Debout devant la porte d’une des salles du Temple du Soleil Pourpre, Seiya attendait. Mains jointes devant lui, le dos droit et le regard fixé devant lui, il semblait l’incarnation d’un calme qu’il était néanmoins loin de ressentir. II se sentait un peu nerveux, en réalité. De la bonne nervosité, celle qui le poussait à donner le meilleur de lui-même, ou autre chose ? Un peu des deux, probablement. Il ne savait à quelle sauce il serait mangé, pour reprendre une expression triviale.

Car aujourdh’ui était un jour important. Il allait passer une nouvelle étape dans son apprentissage de sorcier du Temple, en apprenant une nouvelle technique - si tout se passait bien. La seule subtilité, était que ce n’était pas Maître Kaori qui allait s’occuper de lui aujourdh’ui, mais le Grand Maître Sakai Shohei. C’était peut-être là la source de sa nervosité. Cela faisait des années qu’il ne l’avait pas côtoyé de près, en une occasion qui encore aujourdh’ui l’emplissait de honte. Et si Seiya avait eu la possibilité de revenir dans le passé, il aurait giflé le lui de dix-sept ans pour lui apprendre l’humilité. Mais les choses avaient changé, se dit-il. Il n’était plus cet imbécile arrogant inutile. Il avait grandi, il avait mûri ; mieux encore, il avait prouvé une forme de valeur.

Il avait enfin l’impression d’avoir réellement mérité sa place. C’était un peu perturbant d’un côté. Il avait fallu une bataille pour qu’il ait l’impression d’être utile ; il avait fallu une bataille pour qu’il ait gagné du réel respect de la part de ses pairs. Encore aujourdh’ui, les disciples du Temple passant à l’étage où il se trouvait le saluaient avec plus de considération qu’avant les évènements de Chung-Ling.C’était agréable, mais il n’était plus un enfant, il n’allait pas s’en rengorger comme un paon. Humilité et travail étaient devenus son credo.

“Grand Maître.” salua-t-il en s’inclinant respectueusement une fois celui-ci dans son champ de vision. “Je vous remercie humblement de m’accorder une partie de votre précieux temps.”

Il avait bien appris sa leçon, le petit.

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Sur le fil du scalpel

Temple du Soleil pourpre - 03/11/53 de Ri Wu - @Matsumoto Seiya

Les gestes précis, sûrs. Les doigts qui courent, glissent entre les noeuds du bois, le métal des instruments. Ton corps est peut-être rendu plus faible, plus fragile par la sorcellerie, plus sensible au froid, mais tes gestes restent exacts, les incisions, exactement où tu veux qu’elles soient.

Le sang est tiède, presque froid, gluant, presque collant, entre tes doigts, mais la sensation est familière, l’odeur métallique presque rassurante.

Tu n’avances pas trop sur la carcasse, ne faisant qu’ouvrir le ventre de la bête. Ce n’est pas toi qui vas principalement travailler aujourd’hui, après tout, et le travail plus délicat est réservé à ton apprenti du jour.

La porte est laissée ouverte pour permettre à ton élève d’entrer à sa guise. Les bruits du Temple sont familiers et ne te dérangent pas comme peuvent encore le faire les bruits de la ville, parfois. Le craquement léger des flammes des bougies, le bruissement des robes sur la pierre, le claquement sourd des pas bottés ne sont que bruit d’ambiance, te permettant de te concentrer sur ta tâche.

Tu es en train de rincer tes mains et tes bras (pas à fond car tu devras probablement manipuler pour corriger ici et là, mais au moins il y a moins de risque que tu mettes du sang inconsciemment partout) et de rattacher tes cheveux quand des pas s’arrêtent devant la pièce où tu as élu temporairement résidence.

Une ombre se dessine dans entrebâillement et une pointe de satisfaction te traverse en voyant la silhouette du disciple de Kaori.

“Seiya. Entre. Ferme la porte derrière toi.” Économique dans tes mots et tes gestes, tu ne ponctues ceux-ci que d’un vague geste de la main avant de reporter ton attention sur ton cousin.

Il n’est pas rare que tu enseignes à des élèves qui ne sont pas techniquement uniquement les tiens, mais tu admets avoir été quelque peu étonné de la demande du disciple quand elle est parvenue jusqu’à toi. À ta connaissance, ta soeur est également douée en chirurgie, même si elle préfère les disciplines moins ouvertement sanglantes du Temple, préférant la subtilité des poisons.

