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L'armée de la Nation du Feu avançait inexorablement vers les terres des autres Nations et pourtant, Jin ne ressentait plus l'excitation qu'il avait pu avoir des années plus tôt, quand il marchait aux côtés des soldats pour la première fois. Il avait eu hâte d'affronter ses premiers ennemis... puis il avait découvert que l'ennemis, c'était eux : les soldats du feu. Personne d'autre ne voulait cette guerre, personne ne voulait l'emprise du Seigneur du Feu sur leur terre, personne ne voulait "progresser" vers les techniques incroyables de la nation... Jin était tombé de haut, il avait appris depuis, il s'était enfuit, mais, des années plus tard, il était revenu dans cette armée. Pieds et mains liés, il ne pouvait rien faire d'autres que continuer d'avancer tout en espérant trouver une idée fantastiques pour sortir de ce bourbier, mais rien ne venait jamais.

La seule chose positive et heureuse qui faisait battre son coeur, c'était Ahloy. Ils avaient rendez-vous, dans quelques jours, pour discuter et le baume qui s'appliquait sur le coeur de Jin valait tous les ennuis. Ahloy lui avait pardonné, Ahloy l'aimait encore, Ahloy l'acceptait dans sa vie et cherchait elle aussi une solution. Jin se forçait à ne rien montrer, mais il avait constamment envie de sourire s'il songeait à elle, pourtant, il aurait été malvenu de le voir si heureux alors que les soldats couchaient à même le sol dans des abris de fortunes.

Deux jours avant le rendez-vous avec Ahloy, Jin s'éloigna du campement, pour vérifier que son absence ne poserait pas de question, pour préparer ses excuses en reconnaissance s'il était pris sur le fait ou pour ne pas mettre en danger son aimée. Il partit donc, vers le flanc de la montagne. La ville de Taku fut bientôt visible et Jin hésita, il avait presque envie de s'y perdre. Il voyait une ferme et des vêtements qui séchaient, se serait un jeu d'enfant de se changer et d'agir comme s'il n'était qu'en permission après des mois en mer.

Il n'hésita pas longtemps. Et en quelques minutes, il ressemblait à un citoyen du royaume de la terre, en plus fin et élancé que les soldats bourrus, mais... il n'était pas un soldat ici. Il n'était qu'un jeune homme sans maîtrise. Il se permit enfin de sourire et déambula. Soudain, il vit une forme, un corps qu'il croyait reconnaître. Il resta planté là un instant, caché derrière une poubelle pour tenter de remettre le visage. Etait-ce un ennemi ? Un ami ? Fallait-il qu'il fuit avant que l'autre le reconnaisse ? Etait-il complètement idiot ? Il se releva, prêt à s'enfuir, un peu brusquement et le couvercle de la poubelle roula sur le sol dans un grand bruit. L'homme se retourna et leurs regards se croisèrent.

« Gamin ? » s'écria-t-il surpris.

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Cette femme allait avoir ma peau ! La situation est complètement aberrante, et d’une façon ou d’une autre je n’y survivrais pas, c’est certain… Attaque, puis soins… mais quels soins ! Elle ne voulait pas de ma présence, et je ne voulais pas être là non plus. Voilà pourquoi, après m’être assuré de pouvoir tenir un minimum, je me suis empressé de m’échapper. Oh, pas pour rentrer, ça j’en serai encore bien incapable, mais pour changer d’air, voir d’autre têtes que la vieille à longueur de journée… ne serais-ce que le temps de quelques heures…

Me voilà donc à Taku, petite ville côtière dont l’animation me fait du bien. Habillé aussi chaudement que possible (sans non plus être compressé dans mes vêtements au risque de me faire mal), je déambule dans les rues, sans vraiment de but précis. Je m’arrête à des étales, hume les odeurs de poissons grillés, puis suis surpris par un fracas derrière moi. Instinctivement, je me retourne pour en identifier la cause. Un homme me fixe, nos regard se croisent, et mon cœur loupe un battement. « Gamin ? ». Figé, il me faut un instant pour identifier la situation. Ce visage… je connais ce visage… La voix est plus virile, les traits moins enfantins, et pourtant… Mais ça ne peut pas être ça, je dois me tromper, et lui aussi…

« J’ai une tête de gamin ? Tu dois confondre, désolé… »

Mes mots sont peu assurés alors que je m’efforce de me convaincre que mon passé ne peut me sauter à la gorge de la sorte.

« On m’prends souvent pour quelqu’un d’autre… »

Cet « Aki » dont on m’a si souvent nommé. Cet homme me prend surement pour lui, voilà tout. Je voudrais tourner les talons, mais mon corps ne m’obéis pas, restant figé sur place. De toute façon, j’aurai bien du mal à courir, même si je le voulais…

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Nomura Taiyo se retourne face au soldat de la nation du feu et le doute ne fut plus permis. Il avait grandi, beaucoup, il avait l'air plus mûr, plus sûr - même si déjà il possédait cette assurance insupportable - mais Jin l'aurait reconnu n'importe où parce que ce gamin avait hanté ses rêves pendant des années, Jin avait rejoué leurs conversations en se traitant de débile, il avait la clé sous ses yeux pour comprendre la vérité sur sa propre nation et voilà qu'il l'avait traité méchamment pour rien ? Pourtant, aujourd'hui encore, Jin était énervé des attaques de l'enfant, même s'il avait raison, même s'il était jeune, il avait été sarcastique et peu aimable... hors ce n'est pas comme ça qu'on fait changer quelqu'un du bon côté.

« Ouais t'as une sale tête de gamin mon gars. »

Idiot, idiot. Il ne devrait pas rester, Taiyo est sur le bateau pirate d'Ahloy, et il y a de grande chance qu'elle n'ait absolument pas parlé de Jin en bien, même s'ils se sont expliqués et pardonnés, Ahloy n'a sûrement pas fait d'annonce générale, il doit rester un secret, il doit resté haït. C'est plus sûr pour tout le monde, car c'est certain que si Taiyo fait le lien, il va le haïr, rien que parce qu'il a - dans le passé - brisé le coeur de la plus merveilleuse des pirates.

Il devrait donc reculer, la queue entre les jambes et éviter toute discussion avec ce jeune pirate... pourtant, comme dans le passé, Jin est incapable de partir. Il y a quelque chose chez Taiyo, cette étincelle de vie qui l'attire. Comme s'il avait envie d'être son ami. Ah. Comme si ce serait possible un jour.

Jin entend sa dernière phrase et il recule d'un pas, parce qu'il a compris. Taiyo n'est pas censé être ici, tout comme Jin. Taiyo risque sa vie, il est un pirate et il n'a pas l'air en grande forme. Mais Jin est linéaire, il n'a pas envie de partir pour de vrai, alors il propose, idiotement...

« Je peux t'offrir une tasse de thé ? »

Peut être est-ce en partie pour se racheter, pour lui montrer qu'il est capable de faire les choses bien, qu'il n'est pas un connard fini et qu'il y a du bon en Jin ? Oh pitié qu'il ne se souvienne pas de lui...

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La réponse me fait tressaillir. Tant de familiarité… Et cette tentative pour me faire flancher, comme à l’époque… Mais non, je dois me tromper. Il est impossible qu’il me reconnaisse aussi vite après tant d’années, et puis ça ne peut pas être lui ! Et puis il n’a pas grand-chose d’un soldat du feu, en dehors de la carrure… Mais si c’est le cas…

Pris d’un doute, j’hésite très sérieusement à m’enfuir. Si c’est bien lui, s’il m’a réellement reconnu, je risque probablement ma vie en cet instant. Je suis supposé être mort, et d’une manière ou d’une autre, le petit soldat à dû l’apprendre, non ? Mais si tel est le cas, alors pourquoi ne m’arrête-t-il pas, ou pire, pourquoi ne m’achève-t-il pas pour de bon ?

Toutes ces réflexions, cette angoisse, me paralysent littéralement. Je ne réagis même pas à sa remarque sur le fait que j’ai une tête de gamin, ou du moins pas tout de suite. Ce n’est que lorsqu’il me demande s’il peut m’offrir une tasse de thé que je recommence à respirer, et que je retrouve l’usage de la parole, et de mon cerveau…

« Tu m’insultes pour ensuite me proposer une tasse de thé… t’es pas net toi… »

N’étant pas en état de fuir, et puisqu’il ne semble à première vue pas vouloir me tuer ou m’arrêter, je décide de jouer la carte de la confusion. Je ne sais pas qui est cet autre gars avec qui on me confond souvent, mais je vais lui devoir une fière chandelle, à force…

« T’invites souvent des inconnus après les avoir traité de gamins ? Je n’sais pas pour qui tu m’as pris, mais j’le plains… »

Je laisse le reste de ma phrase en suspend, lui laissant le loisir d’imaginer la suite. Je le plains de te connaître, de t’avoir comme ami ? Petite pique en juste retour pour sa « sale tête de gamin ». Et j’en profite pour insister sur le fait qu’il se trompe de personne. Nous ne nous connaissons pas, je ne suis pas celui qu’il croit que je suis pour la simple raison que ce « gamin » est mort il y a longtemps…

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Les piques ne sont pas à la hauteur de celles qu'il se prenait dans la gueule, il y a quelques années, mais au moins, si Jin avait encore le moindre doute, il peut être sûr que c'est bien Taiyo. Longtemps après son départ, quand Jin est revenu auprès de son père et dans l'armée de la nation du feu, il a été mis au courant. Parce qu'il a osé poser la question, mais c'était un fait net et enterré : Taiyo était mort. Evidemment, il avait su, après coup, qu'il n'en était rien et que les soldats avaient préféré le déclarer mort plutôt qu'avouer qu'ils l'avaient perdu.

