Tu détestes le froid, Shohei.

Fils du Feu sans sa maîtrise, tu as toujours eu l'habitude de baigner dans le climat tropical de l'archipel. Alors que l'hiver peut frapper durement les autres régions, glacer les terres des autres royaumes, il ose à peine vous effleurer, comme s'il savait qu'il n'était pas le bienvenu chez vous. Comme s'il savait que d'un souffle irrité, les Fils du Feu pourraient l'effacer, l'anéantir.

Tu as souvent froid, désormais. Un effet secondaire irritant de la sorcellerie, tu en es conscient. L'énergie glacée des morts, l'emprise gelée du ressentiment. Là où l'énergie spirituelle réchauffe, la sorcellerie vole le peu de chaleur que des corps mortels possède. Tu le sais. C'est un prix à payer bien faible à tes yeux, pour les prodigieux effets de la sorcellerie. Que valent quelques frissons, face à une armée qui ne peut plus mourir à nouveau ? Pour la (ta) gloire, pour ta nation, quelques degrés sont peu chers payés.

Ça ne t'empêche pas de frisonner, dans ces terres du Nord du Royaume, vos colonies. Ou peut-être ce terrain précis n'est-il pas encore officiellement conquis, non, car tu t'es aventuré probablement un peu plus loin que ce que tu penses être votre frontière définie...mais ça ne saurait tarder. Quelques mois, quelques années ? Tu aimerais dire moins, mais tu t'es fait une raison. Ces sauvages offrent plus de résistance que tu ne l'aurais cru, tu peux l'admettre. Une ténacité dignes de cafards. Quand apprendront-ils enfin à lâcher ces ruines de villages fumants, à quitter ces terres que vous seriez bien plus aptes à exploiter ? L'obstination de ces peuples primitifs te désole.

Le soleil se couche sur l'horizon, tandis que tu avances dans ces terres mi-familières, mi-étrangères. Un terrain privilégié d'expérimentation depuis plusieurs années, car dans les colonies, tu peux te permettre des manœuvres qui te vaudraient trop de regards effrayés de la part de citoyens. Enfin, toi, personnellement, tu n'en as cure. Mais tout ne tient malheureusement pas qu'à toi, et tu as appris à penser aux conséquences de tes actions. Tu ne veux pas être enfermé à nouveau, Shohei. Alors, oui, tu es un chien en laisse, mais tu es libre. Tu tireras sur ta maudite laisse autant que tu pourras.

La neige craque sous tes pas, et tu frissonnes un peu plus. Tu es habillé chaudement dans un manteau de couleur sombre, exprès, mais il n'empêche que tu n'es vraiment pas habitué à cette météo. Ton coeur se languit de Chung-Ling et sa chaleur moite. Mais à Chung-Ling, les corps à réanimer ne sont pas légion.

Le Sud te manque. Même le Sud du Royaume de la Terre aurait pu faire l'affaire, tu penses, mais, ah. Peut-être es-tu trop prudent, Shohei, mais la défaite à Omashu reste amère, et trop de gens patrouillent dans le Sud du Royaume, avec les Tribus de l'Eau sorties de leur silence – et oh, comme ils t'intéressent ces nouveaux individus, comment avez-vous pu ignorer ces gens tout ce temps ? ont-ils développé d'autres capacités que ceux vivant dans les pôles ? – tu sais que ce serait trop risqué de faire une démonstration de force, là, surtout seul. Oh, tu aurais pu amener des disciples avec toi, si tu l'avais vraiment voulu, mais tu aurais dû défier ton frère et ton oncle pour ça, et tu n'en avais pas envie. Non, tu ne vas pas mener une attaque sur un coup de tête, mais si l'envie te tiraille.

Non, tu cherches surtout à expérimenter. Tester tes limites. Tes zombies réanimés n'arrivent pas à tenir plus de dix minutes avant que tu ne t'épuises. Enfin, plus, si tu te concentres sur un seul. Tu es certain qu'il te faut simplement de la pratique. Après tout, n'es-tu pas déjà un bien plus grand maître que tu ne l'étais il y a quelques années ?

Tes pas s'arrêtent dans ce petit cimetière de village. Les pierres, songes-tu avec un claquement de langue mécontent, sont vraiment un problème embêtant, chez ce peuple. Et bien, tu peux tenter de voir si tes zombies sont suffisamment forts pour la briser. Tu as déjà pu y arriver, par le passé, mais ce n'est pas systématique, et la pratique rend parfait.