Seiya a pris de l’assurance depuis la bataille de Chung-Ling (bataille qui te laisse toujours amer et extrêmement vigilant quant à ta ville), a gagné en sérieux, aussi. Qu’il progresse dans son parcours est une bonne chose.

“Tu sais déjà comment raffiner les noyaux bestiaux, il me semble ? Mais tu n’en as pas extrait toi-même, c’est bien ça ?” demandes-tu, pour avoir la confirmation de tes connaissances.

Tu guides nonchalamment le jeune homme vers la table où gît la carcasse fraîche d’une bête magique, chimère entre un tigre et un dragon, la créature est jeune, à peine plus qu’un bébé, ce qui explique la facilité avec laquelle d’autres membres du Temple ont pu la tuer. Son noyau ne sera pas très développé, mais suffisant pour que Seiya puisse pratiquer dessus.

D’un geste de la tête, tu désignes les instruments en métal disposés sur une plus petite table, non loin de la carcasse, avant de reposer ton regard sur le jeune disciple. “Tes instruments. Comment procéder, à ton avis ?”

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Pourquoi avait-il toujours ce réflexe de se redresser dés qu’on l’appelait, dés qu’on prononçait son nom ? Il n’aurait pas su se l’expliquer - même maintenant, même à presque vingt-trois ans. Il avait été concentré pourtant, il n’avait pas laissé son esprit vagabonder, non, il se préparait mentalement à sa leçon ; et pourtant. Bah, peu importe. se dit-il, alors qu’il pénétrait dans la pièce à l’invitation du Grand Maître. Celui-ci ne semblait pas mécontent de le voir. Après, se raisonna-t-il en fermant la porte, si l’idée de lui donner un cours l’avait dérangé, il lui aurait simplement signifié son refus et l’histoire en serait resté là. Il n’en aurait pas conçu de rancune ; il était probablement très occupé, voilà tout. Mais cela n’avait pas été le cas.

Peut-être que d’autres auraient pu frissonner en voyant les mains encore un peu tâchées du sang de la créature qui allait lui..servir de sujet d’expérience. Pas lui. Plus lui, plus maintenant. Il ne pouvait plus se permettre de faire dans la sensiblerie, encore moins rester du “bon côté” de la loi ; ou des bonnes mœurs, plutôt. Il avait essayé, cela n’avait rien donné de bon, juste des troubles et des angoisses sur son avenir, et l’impression qu’il devait faire plus que simplement peindre. L’impression qu’il devait prouver son utilité au monde aussi et de façon visible, parce qu’il n’était qu’un descendant Sakai et que donc, il partait avec un énorme handicap de départ. Ce n’était plus le cas aujourdh’ui.

“C’est cela, Grand Maître.” répondit-il- non sans ressentir, pour cette fois seulement, la légère satisfaction de pouvoir dire que oui, il connaissait la technique que son professeur mentionnait. S’il avait été en compagnie d’un de ses shixiong (et encore, pas de tous), il aurait pu ajouter “C’est la dernière technique à acquérir avant que je ne puisse devenir disciple senior.” ; mais pas là. Ce n’était pas l’heure de bavasser..encore moins l’heure de la présomption . Surtout pas en face d’un Grand Maître. Surtout pas en face de ce Grand Maître en particulier. Il n’avait pas oublié la véritable démonstration de force qu’il avait faite à Chung-Ling, face à la Nomade de l’Air.

Et enfin il vit son sujet d’expérience du jour. Une chimère apparemment, avec des élements plutôt caractéristiques du tigre, d’autres du dragon. C’était bien la première fois qu’il voyait une telle créature, aussi l’examina-t-il d’un oeil plutôt intéressé. La chimère paraissait plutôt jeune encore vu sa taille, mais pourtant, il ne pouvait nier une certaine noblesse chez elle. Peut-être en ferait-il un portrait, plus tard ( de la bête vivante, évidemment) ; mais plus tard. Pas alors qu’il allait mettre..les mains à la pâte, s’il pouvait parler ainsi.

C’était bien ce qu’il devait faire à cet instant - car son professeur du jour lui indiqua ses instruments, avant..de lui demander son avis sur la façon de procéder. Il avait beau savoir que c’était la méthode du Temple - laisser l’élève réfléchir au problème en premier lieu, offrir la solution en second-,il se sentit légèrement..désarçonné, d’être ainsi plongé dans le vif du sujet. Concentre-toi. se dit-il. tu n’es pas plus idiot qu’un autre - ce sont des choses que tu as déjà un peu vues, au moins partiellement. Concentre-toi.