Son état vivant n'est donc pas une surprise pour le jeune soldat, voilà sûrement la raison du désarrois de Taiyo, qui continue de faire comment si de rien n'était, Jin est à la fois soulagé de ne pas être reconnu et à la fois attristé. Il n'a donc pas marqué l'esprit du jeune homme... D'ailleurs, Jin se demande si Taiyo connait son prénom, ça se trouve il n'a jamais pu faire le lien entre le Jin-le-traitre dépeint par Ahloy et son tortionnaire. Si c'est ça, le soldat est soulagé. Il ne sera détesté que pour l'une de ces deux actions, ce qui est ... un maigre réconfort.

« Hum, je sais pas quelle est la meilleure démarche, continuer dans ton jeu en faisant semblant de ne pas nous reconnaître ? Très bien, ça me va, si ça te va. » Il esquisse un faible sourire. Clairement, ses mots sont brouillon et il n'a pas amélioré sa répartie depuis qu'il a 16 ans. « Mais pardon si c'était une insulte à tes yeux, je t'assure que le mot a jailli tout seul de mes lèvres un pue comme un cri de surprise ? » Il réfléchit un instant. « Pas sûr que ce soit mieux avec une explication finalement. »

Jin hausse les épaules et s'éloigne en direction du salon de thé de Taku, une petite boutique toute propre dont des belles feuilles de menthe sont dessinées sur le devant. Il les admire en se rendant compte qu'il a tout oublié, ce qu'il faisait ici, sa mission de repérage, l'alibi qu'il n'a pas préparé, mais tant pis, il prend ce temps et advienne que pourra.

Il se retourne soudainement et lance.

« Bon tu viens le prendre ce thé ou pas ? »

Il ne lui laisse plus le choix et vu sa posture et son air faiblard, il doit bien avoir besoin d'une bonne boisson chaude.

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La réplique du soldat me glace le sang. Il refuse de croire qu’il se trompe de personne, et il l’annonce clairement. Mais je ne peux désormais plus avoir de doute sur son identité, et cela est très loin de me rassurer…

Il s’excuse maladroitement de son insulte qui n’en était apparemment pas une. Je fronce les sourcilles, gardant le silence, ne sachant vraiment pas comment réagir. J’ai beaucoup plus de répartie, en temps normale, et surtout je pourrai facilement me glisser dans la peau d’un autre et le convaincre qu’il m’a prit pour quelqu’un d’autre, mais quelque chose me bloque… Serait-ce de la peur ? J’ai frôlé la mort tellement de fois, assisté à des scènes et fait des rencontres dont je me serai bien passé, mais jamais un tel sentiment ne m’avait étreint de la sorte jusqu’ici. L’homme se dirige vers le salon de thé et m’enjoins de le suivre. Que dois-je faire ? Continuer dans le jeu ou admettre qui je suis ? Et lui, a quoi joue-t-il ? S’il m’a réellement reconnu, est-il en train de me tendre un piège ? Sympathiser pour mieux m’appâter ensuite ? Il est un soldat de la Nation du Feu, malgré sa tenue du Royaume de la Terre… Embrigadé depuis probablement sa plus tendre enfance…

Réagissant avant mon cerveau, qui semble complètement gelé, mes jambes se mettent en marche pour suivre l’homme dans le salon de thé. Habitué à jouer la comédie, c’est dans la peau de celui qui semble être mon double que me mon corps à décidé de se glisser. Et pourtant, mon esprit ne suivant pas le mouvement, mon attitude laisse clairement à désirer, manquant cruellement d’assurance…

Une fois à l’intérieur, je m’arrête sur le pas de la porte, blême, et arrive enfin à reprendre la parole.

« A quoi tu joues exactement ? »

Cette question pourrait autant venir de Taiyo que d’Aki. De Taiyo, avec le sens de « que comptes-tu faire de moi ? », de Aki : « C’est une stratégie pour piéger les inconnus ? ». Pour la première fois de ma vie, corps et esprit se disputent deux personnalités. Je blêmi un peu plus, sentant mes jambes trembler. C’est bien le moment pour renouer avec le passé, tiens… Foutues blessure, foutu soldat, foutue Nation… !

« Si tu tiens vraiment à m’offrir à boire, c’pas vraiment du thé dont j’aurai b’soin, pour le coup… »

Je ne bois pas souvent, ça ne me réussi pas, mais si ma dernière heure est arrivée pour de bon (qu’il me tue directement ou pas, puisque qu’il semble vouloir croire que je suis bien Taiyo et que je ne compte pas me laisser faire en cas de tentative de capture……), autant se donner un bon coup de fouet avant…

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Il le suit, sans réellement savoir pourquoi. Ni Jin, ni Taiyo ne savent vraiment ce qu'ils sont en train de faire. Jin aimerait s'excuser et lui expliquer, mais il en est incapable. Alors il le taquine, c'est plus simple, moins de pression. L'autre maître du feu, par contre, ne semble pas vraiment dans son assiette. Et sa question l'arrête sur le pas de la porte. Ils ne sont pas entrés entré, mais ils ont été vus depuis l'intérieur, partir maintenant donnerait un drôle d'impression.

Jin soupire, hausse les épaules.

« Je joue à rien, je veux juste discuter ... ? »

C'est une question ouverte, la possibilité pour lui de dire non, de refuser et de partir en courant. Ou en claudiquant, mais l'issue est la même.

« J'ai »  il s'arrête indécis, soupire une fois de plus et une petite moue se dessine sur ses lèvres « fait des erreurs dans ma vie, et si je peux en rattraper une ou deux, je dis pas non. »

Son regard est fixé sur ses mains, il n'arrive pas à le regarder en face, il n'a pas envie d'être reconnu, mais il est presque sûr que c'est la seule option possible. S'il montre qu'il a changé, s'il le croit, alors peut être Jin pourra aller de l'avant. Il serre ses doigts dans la paume de sa main jusqu'à ce que ses ongles lui fassent mal. Puis il relève les yeux.

« Dans un salon de thé, il y a toujours de l'eau de vie quelque part pour la rajouter à la boisson fumante. »

Oh, pas dans les élégants salons de thé de Ba Sing Se, mais ici, Jin est certain de trouver de quoi remonter le moral de Taiyo, s'il en a besoin. Jin n'a pas bu une goutte d'alcool depuis des années, parce qu'il a trop peur de perdre le contrôle qu'il a sur lui-même, trop peur de se trahir ou de dévoiler le fond de sa pensée. Il ne boit pas pour rester maître de lui. C'est peut être une erreur, mais pour lui, c'est une question de survie.

Il n'a pas bougé, il n'a pas poussé la porte, il n'a pas insisté, mais, encore une fois, il replonge ses yeux dans celui du jeune homme.

Jin a envie de lui lancer son prénom en pleine figure, lui montrer qu'il sait qui il est, mais Jin a peur de sa réaction. C'est pour ça qu'il a choisit de boire dans le salon de thé, pour avoir un public, pour empêcher le jeune maître du feu de les désanonymer. S'ils sont entourés, l'un comme l'autre doit être discret. C'est égoïste et un peu idiot.

« Je te jure que je ne te veux pas de mal... mais je comprends que mes paroles te mettent le doutes. Qu'est-ce que je peux faire pour prouver que je veux juste boire du thé ? »

Il demande, il met les pieds dans le plat, il offre... mais il n'est toujours pas certain que ce sera accepté. Il veut un public, pour se protéger lui-même, il veut un lieu calme, pour qu'il n'y ait pas un mot plus haut que l'autre, mais, si Taiyo préfère un espace caché, alors Jin le suivra.

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Discuter… Même lui ne semble pas convaincu par sa réponse. Ou est-ce réellement une question ? Il continue après  un temps d’arrêt, disant vouloir rattraper quelques erreurs faites dans sa vie. De quelles erreurs parle-t-il ? Du fait de ne pas m’avoir achevé quand il en a eu l’occasion ? Non, il ne m’inviterait pas à boire un thé si telle était réellement son intention… n’est-ce pas ?

