possibilité. Combien de fois l'avais-je entendu clamer haut et fort qu'il aurait préféré me voir naître homme pour que je puisse transmettre notre nom à mes enfants et non le perdre au profit de celui d'un mari venant sans doute d'une lignée bien moindre par rapport à la nôtre ? Et il fallait bien admettre qu'outre le fait que je n'avais jamais ressenti le besoin de m'empêtrer d'un mari cherchant à me soumettre pour la seule raison d'être né homme et moi femme, récupérer mes titres et gloires au profit de sa lignée et non la mienne, je n'avais effectivement jamais eu la moindre envie de me défaire du nom de Kuroda. Je finis d'ailleurs par le confesser à mon ami d'enfance à côté de moi, celui que j'ai toujours considéré comme le mieux à même de me comprendre sur bien des points. Et je dois avouer que je suis des plus satisfaites de l'entendre me donner raison sur ce point, qu'il n'y a point de honte à mourir en tant que Kuroda.

- Non en effet… Il n'y a que ma mère et mon frère qui trouvent cette idée déplacée pour moi.

Soupire-je d'un ton où la lassitude transparaît sans mal. Il n'y a qu'eux effectivement pour voir comme une offense faite à mon père et son nom le fait que je sois au final ce que l'on se plait à appeler une vieille fille. Il n'y a qu'eux pour voir dans mon surnom parfaitement connu de Vierge d'Acier que moquerie et dédain là où mon père, mes hommes et moi-même préféreront ne voir que mon total dévouement à notre nation, à notre armée et aux projets de notre Seigneur du Feu Azulon. Oui, c'était pour cela et entièrement pour cela que j'avais fait le choix de débouter avec brusquerie et mépris tous les hommes qui s'étaient posés en prétendant à ma main, à me faire leur par le biais d'un mariage qui ne m'intéressait nullement. Cela n'avait strictement rien à voir avec une autre membre de la famille Sakai… Qu'il était beau parfois de se complaire dans le déni. Mais bien décidée à ne pas laisser la moindre petite parcelle de mon esprit à la merci de Kaori, je me décide à relancer la conversation en tournant de nouveau le regard vers le frère de ma détestée.

- Mais bon, quand on sait que ma mère avait commencé à parler à la tienne quand nous étions enfants pour nous marier… Heureusement que nos pères sont intervenus. Car je doute que ton cher oncle et son père aient été heureux d'une telle union.

Le sarcasme s'invite sans mal dans mon ton comme dans mon sourire au moment de parler des deux derniers Seigneurs du Feu et des plans qu'avaient imaginé ma mère pour moi lorsque je n'étais qu'une enfant. Pour moi mais également pour Shohei il fallait bien l'avouer. Bien qu'aujourd'hui, avec le recul et la meilleure connaissance que j'avais de ma mère et de ses ambitions, je parvenais parfaitement à comprendre ce qu'il s'était caché dans son esprit au moment de parler, de façon faussement innocente, de l'idée d'unir sa fille au fils de son amie d'enfance devenue Sakai par son mariage. Mon talent et la puissance de ma maitrise étaient parfaitement connus à cette époque après tout, mon père ne cessant de vouloir le cultiver. Alors bien sûr que ma mère avait espéré pouvoir voir l'un de ses petits-enfants porter le titre de Seigneur du Feu sans avoir à prendre en compte un refus presque certain de Sozin de m'unir à son fils. Mais s'était-elle vraiment attendu à ce que la dynastie Hino n'intervienne pas à la naissance de Sakai maitrisant le feu comme cela aurait sans doute été le cas de nos enfants à Shohei et moi ? Surtout si nos enfants avaient hérité de la même puissance que celle de mon feu intérieur ? Heureusement que mon père l'avait ramené à la raison en la forçant à se faire plus subtil concernant son alliance à la famille Sakai.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Mon léger sourire s'étire encore un peu quand j'entends celui que je considère comme mon ami d'enfance commencer à donner raison à l'avis de mon père concernant l'héritage de son nom. Et concernant également mes accomplissements par rapport à ceux de mon frère. Je sais déjà tout cela et le pense ouvertement d'ailleurs, mais cela fait quand même toujours du bien quelque part de l'entendre de la part de quelqu'un d'autre sans que cela ne soit mon père. Comme si cela légitimait encore un peu plus mon opinion à ce sujet. Et quand Shohei finit par dire qu'il faudrait peut-être en venir à préférer le nom de la lignée la plus prestigieuse dans un mariage, dans la descendance, sans se soucier du sexe de celui qui transmet son nom, je ne peux retenir un léger soupir d'accord avec ses paroles.

- Tu prêches déjà une convertie.