Mobilisant ses connaissances, il commença à formuler sa réponse :

“La carcasse a déjà été ouverte. Je dirais donc qu’il faudrait d’abord créer une incision dans la région du pelvis pour retirer les entrailles pour pouvoir procéder plus facilement. Cependant..est-ce qu’il est pertinent d’ôter la peau de la créature ?” Peut-être que d’aucuns voudraient en faire un trophée de chasse ; cela devait certainement se faire. Mais sur le moment, Seiya se demandait surtout si cela ne l’aiderait pas à voir plus clair sur ce qu’il faisait pendant qu’il..procédait. Il détestait se poser autant de questions, songeait-il. Les plantes étaient mille fois plus simples à appréhender ; mais il fallait qu’il passe par là, et tant pis s’il enrageait de ne pas savoir. Car après tout, il était là pour apprendre.

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Temple du Soleil pourpre - 03/11/53 de Ri Wu - @Matsumoto Seiya

Le garçon a plus d’assurance que la dernière fois où tu t’es retrouvé son maître temporaire, notes-tu, avec satisfaction. Pas que Seiya ait été un mauvais élève ce jour-là, mais tu te rappelles de son air abattu, son arrogance mise plus bas que terre, sa confiance fracassée, quand tu as révélé qu’à partir de cet instant, tu serais son maître à la place de Kaori. Un jeu peut-être quelque peu cruel, mais après tout, ta soeur t’avait bien demandé de rendre l’adolescent plus humble. Quel meilleur moyen que frapper là où ça fait mal ? Briser les liens de confiance ? Ce n’est qu’en se débarrassant de ces émotions trop encombrantes, ou du moins, en apprenant à les maîtriser et les utiliser consciemment, que l’on peut progresser en sorcellerie.

Tu observes Seiya sans un mot, notes qu’il glane les détails de la bête en premier. Bien. Il vaut toujours mieux savoir à quoi on a affaire, et la curiosité est des plus utiles dans votre branche de cultivation non-orthodoxe. Pas de beaux manuels, pas de guides séculaires : tout dans votre domaine est expérimentation et limites repoussées toujours plus loin.

Tu ne te perds pas en palabres avant de lancer le disciple dans le vif du sujet. Tu le vois réfléchir, avant de commencer à analyser la situation.

Tu amènes un tabouret plus près de toi avant de t’y asseoir. Ce n’est pas à toi de travailler, tout de suite, et tu préfères te ménager. Tu as un peu trop expérimenté hier, justement, et tu te sens un peu plus fatigué que tu ne devrais l’être.

“Bon raisonnement.” Tu souris légèrement à la question de Seiya. “Ça peut être pertinent, oui. Ça reste une créature magique. Très jeune donc peu puissante, mais sa peau peut tout de même renforcer des armes ou outils.” Tu jettes un regard à la créature. “Si c’était un dragon, même ses entrailles et son sang seraient utiles et pourraient servir à fabriquer un anneau-foudre. Ici, pas tellement, l’effort ne vaut pas la peine pour le résultat obtenu. Mais sache-le pour plus tard, si tu travailles avec des créatures plus puissantes. Peu de choses sont à jeter, en vérité.”

Pragmatique et cru, mais ce n’est pas comme si la sorcellerie était une magie très propre. C’est grâce à l’énergie des créatures, des fantômes, des morts (et tu en es certain mais tu n’as pas encore réellement eu l’occasion d’expérimenter là-dessus, l’énergie d’autres cultivateurs) que vous développez votre propre énergie. Ou plutôt que vous raffinez en énergie du ressentiment l’énergie volée.

“Je te laisse choisir le couteau qui sera le plus utile pour la partie que tu souhaites atteindre. Tu peux t’occuper de la peau ou directement évider la bête, si tu préfères.” fais-tu, le ton nonchalant, les yeux attentifs, posés sur le disciple.

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Petit moment de tension intérieure - alors que Seiya attendait que le Maître Sakai valide ou non sa réponse. Toujours ce moment où tout pouvait basculer, où le jeune homme pourrait enfin respirer ou au contraire se recroqueviller sur lui-même, honteux d’avoir donné une réponse qui soit erronée ou incomplète ; angoissé à l’idée que le Grand Maître le juge, lui, comme ne répondant à pas à ses exigences, et donc incapable. Réflexe de bon élève, sans doute, acquis sur les bancs de l’école et surtout auprès de son propre père. Le regard qui se durcit, le visage qui exprime la déception dés que le père Matsumoto jugeait qu’il ne correspondait pas à ses attentes ;  Seiya ne pouvait guère oublier ces moments. Il s’en voulait, parfois, d’être à ce point sensible, de s’imaginer qu’à la moindre mauvaise réponse il se perdrait aux yeux de son professeur du jour ; mais il n’avait pas encore trouvé de méthode magique pour se débarrasser de cette mauvaise habitude.