Le soldat garde les yeux baissés un moment puis fini par les relever pour m’assurer qu’il y aurait probablement de quoi relever la boisson dans le salon. Je ne bouge pourtant toujours pas, à tel point que l’homme tente une dernière fois d’assurer qu’il ne me veut pas de mal, qu’il veut juste boire un thé. Laissant échapper un long soupire, je fini par m’avancer, entrant dans le salon en le poussant au passage pour dégager le passage.

« C’est bien pour rattraper l’insulte, c’pas mon genre de boire avec n’importe qui. »

Et encore moins avec un ancien gardien de prison, celui-là même qui s’est amusé avec moi, et vice-versa, lorsque j’étais enfant. Notre dernière rencontre restera à jamais gravée dans ma mémoire…

Je ne veux pas qu’il sache que je l’ai reconnu. Déjà parce que ce serait avouer qui je suis, mais surtout parce que je n’ai pas envie de jouer, aujourd’hui. Mes blessures me fatiguent, cette situation me fatigue… Je me laisse donc tomber sur une chaise sans attendre le soldat, mais ne le lâchant pas du regard. Quelques clients discutent tout en sirotant leurs boissons. Au moins, il y a du publique en cas d’altercation… Ici, l’aide ira en ma faveur.

Attendant qu’il me rejoigne, je garde le silence encore quelques secondes avant de demander :

« T’as un nom ? »

Que ce soit Taiyo ou Aki qui pose cette question, elle est légitime. Je n’ai jamais su le nom du petit soldat tête à claque. Je crois l’avoir toujours appelé ainsi, d’ailleurs… Ce souvenir manque de m’arracher un sourire que je retiens de justesse. Non, je ne me ferai pas avoir cette fois. S’il me retourne la question, je mentirai, comme toujours…

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Il le pousse en entrant et Jin ne peut réprimer un sourire. Là, il le retrouve. Le gamin qui n'avait pas froid aux yeux, celui qui tentait tout, celui qui n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait. Evidemment, il a grandit, vieillit, mûri. Maintenant, il réfléchit et ne donne des informations qu'au compte gouttes et Jin ne peut lui en vouloir. Il est un soldat de la nation du feu, normalement, il devrait l'arrêter et l'amener devant son commandant, il devrait dévoiler le traitre qu'il est et le trahir.

Seulement, Jin joue gros lui aussi. Il n'est pas censé se rendre dans la petite ville, habillé comme un maître de la terre, à chaque instant, son déguisement risque d'être démasqué car il n'a pas la carrure des maîtres du royaume de la terre, il ne leur ressemble pas vraiment physiquement non plus, tout en lui trahit son appartenance à la Nation du Feu.

Pendant que Taiyo s'assied, Jin se rend au comptoir pour commande une théière et de l'eau de vie. On lui assure que tout sera amené à leur table et qu'il paiera ensuite. Il acquiesce, puis il prend place en face de celui qui l'attend.

Et là, c'est la question, celle à laquelle il ne voulait pas répondre, celle à laquelle il ne peut pas répondre. Le gamin n'a sûrement jamais su quel était son nom de soldat, mais la sonorité Jin, si elle est courante, peut être associé au traitre de maître du feu du bateau d'Ahloy. Jin est coincé.

Alors il décide de jouer un autre atout, de dévoiler sa condition devant Taiyo, il soupire, jette un coup d'oeil discret autour de lui pour vérifier que personne n'épie leur conversation, puis murmure.

«  On m'appelle Soldat Shao. »

Son nom de famille est inutile, mais le fait qu'il soit encore soldat peut l'amener sur la voie. Il n'est pas déserteur, il n'est pas un ami non plus.

« Et je ne vous ai jamais vu ici, Nomura, bien sûr. » souffle-t-il en plantant son regard dans les yeux du gamin-qui-n'en-est-plus-un.

Il lui dévoile son nom à lui, parce qu'il le connait, parce qu'il ne l'a jamais oublié, parce qu'il ne peut plus faire semblant. Ils savent n'est-ce pas ? L'un comme l'autre sait la vérité.

« Quand à ce qui est du prénom, l'information que tu espérais obtenir, je préfère le garder ... pour moi pour l'instant. »

Son regard est fuyant, il n'a pas réussi à dire ça l'air de rien, il est coupable et Taiyo ne peut que le comprendre. Comment va-t-il se sortir de là ? Il espère ne pas être obligé de le dévoiler, mais il sait bien qu'il n'y a aucune chance pour qu'il puisse le garder pour lui durant toute la conversation. L'information finira par sortir, mais il espère pouvoir soigner la première relation brisée avant de devoir se justifier. Il espère pouvoir être pardonné avant de nouveau avoir à le faire.

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Ma question semble l’embêter. Le petit soldat aurait-il peur de se dévoiler ? Cette idée m’aurait arraché un sourire en coin, en temps normale, mais pour l’instant je reste stoïque, attendant sa réponse en silence. Réponse qui fini par tomber dans un murmure : Soldat Shao. Si le moindre doute persistait encore, ce n’est désormais plus le cas. Mon cœur s’accélère. Je me redresse alors qu’il continue, lâchant mon nom pour bien confirmer le fait qu’il m’a reconnu, peu importe le jeu que je joue. Soutenant son regard, je dois me retenir de ne pas lui balancer mon poing dans la figure. Mais notre commande arrive à ce moment-là. Je remercie à peine l’homme qui nous a servi, ne lâchant pas des yeux le soldat au regard désormais fuyant alors qu’il précise ne pas vouloir dévoiler son prénom pour l’instant. Cette fois, je ne peux me retenir de rire, un rire jaune et sans joie.

« Elle est bien bonne celle-là ! Tu dis savoir qui je suis, mais tu refuses d’avouer qui tu es. »

Me servant un fond d’eau de vie sans même lui en proposer, je l’avale d’une traite et grimace en sentant la chaleur de l’alcool me brûler la gorge. Je reprends ensuite, d’une voix calme, tout en me servant du thé que je relève légèrement.

« Je t’ai déjà dis que tu m’confonds avec un autre. Ce Nomura dont tu parles, il est mort y a longtemps. Ta nation l’a tué. »

Et pourtant, je n’ai jamais changé mon nom, préférant user de plusieurs identités plutôt que de renier qui je suis. Une fois ma boisson servie, je relève les yeux vers l’homme, lui lançant un regard noir.

« Et sachez, Soldat Shao, que la Nation du Feu n’est pas la bienvenue ici. Les p’tits soldats devraient faire gaffe à leurs précieux derrières. »

Je me suis vendu, je le sais, Taiyo l’a emporté sur Aki. Je n’ai jamais su jouer face à lui. Ce n’est que la troisième fois en plus de dix ans que nous nous rencontrons, et pourtant rien n’a changé… J’ai toujours cette même envie de le narguer, et ce même souci à ne pas pouvoir être quelqu’un d’autre en sa présence…

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Il tape en plein dans le mille, évidemment. Après son regard noir, Jin était certain qu'il l'aurait frappé s'ils avaient été seuls, le soldat sait qu'il risque beaucoup en restant ici. Il a tenté de lui offrir un geste de paix, naïf petit bout d'homme. Il sait précisément qui il a en face de lui, il a conscience de ce qu'il a vécu.

« Je sais » soupire-t-il. Il sait que Normura Taiyo est mort pour la nation du feu. « Enfin plutôt, je savais. J'ai appris ta mort il y a plus de deux ans » Cela fait déjà deux ans qu'il est de retour dans cette nation qui a juré sa perte, pourtant le temps passe si vite et trop lentement à la fois. La seule chose qui le fait tenir, c'est ses retrouvailles avec Ahloy, demain soir. Il se force à reprendre. « Mais je savais que tu étais en vie, en sécurité. » Reprend-il.

Pendant un instant, il fixe le regard du jeune homme. Il veut le déstabiliser, il veut lui faire comprendre qu'il n'est pas l'ennemi, qu'il l'a été, il y a longtemps, mais que depuis... il a grandit, mûri, appris. Jin espère que les choses vont changer, plus tard, qu'il sera pardonné, par l'intégralité du navire, mais il sait que ce n'est qu'un doux rêve. Il n'y a plus sa place, il ne l'aura jamais.

Il s'appuie contre son siège avant de servir le thé. Si Taiyo n'a pris l'eau de vie que pour lui, Jin tente d'être bien éduqué et de remplir leur deux tasses. Il ferme les yeux un instant en reposant la théière.

« Je » Il s'arrête, il n'arrive pas à dire ce qu'il a à dévoiler. Pourtant, il faut peut être mieux crever l'abcès, tout de suite. « Ma vie est déjà menacée, chaque instant, je ne suis pas là pour me plaindre, j'avais bien conscience de ce que je t'avouais en te donnant mon rang, j'avais osé espérer que » il ne termine pas sa phrase, encore. « Tu savais qui j'étais dès le début, n'est-ce pas ? » souffle-t-il en plantant son regard de braise dans celui de son voisin. Il essaie de lui dire par là, qu'il ne l'a pas dénoncé, pourquoi le ferait-il maintenant ?