Ne puis-je d'ailleurs me retenir de lui dire, dans un léger souffle en tournant de nouveau brièvement mon regard vers lui. Même si mes pupilles ne restent pas bien longtemps sur le visage de l'homme à côté de mon, se perdant de nouveau vers l'horizon que nous offre la mer. Et j'en viens alors, toujours avec ce côté sarcastique mais malgré tout assez frais que je n'arrive à avoir qu'avec Shohei, à évoquer le fait que, dans une autre vie, nous aurions pu nous retrouver mariés l'un à l'autre sans avoir notre mot à dire. Si nous nous entendons bien depuis aussi loin que je me souvienne lui et moi, c'est surtout en tant qu'amis. Car il faut bien avouer que nous nous ressembler bien trop pour qu'une union entre nous ait la moindre chance de marcher sans que l'un de nous finisse par vouloir tuer l'autre. Si nous n'en venons pas simplement et purement à nous entretuer dès la première dispute entre nous à propos d'un sujet sans aucun doute des plus futiles. Pourtant, je ne peux m'empêcher de m'amuser à le voir se faire plus théâtral, plus dramatique, alors qu'il évoque le fait que nous ne serons jamais si un enfant provenant de nos deux familles réunies auraient pu détrôner son oncle ou non.

- Vu nos deux familles ? Bien sûr que cet enfant aurait fini par destituer Azulon… Peut-être même sans le moindre Agni Kai ou effusion de sang.

Lui répond-je avec un léger sourire amusé. Oh oui, je ne sais que trop bien combien ce genre de parole pourrait me valoir des accusations de trahisons et de conspirations à l'encontre du Seigneur du Feu. Mais je sais aussi que je peux parler librement de ce genre de chose auprès de mon ami d'enfance, que ce dernier serait bien le dernier à me dénoncer à ce sujet. Surtout si c'est pour tenir des propos allant dans son sens comme cela est plus ou moins le cas ici. Car oui, ce n'était pas pour rien que le choix de ma mère pour unir un de ses enfants à un Sakai était moi plutôt que mon frère jumeau à marier avec Kaori. Car elle espérait bien que l'enfant issu de mon union avec Shohei porte le nom de Sakai, lui permettant dès lors d'user de tout son talent politique pour mettre à mal la position d'Azulon au profit de son petit-enfant. Surtout si ce dernier avait hérité de mes dons d'élémentale et de la même puissance que moi… Je commence d'ailleurs à ouvrir de nouveau la bouche pour faire remarquer à celui qui aurait pu être mon époux mais ne le sera jamais combien ma mère et mon frère pouvaient finalement s'avérer utile pour ce genre de chose quand une voix au loin finit par m'interpeller.

- Ma tante ?

Me tournant par instinct en reconnaissant sans problème la voix du fils de mon frère justement, je m'assure d'un regard qu'il est trop loin pour avoir pu entendre notre conversation avec Shohei. Car si je ne crains rien de la part de mon vieil ami, je ne serais pas aussi catégorique à ce sujet concernant une partie de ma famille. Cependant, il est effectivement trop loin pour avoir surpris notre discussion. Et il semble d'ailleurs enfin reconnaître le Sakai à mes côtés car il ne tarde pas à s'incliner respectueusement pour le saluer, bien qu'il reste assez loin de nous deux pour cela. Avec un soupir, je détourne donc le regard de mon neveu pour le poser une dernière fois sur Shohei.

- Il semblerait que mes obligations familiales se rappellent à moi encore une fois.

Lui annonce-je alors d'un ton qui pourrait presque être désolé si tant est que cela soit dans mes habitudes de l'être. Bien que pour le coup, j'ai quand même une petite pointe de regret à l'idée de devoir laisser là mon ami pour retourner jouer à la parfaite fille de mon père, cette Kuroda qui sera peut-être un jour la première femme à siéger au Conseil des Généraux du Seigneur du Feu comme l'espère tant mon géniteur.

- Ravie d'avoir pu te revoir en tout cas Shohei. Il faudra que je prenne le temps de venir te voir tant que je suis encore ici.

Finis-je pourtant par ajouter à l'attention du Sakai en commençant déjà à m'éloigner de lui pour rejoindre mon neveu, ce dernier m'attendant patiemment plus loin. Au moins, je peux féliciter Takezo sur une chose, celle d'avoir réussi à apprendre le respect à son fils. Même si vu le regard que ce dernier lance sur le Sakai puis sur moi, il semblerait que ce petit ne se fasse trop d'idées sur les relations entre mon ami d'enfance et moi. Mais je sais aussi parfaitement que tenter de le corriger à ce sujet ne ferait qu'augmenter ses soupçons, son esprit étant bel et bien celui d'un Kuroda… Enfin, tant qu'il ne va pas parler de tout ceci à ma mère…