D’autant plus que sa réponse était juste. Là, voilà, il pouvait se détendre maintenant ; il n’avait pas besoin d’aller se terrer dans le premier trou de souris qu’il verrait. Le soulagement était bien présent ; heureusement qu’à défaut de pouvoir contrôler ses émotions en permanence, le jeune homme avait au moins appris à les dissimuler. Petite fierté s’il en était.

“C’est intéressant..” souffla-t-il, en réponse aux précisions apportées par le Maître. Toute connaissance était bonne à prendre, et cela lui servirait probablement par la suite, lorsqu’il s’attaquerait à des créatures plus grosses que la chimère devant lui. “J’en prends bonne note. Merci, Grand Maître.””  Le Temple avait éveillé chez lui cette avidité d’apprendre qu’il n’avait guère connue auparavant. Même pour la peinture ; il s’agissait plus de soif d’apprendre, d’envie de se perfectionner, que de..cette avidité, cette ambition parfois difficile à tenir en laisse.  La peinture lui offrait un échappatoire ; le Temple, les moyens de s’élever. C’était là une différence primordiale. Et indubitablement, il s’était élevé. Il avait pu acquérir du prestige en son nom propre.  C’était lui, qui avait capturé ce nomade, avec ses capacités à lui.

Mais il s’égarait. A lui de jouer, maintenant ; à lui de mettre les mains à la pâte, ou plutôt les mains dans les entrailles de la bête. Il observa, avec attention, les différents couteaux mis à sa disposition ; choisit enfin celui qui lui paraissait assez robuste, et commença à entailler le ventre de la créature. -pas trop vite, pour laisser au Grand Maître le temps de le corriger si nécessaire. Autant commencer directement les hostilités ; comme ça au moins, c’était fait, et il pourrait mieux avancer. Après quoi, il déposa les tripes de l’animal dans un seau ; cela lui éviterait de se prendre les pieds dedans, à tout hasard. Pour s’occuper de la peau, en revanche, il choisit quelque chose d’un peu plus fin et précis - et procéda, lentement, attentif à toute remarque ou conseil que l’on pouvait lui prodiguer.

Il osa ensuite croiser le regard du Grand Maître, une fois le travail accompli, posant muettement une question.

Et maintenant ?

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Temple du Soleil pourpre - 03/11/53 de Ri Wu - @Matsumoto Seiya

Tu observes le garçon tandis qu’il s’applique méthodiquement. Tu sens une certaine appréhension chez lui, mais ses gestes sont suffisamment sûrs à ton goût. Suffisamment précis pour que tu saches qu’il a au moins les bases en matière de chirurgie. Ou en cuisine. Vraiment, parfois les deux matières ne sont pas si différentes. Dans votre domaine, en tout cas. Vous ne cherchez pas à sauver des vies, mais dépouiller des carcasses. Que ce soit de la chair ou de l’énergie volée, tout est là pour vous servir.

Tu ne dis rien tandis que Seiya avance, ne souhaitant pas le déconcentrer, tant qu’il est sur la bonne voie. Il prend soigneusement une lame plus fine pour attaquer la peau. Quand il relève la tête pour croiser ton regard, dans l’expectative, tu te lèves du tabouret pour le rejoindre à la table.

À l’aide d’un autre couteau, tu soulèves la peau.

“Normal que tu n’aies pas encore totalement l’habitude, mais si tu devais transformer cette peau en cuir, il faudrait enlever davantage de chair, couper plus près. Racler ce qu’il reste avec une lame de ce genre.” Tu démontres avec l’outil que tu tiens en main, laissant apparaître sous l’acier une peau plus claire. “Mais tu t’es bien débrouillé. Pas de déchirure ou de défaut irréparable.”

Peut-être que vous trouverez une utilité pour cette peau, peut-être que non. La bête est jeune et peu puissante, mais jeter tout produit d’une créature magique est dommage.

Du plat de la lame, tu repositionnes la carcasse pour mieux l’exposer. Trou béant dans ce qui était auparavant ses entrailles.