Jin sait qu'il y a une raison qui pourrait le pousser à le trahir, mais il va tenter de garder ça pour plus tard, ou pour jamais. Il ne doit pas risquer de rater Ahloy, demain, à la caverne. Ils doivent se voir, sinon, Jin ne survivrait pas. Être enfermés, torturés, qu'importe, mais rater Ahloy ! Son coeur se serre et il soupire.

« Je suis venu en paix, je te le jure, je... j'étais un incroyable connard, imbécile, ignorant de tout, ces années-là. » Il détourne instinctivement le visage, comme pour cacher un passé peu glorieux. « Et j'ai beaucoup réfléchi depuis, mais je me doute que tu le savais déjà, sinon tu n'aurais pas pris soin de m'insulter autant, tu savais que tu ne risquais rien en me parlant ouvertement. » N'importe quel autre soldat ou officier l'aurait trahi et Taiyo serait mort sur le champ. S'il est en vie aujourd'hui, c'est parce qu'il s'est échappé, c'est parce qu'il a retenu ses piques au fond de lui et qu'il a joué au bon petit élève de la nation du feu. « Je m'excuse et je comprends que tu m'en veuilles, mais sache, que je n'avais pas le choix. Aujourd'hui, je l'ai. » Merde, en a-t-il trop dit ? Il attrape sa tasse pour boire un peu trop rapidement et manque de se brûler les papilles. Il aurait dû ne pas parler autant, juste s'excuser et s'enfuir, comme il sait si bien le faire.

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Il sait. Evidement qu’il sait. Par contre, comment aurait-il pu savoir que j’avais survécu ? Je me fige à ces mots, essayant de déterminer s’il se moque de moi ou non. Il est impossible que quiconque, en dehors des gens de confiances, sache que je suis vivant, à commencer par un petit soldat sans importance… Ou peut-être n’est-il plus un simple soldat ? Si ces paroles sont vraies, qui d’autre est au courant que je suis toujours en vie ? Et pourquoi le suis-je toujours aujourd’hui ? N’auraient-ils pas dû m’achever au moment où ils se sont rendu compte de leur erreur ? A moins que…

Serrant les poings, je dois m’obliger à respirer calmement et à chasser les idées qui affluent dans mon esprit. Il cherche à m’embrouiller, rien de plus. Comme à l’époque…

« En sécurité… comme si c’était encore possible d’être « en sécurité » où qu’ce soi… »

Les soldats du feu ont envahi tout le pays, toutes les Nations… Plus personne n’est en sécurité nulle part. Et je préfère mettre le doigt sur ce point plutôt que de rentrer dans son jeu. Non, il n’arrivera pas à m’embrouiller…

Il sert le thé et reprend la parole, cherchant ses mots. Si je sais qui il est depuis le début ? Je soutiens son regard, m’assurant qu’il voit bien les flammes dans mes yeux (façon de parler) : si je pouvais, je le carboniserai sur place…

« T’as peur, p’tit soldat ? J’essaie de comprendre c’que tu fous là exactement. Si vous comptez chercher misères par ici, vous risquez d’tomber sur un os. »

Oh ma menace ne pèse pas bien lourd au vue de mon état, mais elle n’en reste pas moins une. Il n’est plus que probablement pas seul…

L’homme assure être venu en paix, ce qui m’arrache un sourire narquois. Mais bien sûr…
Je l’écoute parler, jurant qu’il cherche à se justifier. Il s’excuse même, mais ses paroles me semblent pourtant brouillons… comme s’il manquait quelque chose, un élément dissimulé… autre que son prénom, bien sûr…

Alors que lui se brûle la langue avec le thé encore trop chaud, j’attrape la bouteille d’alcool et y bois directement au goulot. Qu’est-ce que je fous là, bordel…

« J’te parlais ouvertement parce que t’avais une tête d’escargot-paresseux, et c’est toujours le cas… »

Je ne devrais pas le chercher ainsi. Si ça se trouve, le reste de sa compagnie attend dehors pour me cueillir comme une fleur… mais alors pourquoi une telle mise en scène ?  Ses excuses me font bien rires. Il a pourtant l’air sincère, mais peut-être a-t-il enfin apprit à jouer la comédie avec le temps ? Dommage pour lui, il est tombé face à plus doué que lui à ce petit jeu là…

« T’arriverai presque à me faire pleurer. Mais si t’as pas réussi ton coup à l’époque, c’est pas aujourd’hui que ça va changer. »

Je bois enfin une gorgée de thé, lentement, et reprend.

« Raconte moi tout, p’tit soldat. Raconte moi comment l’incroyable connard imbécile et sans choix serait devenu plus éclairé avec le temps ? T’es toujours soldat, t’as toujours l’air con… A mes yeux rien ne semble avoir changé, pourtant…  »

Raconte-moi ton histoire. Eclaire ma lanterne.

Je veux qu’il parle, clairement, et tant pis si je joue ma vie une fois de plus. Comme il l’a si bien dit, je ne risque rien face à lui, n’est-ce pas ? Mon regard se fait défiant. Pire qu’a l’époque, ce n’est plus un gamin qui joue ici, mais bien un adulte, bien plus habile et sournois.

« Je t’repose la question : à quoi tu joues ? T’espère vraiment que j’vais t’croire sur paroles quand tu dis qu’tu t’excuse ? Que tu veux t’racheter ? J’veux bien croire que cette rencontre soit un hasard, mais ça s’arrête là… »

Un putain de hasard placé sous le signe d’une période maudite…

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Il est fort. Très fort. Je le savais déjà, je voyais déjà l'étincelle de vie qui s'animait dans ses yeux quand il n'était qu'un gamin et qu'il était emprisonné, plus bas que terre. Alors, aujourd'hui, mort pour la nation et libre, pourquoi serait-il moins fort ? Evidemment que je ne fais pas le poids, je ne l'ai jamais fait. Ses remarques tapaient toujours là où ça ferait le plus mal, déjà à l'époque il avait compris comment je marchais, comment je tombais dans tous ses panneaux.

Alors je laisse passer, je tente de ne pas réagir à ses piques, de ne pas acquiescer au faux sentiment de sécurité, ou à ses menaces. J'évite de crisper mes poings, de rougir ou de lancer des éclairs. J'ai le contrôle sur son pouvoir - normalement. Je dois tout faire pour rester calme. Pourtant, encore une fois, Taiyo vise en plein dans le mile.

« Aïe, touché en plein coeur. »

Je tente l'humour, pas sûr que ce soit mieux. Je ne maitrise par le sarcasme aussi bien que lui, et même si je le ferais, je suis pas certain d'y avoir le droit. Après tout, je suis le méchant repenti de l'histoire, lui c'est la victime. Même s'il doit détester ce terme et refuser de l'accepter.

« Pas réussi mon coup à l'époque ? Par les flammes » je m'arrête, l'expression m'a échappé, je regarde rapidement autour de moi, personne n'a l'air de suivre notre conversation et je n'ai pas parlé si fort « j'essayais simplement de te prévenir, je voulais pas te faire du mal. » Je dois reconnaître que je l'avais laissé sous-entendre, qu'en effet, je voulais le blesser. Mais ce n'était pas mon but premier, je jouais un rôle, tout comme lui. Enfin, non, Taiyo n'a toujours joué qu'un seul rôle : le sien. Il a toujours été droit dans ses bottes, fier de ce qu'il était. Contrairement à moi.

Soudain, j'ai l'impression que la conversation prend un autre tournant, que Taiyo me laisse le bénéfice du doute, qu'il accepte juste de m'écouter. Et je me rétracte, j'ai peur. Parce que si je parle, je suis foutu. Je ne peux pas être gagnant, dans tous les cas. Autant qu'il me déteste pour la vraie connerie que j'ai fait, pas pour l'autre.

« La rencontre est un hasard, ce n'était pas toi que je cherchais en ville. »

Au moins, ça, je peux le dire. Même si je ne pourrais jamais mentionner cette personne. Arg, pourquoi tout est aussi compliqué ? Je me passe une main sur les tempes, frottant pour tenter de me clarifier les idées. Peine perdue.


« Et si j'ai pas envie de parler, si j'ai pas envie que tu saches toute l'étendue de ce que j'ai fait ? Si j'ai pas envie que tu me juges avant même de savoir toute la vérité, mais que je suis incapable et interdit de dire la vérité ? »

Ok, c'est sûrement pire, mais c'est la première fois que dans ma voix, on entend la détresse. Mes accents ont un goût de supplication. Je m'appuie sur le dossier et relève les yeux de ma tasse. Je plonge mon regard dans le sien, toujours le même, celui d'un maître du feu qui ne se sent pas à sa place depuis le début de la conversation.

« Je ne sais pas ce que je cherchais en venant boire le thé avec toi, mais c'était une erreur. Tu as raison, on n'a rien à faire ensemble et clairement, t'as pas envie d'accepter mes excuses, et bien, très bien, reprend ta vie. Et pour ce que ça vaut, je tiendrai ma parole. Je ne t'ai jamais vu, je ne sais pas qui tu es et je crois que tu es mort il y a bien longtemps. »

Je devrais me lever, partir, m'enfuir, mais j'y arrive pas. J'ai envie de rester, envie de voir son visage s'adoucir, envie d'obtenir une main tendue. Il faut que je cesse de rêver, ça n'arrivera jamais. Il me hait, au plus profond de lui, il me méprise. Aucune rédemption n'est permise. Et d'ailleurs, je ne la mériterai pas. Je bois une nouvelle gorgée, me donnant pour excuse d'au moins finir le thé que j'ai payé.

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Il tente le sarcasme, du moins je crois ? L’alcool me monte déjà à la tête, rougissant légèrement mes joues pâles. Boire quand on est affaibli n’est pas une bonne idée, mais cela m’importe peu…

Lorsque j’affirme qu’il n’arrivera pas à me faire pleurer, comme à l’époque, cela semble le surprendre. Un sourire en coin m’échappe à son expression et au regard qu’il lance aux alentours afin de s’assurer que personnes ne l’a entendu. Oui, il est toujours bien un fils du feu…

Après avoir vérifié que personne ne s’intéressait à nous, il reprend en assurant qu’il voulait juste me prévenir et non me faire du mal. Mon sourire disparait et mon regard se fait à nouveau flamboyant. Je me redresse sur ma chaise et m’avance pour bien lui faire face, crachant ma réponse entre mes dents serrés.

« T'as annoncé à un enfant la mort de sa seule famille, que l’intention y soit ou non, tu n'pouvais que faire du mal. »

Je suis de mauvaise foi, pour le coup. Je ne pouvais pas resté dans l’ignorance de la disparition de mes grands-parents, il fallait bien que quelqu’un me prévienne… mais pourquoi lui ? Pourquoi ce jeune soldat avec qui je m’étais éclaté lors de mon isolement était venu me retrouver pour m’annoncer cette mauvaise nouvelle ? Pour moi, ça ne pouvait être que dans un but de vengeance, rien d’autre…

Je me calme et me rappuie sur le dossier de ma chaise, les poings serrés, servant un peu d’alcool dans ma tasse de thé avant d’y boire une bonne gorgée. Le soldat Shao confirme alors que notre rencontre est un hasard, sous-entendant qu’il cherchait quelqu’un d’autre en ville. Il pique ma curiosité, mais je n’en montre rien, gardant le silence dans l’attente qu’il continue. Les vapeurs d’alcool me font légèrement tourner la tête. Lui semble perdu, mal à l’aise, piégé… Et il fini par répondre sur un ton… étrange… La tasse proche de mes lèvres, respirant les vapeurs alcoolisées et fruitées, je relève les yeux sur lui et croise son regard. Ses mots me font rire intérieurement. Il ne veut pas que je le juge ? Je ne fais que ça depuis notre première rencontre… Un nouveau sourire en coin étire mes lèvres alors que je pose ma tasse. Je l’écoute parler sans réagir jusqu’au bout et, comme à l’époque, il fini par mettre fin à notre entretien sans pour autant bouger de sa chaise. Attendant qu’il pose sa tasse a son tour, j’y ajoute une rasade d’alcool. Lui n’en a pas encore bu vu que je me suis quelque peu accaparé la bouteille…  Le silence pèse un instant et je fini par reprendre la parole sur un ton blasé.

« T’as vraiment pas changé… En vrai, j’devrais t'remercier. Je n’aurais peut-être pas pu aussi bien jouer l’jeu en prison si j’n’avais pas pu me défouler un peu sur toi. »

Je vide ma tasse de thé amélioré d’une traite.

« J’tai toujours jugé, p’tit soldat. T’es qu’un petit mouton perdu parmi les loups. Tu t’déguises pour faire genre, mais tu restes un mouton malgré tout. »

Mon sourire à disparu, je m’adresse à lui avec sérieux, le regard dure malgré l’alcool qui le brouille quelque peu.

« Je n’accepterai jamais tes excuses parc’que t’as pas a en faire. Mais j’aime pas les moutons, c’est plus fort que moi… »

Mes mots ne se veulent pas spécialement blessants. Plutôt… explicatifs ? Comme si je cherchais à justifier mon animosité envers lui… Pourquoi ? L’alcool, très probablement…

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Il a raison bien sûr, mais ses mots me font quand même mal, parce que je le savais, j'avais conscience que ça le briserait, mais j'étais incapable de ne pas lui dire. Egoïstement sûrement. Je m'étais rangé derrière de belles paroles, seulement, au fond, je voulais aussi me venger. Ma relation - si on ose le terme - avec Taiyo a toujours été particulière. Un beau mélange d'intérêt et de colère. Je l'ai méprisé au début, parce qu'il était petit et que j'étais à peine plus grand, mais je ne l'ai jamais haï. S'il m'a fait du mal avec ses piques qui tombaient juste, je l'admirais presque d'avoir un tel répondant, dommage que ça retombait sur moi.

Quand je finis de parler, il me serre de l'alcool, dans mon verre. Et j'ai du mal à comprendre son geste, tente-t-il une amorce de pardon finalement ? Veut-il encore discuter avec moi ? Je ne lui laisse pas le choix puisque je n'arrive pas à quitter ma chaise. J'ai fait des erreurs, un bon paquet, mais j'ai envie d'avancer et d'être reconnu pour celui que je suis et non pas le traitre qui a failli couter la vie à tous ceux qu'il aimait. Et ça, normalement, il ne le sait pas encore. Et déjà, il m'en veut. Je suis foutu.

Sur mon visage surpris, un sourcil se relève plus haut que l'autre. Je n’accepterai jamais tes excuses parc’que t’as pas a en faire Il ne m'en veut donc pas pour le coup de la prison, peut-être la suite sera plus facile. Je bois une rasade et grimace, le thé sans alcool était meilleur, mais cela m'aidera sûrement à rouvrir la seconde plaie, celle que je dois avouer pour qu'elle soigne pour de bon.

« Je » commençai-je, indécis « je ne peux pas dire le contraire, comme toujours, malheureusement pour moi, tu as eu raison sur mon compte. »

Le pire, c'est que je l'ai vu agir et jouer avec le feu, il est - était à un moment de sa vie du moins - un pyromancien. Je n'ai donc même pas l'excuse de mon comportement par cette nation qui m'a brisé plus d'une fois. Puisque lui a réussi à s'ouvrir les yeux seul avant même d'être un adolescent. Et j'en ai honte, mais j'essaie de le cacher.

« Mais merci, ça me facilite la vie que je ne te doive pas d'excuse pour ... ça » dis-je d'une voix incertaine.

Vite, une autre gorgée qui me brûle la gorge de cette douleur qui fait du bien, car on ne se concentre plus que sur elle. Je repose la tasse un peu bruyamment sur la table. Si je veux lui montrer que je sais être courageux, il est temps de dévoiler ma dernière carte, celle qui va me clouer sur le piloris, car il y a de grande chance qu'il ne me laisse pas me justifier. Avec un peu de chance, s'il s'enfuit en courant, il ira se confier à Ahloy qui prendra ma défense ?

« Tu m'as demandé mon nom et j'aimerai que tu gardes en tête qui je suis avant de tirer des conclusions hâtives. » Est-ce déjà l'alcool qui parle, qui le pousse à tout dire ? Comment est-ce possible si rapidement. Son ventre se serre et ses pieds bougent inutilement dans ses souliers. « J'avais parfois de bonnes raisons d'agir comme je l'ai fait, garde-le en tête. » Il espère que ça va suffire, que ça va marcher. Serrés sur la tasse, ses doigts deviennent blancs trahissant son angoisse.

Et dire qu'il s'y est foutu dedans tout seul. Pitié que les habitants dans le café empêchent Taiyo de réagir trop brusquement.

« Mon prénom est Jin » soufflai-je juste assez fort pour qu'il l'entende. Il y a plusieurs façon de prononcer ce prénom, mais normalement, il reconnaîtra la façon qu'on utilisait sur le Cursed Lotus.

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L’homme boit malgré sa surprise face à mon geste. Un bref sourire sans joie passe sur mes lèvres lorsqu’il grimace, mais je redeviens aussitôt sérieux. Le soldat, lui, semble vouloir dire quelque chose sans savoir comment. Je le laisse à nouveau parler, hésitant à me resservir, mais alors que je m’apprête à tendre la main vers le thé ses mots stoppent mon geste : Pour ça… Pourquoi la façon dont il dit ça ne me dit rien qui vaille ?

Attrapant finalement la bouteille d’alcool, je hausse simplement les épaules, signifiant ainsi que je me fiche bien de ce que cela peut lui faire. Mais le soldat semble par contre bien nerveux, soudain, accentuant mon mauvais pressentiment.