“La position du noyau bestial dépend de chaque créature. L’équivalent, chez les humains, se situe dans le dantian. Toi et moi n’avons pas de noyau d’or, mais ceux qui cultivent la voie orthodoxe oui. Chez les bêtes, ça dépend.” Tu pointes avec le couteau. “Généralement on le trouve au niveau du ventre ou du poitrail. Mais parfois, on le trouve dans la gorge ou la tête. Rarement, on peut même en trouver dans la queue, pour certains reptiles ou chimères.”

Tu jettes un coup d’oeil aux tripes de l’animal, situées dans un seau. À disposer plus tard, bien sûr.

“Tu n’as rien senti en retirant tout ça j’imagine ? Rien qui puisse servir de réserve d’énergie spirituelle ?” demandes-tu, après un léger murmure d’interrogation.

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Pas de remontrances, pas de main qui agrippait son bras pour l’empêcher de procéder plus avant ; Seiya pouvait ainsi estimer qu’au minimum, il ne faisait pas d’erreur grossière ; au maximum, il était sur la bonne voie. Cela lui ôta un certain poids des épaules, mais pas l’obligation d’être ô combien attentif à ses gestes, pour que le couteau ne dérape pas, et qu’il ne coupe pas quelque chose qu’il n’était pas censé couper. Toujours faire de son mieux, se disait-il ; il ne pouvait pas se permettre d’être négligeant, ou de bâcler le travail. Il avait chèrement payé cette progression, il ne pouvait pas tout gâcher à cause d’un moment où il s’oublierait, où il oublierait que sa place ne tenait qu’à un fil. Il avait posé un orteil sur la limite de ce qui était acceptable, avant, et maintenant il était déterminé à ne plus s’approcher de cette limite. Non. Il voulait être vu..comme un disciple consciencieux, et appliqué, qui prenait ses études avec sérieux. Ce n’était pas  tant demander, ce n’était pas non plus tant d’efforts que de se comporter ainsi, mais..il ne pouvait quand même pas se relâcher.

“Merci, Grand Maître. Je ferai plus attention la prochaine fois que je serai amené à traiter une créature.”  Le compliment le soulageait, c’était impossible à nier. Ce n’était pas encore parfait et cela ne le serait pas avant, sans doute, longtemps, mais au moins il se débrouillait de façon correcte pour sa première dissection de créature. Mieux valait laisser trop de chair que pas assez ; parce que s’il y en avait trop, on pouvait toujours en enlever, mais s’il n’y en avait pas assez…Et bien, il n’aurait plus que ses yeux pour pleurer. Doser ses gestes prendrait du temps. “Quelle serait l’épaisseur idéale de chair à laisser ?”  Des questions, toujours des questions. Il en posait peut-être trop, mais il voulait apprendre. Comment pouvait-il savoir si on ne lui apprenait pas, si on ne lui montrait pas ?

Mais voilà que le cours continuait, et il tourna sa complète attention vers son professeur du jour qui lui expliquait à présent où pouvaient se trouver les noyaux bestiaux chez les créatures. “Est-ce qu’il y a une sorte de moyenne d’âge pour qu’une créature développe son noyau bestial ? Notre..créature du jour semble assez jeune, le sien ne doit pas être très gros, n’est-ce pas ?”  Pendant une seconde, une pensée lui traversa l’esprit ; et la faction du Temple qui tentait de cultiver de manière orthodoxe, obtenait-elle des résultats ? Réussissaient-ils à former leur précieux noyau d’or ?  Il allait ouvrir la bouche pour poser encore une question à ce sujet, avant de se raviser. C’était probablement fort indélicat, et il ne tenait pas particulièrement à s’attirer des ennuis par manque de diplomatie, et parce qu’il était incapable de tenir sa grande bouche. Il y avait une différence entre poser des questions pour s’instruire et poser des questions pour fouiner ; il avait peur que sa question ne relève plutôt de la seconde catégorie - non pas que cette voie orthodoxe l’intéresse réellement. Il n’était pas élève de Sakai Katsu, après tout, et restait un peu mitigé quant à cette nouvelle voie. Tant qu’elle n’aurait pas donné des résultats concrets, il s’abstiendrait de toute opinion.

“Je n’ai rien senti du tout. “ confirma-t-il, mais pour une fois, il ne se sentait pas stupide. Si, visiblement, le Grand Maître lui-même n’avait rien perçu, ce n’était pas lui qui allait se montrer extraordinairement perceptif, après tout.