J’avale une longue gorgée alors qu’il attise ma curiosité malgré moi. Il cherche à se défendre, mais je ne sais pas encore à cause de quoi, et cela m’inquiète, aussi…
Finalement, il lâche un nom. Son nom. Ou plutôt, son prénom.

D’abord surpris, je le regarde sans comprendre pourquoi il me sort ça comme ça. Puis, la pièce tombe, et mon corps entier se fige alors que les liens se font dans mon cerveau embué par la boisson : Jin… Je ne connais qu’une seule personne qui porte ce nom et je la hais sans même l’avoir jamais rencontrée. Mon expression change au fure et à mesure que l’information s’insinue en moi, passant de sérieux blasé à « c’est impossible, ça ne peux pas être lui… ». Ce fameux Jin, combien de fois ne me suis-je pas imaginé lui mettre un marron en pleine face si jamais je le rencontrais un jour. Il là, ce serait lui ? Le petit soldat obéissant serait le même qui a trahi ma famille d’adoption et blessé ma sœur de cœur ? En fait, cela n’est pas surprenant que ce soit la même personne… Il n’a fait que suivre les ordres, c’est tout ce qu’il sait faire, après tout…

Un long moment passe sans que je réagisse, puis je me lève d’un bon et l’attrape par sa blouse volée par-dessus la table, manquant de faire tomber théière, tasses et bouteille.

- Si vous voulez vous battre, c’est dehors !

L’injonction du maitre des lieux ne se fait pas attendre. Sans lâcher le soldat, je le flambe du regard et répond.    

« Avec plaisir ! »

Je le relâche en le poussant et me dirige aussitôt vers la sortie sous les regards courroucés et surpris de l’assemblée. Je ne suis pas en état de me battre, même face à lui (qui reste tout de même un soldat du feu…). Mais qu’importe. Quelles étaient les chances pour que ce petit soldat de mon enfance soit le même mouton qui ait trahis le Cursed ? Et il fallait que je tombe sur lui maintenant, alors que je suis blessé et à fleur de peau depuis des semaines ? Peu m’importe qu’il soit bien plus fort que moi tant que maintenant ou que le village nous voit nous battre, je n’ai qu’une envie : le réduire en cendres…

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Pourquoi ? Par les moutons-ornithorynque pourquoi ai-je donné mon prénom ? Il avait oublié sa question, il était passé outre, il avait avancé. Suis-je complètement masochiste ? En réalité, je le sais. J'avais envie que la vérité se dévoile, qu'elle tombe nue devant nous, qu'il n'y ait plus rien. J'avais envie qu'il comprenne, qu'il me pardonne. J'avais envie d'avancer. C'est un échec monumental, une erreur colossale et je ne la dois qu'à moi-même. Je ne peux pas me défendre, je n'en ai pas le droit. Alors, quand il m'attrape la blouse, qu'il me soulève je me laisse faire. Par contre, je crois que je suis un connard fini, parce que je suis soulagé de voir qu'il manque de force. Sa rage irradie dans ses yeux, mais ses muscles sont blessés et fatigué. Est-ce le destin qui me l'a envoyé sur ma route à ce moment-là ? Ai-je une minuscule chance de survie grâce à ça ?

On se fait virer du salon de thé, c'est normal. Et quelques personnes curieuses nous suivent dehors, la grosse majorité nous fait les gros yeux à la place. La bagarre ça ne résout jamais rien, dites-le au Seigneur du Feu s'il vous plaît.

« Taiyo attend » le supplia-je tout de même. J'ai une seule carte en main, je dois bien le lui faire dire. Il faut qu'il comprenne, il faut qu'il sache. Il n'est pas en état de réfléchir, il me hait, au plus profond de son âme. « Si je t'ai donné cette information c'est parce que je savais que tu étais sur le Cursed. » Je souffle doucement, seul lui peut m'entendre, seul lui peut me lâcher, me pardonner. Il n'a pas encore attaqué et je n'ai pas fait le moindre mouvement dans ce sens. Je me demande encore si je serais capable de le laisser m'assommer. Je mérite sa colère, c'est ma culpabilité qui parle, mais accepterai-je de me laisser passer à tabac sans me défendre ? « Et la nation du feu n'a jamais eu la moindre information sur le bateau, ils ne l'ont jamais retrouvé. » Bien sûr, j'ignore qu'il y a eu une attaque récente, j'aurai dû le savoir puisqu'il est blessé, mais mon esprit n'est pas en mesure de deviner ce que je ne sais pas. « Moi en tout cas, je n'ai jamais eu aucune nouvelle via eux. » Je lui transmets dans mon regard toute ma peur, mais mes yeux trahissent la vérité, je ne suis pas en train de mentir. Pour une fois. « Taiyo, je sais que tu étais sur le bateau, mais pas à cause d'eux. » Il faut que j'arrête de prononcer le nom de ma nation, de notre nation, même s'il l'a sûrement renié il y a de longues années. Enfin, j'abats ma dernière carte, je lâche mon dernier joker, après, je n'ai plus rien pour me défendre. Et je sens qu'il me ferait brûler tout entier. « Elle m'a pardonné, Ahloy, m'a pardonné. » Je prononce ce mot, et mon amour pour elle s'enflamme dans mon coeur. Je ne peux pas cracher ce prénom, je ne peux que l'entourer d'une affection immense. Je ne m'en remets pas encore de la chance que j'ai eu, de son pardon obtenu. Je me retiens de sourire, je ne veux sûrement pas qu'il croit que je me moque de lui. Et j'attends le premier coup.

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Tu en as oublié l’idée qu’une troupe de soldats t’attend peut-être dehors, ce qui n’est heureusement pas le cas. Certains clients vous suivent, espérant probablement un peu d’action. Jin, lui, te supplie d’attendre. Il essaie de s’expliquer, mais ses mots ne t’atteignent pas. Tu devrais pourtant te demander comment il sait pour le Cursed Lotus. Tu devrais te poser la question de savoir pourquoi il n’est pas surpris de ta réaction à l’annonce de son prénom. Au contraire, il s’attendait à ça…

Tu garde les poings serrés à t’en blanchir les jointures alors qu’il continue de parler, encore. Ton esprit refuse de formuler les questions qu’il faut face à la défense du soldat, du traitre ! Seul tourne dans ta tête l’histoire qu’Ahloy t’as racontée, un jour, et qui t’as horrifié. Tu te mets alors en position de combat. Qu’importe que les habitants vous voient vous battre à coup de flammes. S’en est trop pour toi. Tu satures pour de bon.

Jin prononce alors le mot de trop, ou plutôt le nom de trop : Ahloy. Cette fois, tu vois rouge.

« Comment oses-tu prononcer son nom ! »

Sans plus attendre, tu fais apparaitre un fouet de feu que tu envoie droit sur lui dans un mouvement raide. Tu n’es pas en état de te battre, aussi choisis-tu les techniques les moins prenantes physiquement parlant. Le fouet demande de la dextérité, mais vraiment de force… tant que tu reste au fouet simple, cela devrait aller.

Tu fais claquer une première fois tes flammes puis reprend, les dents serrées.

« Comment oses-tu parler d’elle après ce que tu lui a fait !»

Te ne poses pas les bonnes questions, mais tu t’en fiche. Il peut bien parler tant qu’il veut, en plus d’un d’être un mouton, il s’agit d’un traitre qui à blessé des personnes qui te sont chères. Il ne mérite pas d’être écouté…

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Tu as tenté, tu as échoué. C'est fini. Tu vas mourir ici. Et non, tu n'en fais même pas trop, mais clairement, vu la haine que tu remarques dans ses yeux, vu ses paroles si sèches qu'un braiser pourrait s'y enflammer, vu le fouet de feu qu'il fait jaillir... Tu te figes. Il est en train de faire une connerie. Il risque sa vie. Il ne peut pas faire ça. Parce que lui, il pourrait peut être tomber sur des gens compréhensif, il a sûrement un équipage près à défendre sa loyauté, il a un passé qui peut expliquer ce qu'il fait là et pourquoi il utilise du feu.

Mais toi, non.

Et vu son état, il est capable de te pousser à bout pour que tu fasses de même, te trahir, parce qu'il n'en a plus rien à faire. Nom d'un renne à pois, tu es fichu.

«  Taiyo, arrête immédiatement. »

Ton ton est sec, dur, violent. Tu y as mis de l'énergie, de la colère, de l'autorité.  Cela peut l'énerver encore plus, ou l'arrêter. Juste un instant, mais cela pourrait être suffisant. Tu tiens à ta vie, pitié qu'il tienne aussi à la sienne.

«  Prends une épée, et bats toi comme un homme. »

Tu n'as pas la tienne, elle est loin au camp, ce serait le meilleur moyen de te trahir, mais tu as appris à te battre avec tout ce qui est à ta disposition. Pendant des années tu as caché ta nature de maître du feu. Tu remontes les manches de ta tunique qui te gêne, même si tu n'as pas envie de te battre, tu n'es pas vraiment à l'aise dans cette tenue que tu n'as pas l'habitude de porter.

«  J'aurai aimé ne pas en arriver là, j'aurai aimé pouvoir parler calmement et posément, mais une fois que je t'aurai foutu une raclée, on pourrait peut être discuter ? »

Au fond de toi, tu sais que c'est mal et que ça ne va pas vous aider, mais tu es à bout. Tu n'avais pas prévu ça aujourd'hui, tu étais juste en repérage pour ton rendez-vous de demain soir avec Ahloy. Tu n'avais pas prévu de dévoiler toute la vérité, ni que ce soit aussi douloureux.

«  Allez approche toi qu'on en finisse. »

Tes poings sont prêts, ta posture est celle d'un guerrier et tu espères que ta sensibilité au feu te protègera de ses attaques, mais tu es en moins bonne posture que lui, c'est certain.

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Le traitre t’ordonne d’arrêter. Comme si tu allais écouter ses ordres. Par contre, tu hésite un quart de seconde lorsqu’il t’enjoint de prendre une épée et de te battre comme un homme. Abaissant légèrement le bras sans pour autant faire disparaitre le fouet de feu, tu ne peux retenir un rire sec et sarcastique.

« Parce que tu sais ce que c’est que d’être un homme, peut-être ? »

Tes mots sont virulents, tu les veux blessants. Fini de s’amuser. Fini les enfantillages. C’est lui ou toi, cette fois…

Le soldat continue de parler tout en prenant une posture de combat. Il veut y aller à mains nues, il espère avoir le dessus pour que tu l’écoute enfin. Les gens autour de vous regardent la scène avec effrois, mais tu ne le remarque pas. Jin veut que tu approches, mais il n’en est pas question. Tant pis pour lui s’il refuse d’être à armes égale, c’est son problème, pas le tiens. Relevant à nouveau le bras, tu lance ton fouet droit sur lui. Sauf que ton corps te trahis et ton fouet manque largement sa cible… Une soudaine douleur te traverse le bras et tes flammes disparaissent aussitôt, mais tu n’as pas dis ton dernier mot. Prenant à ton tour une position de combat, tu remplaces le fouet par une dague de feu.

« Une lame de feu reste une lame, n’est-ce pas ? »

Malgré ta faiblesse, malgré la douleur, tes mots sont emplis de sarcasme et de colère. Tu ne raisonnes plus clairement… tu ne raisonnes plus du tout…

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Il rit, mais ce n'est pas drôle et la joie ne contamine pas son visage. Il n'arrive pas à s'arrêter, à reprendre consistance. Il n'arrive pas à aller au-delà de sa haine. En réalité, tu le comprends, si la situation avait été inversée, tu n'aurais certainement pas pu non plus. Tu ne laisses pas ton esprit divaguer, tu ne te concentres que sur lui, même si tu ne peux pas te servir de ton feu, tu ne peux pas le laisser te pousser à bout et risquer ta vie. Demain, tu vois Ahloy. C'est la seule chose qui te permet de tenir et de rester maître de toi-même.

Il lance son fouet et rate son attaque, tu es soulagé un instant pour toi-même, puis tu vois la rage se manifester chez lui. Taiyo est blessé, tu l'avais remarqué, mais c'est encore pire. Il s'en veut de ne pas réussir, ses attaques risques d'être de plus en plus décousues et violentes. C'est donc à tes risques et périls.

«  Mais ça reste du feu. » grognes-tu.

A cette distance, tu ne sais s'il t'entend, il ne veut pas s'approcher, tu ne veux pas risquer ta vie, donc tu fais de même. Pourtant, tu sais que ça n'augure rien de bon. Tu as presque envie d'éblouir les spetacteurs inopinés d'un écran de fumée, mais tu dévoilerais ta maîtrise, alors tu n'en fais rien. C'est là que tu comprends : tu ne fais strictement rien.

Tu fermes les yeux, un quart de seconde avant de prendre une grande inspiration et te mettre en danger. Tu cours - tu voles presque - dans sa direction. Il a le temps de te voir venir, mais tu espères le déstabiliser un peu, tu passes derrière lui avant de poser ton arme contre sa gorge. Vous êtes prêts, d'un coup de son arme il peut te brûler, tu chuchotes à son oreille.

« Je me suis déjà brûlé avec le feu, tu le sais, arrête avant qu'il ne soit trop tard. »

C'est sûrement une erreur monumentale, mais tu n'as plus envie de jouer. Tu risques de brûler, tu risques une blessure grave, mais tu espères qu'il ne va pas te tuer, là, maintenant, tout de suite. Tu espères qu'il va revenir à la raison. Et puis, la pointe de ta lame brille sur sa gorge et s'il prend une trop longue inspiration, une goutte de sang risque de jaillir.

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Le soldat grogne des mots que tu ne saisi pas. Il reste immobile malgré ton attaque, comme s’il attendait quelque chose. Toi aussi, tu attends, n’osant pas approcher de peur de te faire avoir.
Et puis, soudain, il bondit. Et il est armé…

Ralenti par la douleur, et surpris, tu n’as pas le temps de réagir qu’il se retrouve derrière toi, sa lame appuyée contre ta gorge. Tu savais n’avoir aucune chance, mais tu n’en boue pas moins de frustration venant se mêler à la haine et à la colère. Il te murmure à l’oreille, t’enjoignant d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Il s’est déjà brûlé avec le feu, tu le sais. Ss mots t’arrachent un sourire alors que ta lame de feu s’approche dangereusement de son flanc.

« Et j’ai déjà frôlé la mort à plusieurs reprises, tu l’sais… »

Pourtant, tu ne veux pas mourir. Raison probable pour laquelle tu ne le transperce pas de tes flammes, de peur que sa lame t’égorge malgré lui… Parce que quelque chose te dit qu’il ne finira pas le travail volontairement…

Le souffle court, tu fermes les yeux, tout sourire désormais disparu. Tu ne bouges pas, le menaçant autant qu’il te menace. Ton cœur bat à tout rompre dans ta poitrine.

« Trop tard pour quoi ? Aurais-tu du scrupule à m’tuer, p’tit mouton ? »

Le narguer est la dernière des choses a faire, d’autant que tu pourrais te retourner la question… Tu l’as à porté de flamme, il te suffit d’un geste, mais, en plus de la peur du faux mouvement, le nom d’Ahloy semble te bloquer. Comment peux-tu croire un instant ses mots ? Comment aurait-elle pu lui pardonner ? Et pourtant… tu doutes… Voilà ce qui retient aussi ton geste. Alors, tu le cherches, qu’il te donne une dernière bonne raison de l’achever, quitte à risquer ta vie. Tu joue avec celle-ci, comme tu l’as toujours fais…

Tu respires à peine, ta main tremble, faisant vaciller tes flammes, tes yeux rouverts fixent un point au loin. Tu poses doucement ta main libre sur la sienne, celle qui maintien ta vie à un fil de lame effilé.

« Vas-y, p’tit mouton. Imagine les honneurs que tu r’cevras pour avoir ramené la tête d’un traitre à sa Nation présumé mort. Et, surtout, donnes lui une raison d’te haïr encore plus. »

Pas besoin de préciser de qui tu parles, il le sait, tu en es certain. Il ose user de son nom pour se protéger, voyons voir s’il tiendra son mensonge, auquel cas plus rien ne t’empêchera de le tuer…

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Donne-moi une seconde chance.
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Il s'arrête, s'immobilise, surpris de ton action. Pourtant, il ne devrait pas s'être fait avoir, il te savait déjà soldat quand il était gamin, il savait combien tu t'étais entraîné dur, puis combien tu as continué à faire la guerre alors que tu ne le voulais pas. Rien que pour ça, il aurait pu se douter de ta force mentale et physique. Puis tu songes au Cursed Lotus, ce n'était pas une vie facile, et vous avez du vous battre et vous entraîner souvent, mais ça reste les années les plus douces - ou plutôt les moins traumatisantes et brutales - de toute ta vie. Et ça, il devrait le savoir vu où il a vécu avant.

Alors il reprend le dessus avec ses mots, ça a toujours été sa meilleure arme et t'es toujours tombé en plein dedans. Il savait te faire sortir de tes gongs et tu as failli plonger, mais tu te retiens. Tu parleras après, c'est bien plus sûr.

Tu te détestes de faire ça, mais c'est la seule façon de le faire lâcher prise sans le tuer. Tu as repéré sa jambe abîmé et tu tapes dedans. Pile poil où ça fait mal, où la douleur risque de lui faire abandonner ses flammes. Il s'écroule au sol et tu le retiens avant qu'il ne tombe. Sa tête ne heurte pas le sol, et tu le soutiens en enfermant ses mains. Ton arme a retrouvé sa place sur ta cuisse et tes deux mains sont libres pour le bloquer. D'extérieur, t'as l'air de le soutenir, de près, il sent bien que ses bras sont bloqués et qu'invoquer le feu risque d'être compliqué.

« Evidemment que je ne veux pas te tuer, crétin. Elle ne me pardonnerait jamais ça. Désolé pour la douleur, mais tu ne m'as pas laissé le choix. »

Il risque d'avoir du mal à ne plus t'en vouloir, tu as sûrement aggravé ton cas auprès de lui, mais au moins, aucun de vous n'est mort.

« Je dois te rappeler ce que je t'ai dit au début ? Pourquoi j'avais envie de parler avec toi ? Je voulais que tu me pardonnes Taiyo, je sais maintenant que cet espoir est vain et que tu ne voudras jamais le faire. » Tu inspires doucement pour calmer la douleur qui bat dans ton coeur, seule Ahloy a pu faire une telle chose, et tu savais déjà que personne d'autre sur le bateau ne pourrait faire de même. « Mais te tuer n'a jamais fait parti de mes plans. » Tu soupires, las de cette situation qui n'aura jamais de fin. « Je peux te lâcher avant que la foule nous tombe dessus et décide de t'exécuter comme maître du feu ? Et... sans que tu me tues ? J'ai encore envie de vivre, je t'avoue. » Ton sourire prend un teinte amère, vu comment tu le tiens, il y a moyen que Taiyo ne puisse pas lire sur tes traits, mais ta voix... il y a une certaine honte dedans. Tu ne mérites pas de vivre, tu le sais, des erreurs tu en as fait des centaines, les morts par ta faute sont bien trop nombreux pour que tu puisses te pardonner, mais demain... demain tu vois Ahloy. Et tu veux qu'elle le puisse te retrouver.

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Donne-moi une seconde chance

Début du 5ème mois de l’année 52 de l'ère de Ri Wu
Très peu de temps avant [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].

Un vrai bleu… Tu t’es fais avoir comme un bleu, tu le sais, et tu en redemande... Il garde le silence un moment, puis frappe. Pas là où tu l’attendais, mais là où ça fait mal. Tu ne peux retenir un petit cri de douleur. Tu perds ta concentration alors que ton corps bascule, ta jambe blessée se dérobant sous le coup, mais il te retient, t’empêchant de tomber. Ton arme de feu disparait et il t’immobilise, prenant enfin la parole. Il confirme ne pas vouloir te tuer et s’excuse pour la douleur. Les dents serrées, tu lui réponds sur un ton sec.

« Gardes toi tes excuses ! »

Des larmes de rages coulent malgré toi sur tes joues. Plus rien ne va pas depuis ce jour… depuis la disparition de Meixing… Les choses vont en s’empirant, tant à terre que sur le navire. Et ce petit crétin vient en rajouter une couche… la couche de trop…

Le soldat reprend la parole, ré-étirant le fait qu’il voulait juste ton pardon. Il n’en avait pas besoin, tant que tu ignorais son identité, mais il à raison désormais : jamais il ne l’obtiendra pour ce qu’il a fait à Ahloy et aux autres.

Tu te laisse tomber à genoux alors qu’il affirme que te tuer n’a jamais fait partie de ses plans et te demande s’il peut te lâcher sans que tu n’essaie de le tuer. Tremblant, tu reste silencieux un instant avant de baisser la tête en signe d’approbation, abandonnant toute résistance. La foule t’importe bien peu, ce ne serait qu’un problème parmi tant d’autres…

Tu attends qu’il te relâche et serre les poings sur tes cuisses, les larmes coulant toujours sans que tu n’arrive à le retenir. Tu n’es pas certain de réussir à te relever, mais tu t’en fiche. Tu es bien, au sol…

Prenant une grande inspiration, tu relève la tête vers Jin, le regard flamboyant.  

« T’as vraiment pas de cran, p’tit mouton… »

Les mots sont tout ce qu’il te reste. Ca a toujours été ainsi, et l’autre a surement fini par le comprendre… Le surnom lui restera probablement à jamais, en ce qui te concerne. Tu espère bien que cela le gêne.

Vacillant, tu finis par te relever en évitant d’appuyer sur ta jambe douloureuse. Tu essuies tes joues d’un revers de manches, ignorant totalement les gens qui vous entourent. Qu’ils te lynches s’ils le désirent, tu ne peux de toute façon rien contre eux vu ton état actuel…

« Si nous venons à nous r’croiser un jour, n’espère pas qu’je t’épargne… T’as eu d’la chance aujourd’hui, les circonstances étaient en ta faveur… Je f’rai en sorte que ce n’soit pas le cas la prochaine fois. »

Tu sors ces mots en lui faisant face, une main agrippée à ta jambe. Toute la colère, la tristesse, la haine, le dégout, le désespoir que tu accumules depuis si longtemps, tu comptes les déverser sur lui si le destin le remet une fois de plus sur ton chemin. Parce qu’il le mérite, et toutes les excuses du monde ne lui serviront pas face à la vague que tu lui réserve...

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Donne-moi une seconde chance.
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Tu sais. C’est écrit dans ses yeux, humide de larmes de rage, que jamais Taiyo ne pourra faire la paix avec toi. Votre enfance, son emprisonnement, sa haine de la nation du feu, tout cela, il pouvait passer outre, tu l’avais bien compris, même si ce n’était pas de gaité de coeur. Par contre, la douleur de la, trahison qu’on vécu les autres à cause de toi, ça, il ne te le pardonnera jamais.

Et ce sentiment te brise le coeur, si lui, qui n’a pas vécu directement l’élément, t’en veux à ce point, comment les autres pourraient réagir ? Tu sais qu’il va parler, qu’il va aller les confronter et tu espères qu’Ahloy va faire comme si de rien n’était, qu’elle ne va pas tenter de te protéger, car elle ne mérite pas cette déferlante de colère. Il faut qu’elle ne pense qu’à elle. Tant pis si tu ne peux plus jamais remettre le moindre orteil sur le bateau. L’émotion te serre la gorge.

« T’as vraiment pas de cran, p’tit mouton… »

Et là, malgré tout le calme dont tu essaies de faire preuve depuis le début, malgré ta connaissance de combien Taiyo aime agir par ses mots qui sont sa dernière arme, tu vois flou. La colère remonte en toi, tu as essayé d’être un adulte, tu as tout fait du mieux que tu as pu, mais cette rage en toi n’a jamais cessé d’existe depuis ta tendre enfance, si Cheng puis Ahloy ont réussi à la canaliser pour t’aider à être une homme meilleur, tu restes faible malgré tout face à ton sentiment d’injustice profond.

Alors tu exploses en un cri de rage.

« PAS DE CRAN ? Mais je veux éviter que tu MEURS par ta faute, alors que t’essaies de m’envoyer six pieds sous terre, tu me hais, ok, mais j’essaie de racheter mes erreurs. J’y peux rien si toi t’as été parfait depuis que t’as six ans, ok ? On a pas tous pris le même chemin !  »

Tu as envie qu’il comprenne, qu’il s’en veuille un peu, mais ça n’arrivera jamais, parce qu’il a été un héros dès son plus jeune âge et qu’il ne comprend pas ceux qui n’ont pas pu ouvrir les yeux plus tôt.

« Un jour, j’espère que tu auras conscience de la vérité et que c’est toi qui me présentera des excuses. »

L’échange de regard est froid comme l’hiver, glacé même. Des deux maîtres du feu, aucun ne veut lâcher prise, mais ils ne s’attaquent plus, ils sont debout. Et des pas se rapprochent. Dans les foules, il y a toujours un courageux, un plus hardi qui vient s’assurer que c’est terminé une fois qu’il n’y a plus de risque pour lui, bien sûr.

« Tout va bien messieurs ? » demande l’homme en te regardant toi. Tu es celui qui a gagné le combat, mais sans utiliser ta maîtrise, Taiyo va-t-il avoir des ennuis ? Et toi, vas-tu pouvoir t’enfuir, Taiyo peut te trahir encore, il peut leur dire la vérité à ton sujet, tu l’as battu, mais son pouvoir, ce sont les mots et il en connait bien trop à ton sujet pour rester silencieux. Alors tu reprends la parole, avant lui. « Tout va bien, nous allons nous séparer, cet homme n’est pas mauvais au fond, il se croit juste meilleur que tous. »

Tes mots sont amers, parce que criant de vérité. Tu le sais au fond de toi, qu’il est meilleur que toi. Cela au moins est la vérité. Et, sans un regard en arrière, tu fuis. Une fois hors de vue des passants, tu te mets à courir. Tu as repéré les lieux, ta mission est terminée. Elle n’en est que plus dangereuse pour ta rencontre de demain, mais tu ne peux pas changer le lieu de rendez-vous, alors tu cours, espérant que Taiyo en parlera à Ahloy avant de les mettre à tes trousses, il ne te croit pas, mais prendrait-il le risque de la blesser malgré lui ?

C’est sur ces pensées que tu arrives au sein de l’armée, deux heures plus tard. Essoufflé, brisé et les larmes au creux des yeux.