Main posée sur une des tombes, tu sens la pierre glacée absorber un peu plus le peu de chaleur qu'il te reste. Tu fermes les yeux et appelles à toi l'amas de chair et d'os, l'énergie normalement tranquille qui repose là. D'un geste dédaigneux, tu brises et jettes les offrandes. Alcool, fruits, encens. Non, tu ne laisseras pas cette âme tranquille. Elle est tienne.

« Réveille-toi ! »

Tu le sens, ce moment, où tu parviens à tirer l’âme du défunt vers toi. Tu sens son aigreur, sa colère, son indignation, à ton geste. À ta désacralisation. Tu saisis cette noirceur, l’enroules autour de ta volonté. Lui renvoies ton propre dégoût, ta propre haine. Ta chaleur mortelle, faible qu’elle soit. Maître sorcier, tu plonges ton énergie et ta magie noire dans ce corps récalcitrant, ces membres rigides qui ne veulent pas t’obéir.

“J’ai détruit tes offrandes. J’ai détruit ta tombe. Ta famille ne pourra plus venir te pleurer.” assènes-tu, cruel, sans pitié pour cette créature que tu veux aussi gorgée de haine que possible. Plus odieux le crime, plus odieuse la bête.

Tu la sens, cette énergie qui te répond, ce fil qui se tend et se tend. Bientôt, la résistance craquera, songes-tu avec une joie proche du délire. Bientôt le mort sera tien.

Et puis, une voix, inattendue. Ta concentration vacille, craque, et c’est tout ce qu’il suffit pour que le corps cesse d’être réanimé. Retombant dans la terre, bouche ouverte comme dans un dernier soupir, membres comme des chiffons. Soulagé de pouvoir retourner à son profond sommeil, soulagé de t’échapper.

Le tourbillon se retrouve sans prise en toi. Sans victime à part ta propre personne. La tempête fait rage.
Tu te retournes pour jeter un regard furieux à l’intrus. Ton anneau-foudre étincelle à ton index, éclairant la scène d’un éclat violet sombre.

“Paysan, sais-tu ce que tu viens d’interrompre ?” demandes-tu, voix serrée, rage enfouie dans ton coeur. Tu devras tout recommencer. Et pas certain que le corps se laisse faire, cette fois. Il résistera, c’est presque sûr.

Tu te relèves lentement, l’énergie du ressentiment ayant glacé tes os au point où tout mouvement te donne la sensation que tu dois briser de la glace accumulée autour de ta chair. Tu sais qu’il n’en est en réalité rien - mais la sensation reste là.

Tu toises du regard l’intrus. Probablement un paysan du Royaume de la Terre. Un cafard de plus, qui ne mérite pas de vivre. Qui viendrait donc prier dans un tel cimetière ? Certainement pas quelqu’un de la Nation du Feu.
Et pourtant, pourtant...

Suivant ton intuition, d’un geste rapide du poignet, Hundun s’enroule autour de l’intrus, et à travers le fouet (qui ne cause que de légères décharges électriques, à ce stade), tu sens l’énergie yang. Pas un cultivateur, non, pas un de ces prêtres honnis. Mais quelque chose qui t’a toujours fait envie, t’a rempli de jalousie.

Un élémental ?

“Tu peux peut-être servir.” fais-tu pensivement, toisant l’étranger.

Tu regardes ce cafard, fasciné. Un nouveau jouet, une nouvelle bestiole, qui tient ton intérêt pour au moins quelques secondes. Ton anneau-foudre serré autour de l’homme, tu observes celui-ci d’un regard froid, analytique. À travers le fouet, tu ne peux pas distinguer exactement quel type d’humain est l’homme. Enfin, quel type d’élémental, plutôt. Mais il est plus que probable qu’il s’agisse d’un élémental terre, dans ces contrées. Tu serais très déçu que ton oncle envoie une masse de colons élémentaux feu loin de votre archipel. Certes, c’est nécessaire pour agrandir votre nation, mais mêler votre sang à ces moins que rien ? Tsk.

D’un geste du poignet, tu attires l’énergie du ressentiment à toi. Faible, plus faible que tu ne le voudrais, car l’imbécile t’a interrompu, brisant ta concentration. Mais dans un cimetière, il y a toujours de l’énergie du ressentiment, même en petite quantité. Et la tempête enchaînée en toi est toujours présente. Tirer sur tes réserves pour que de la brume noire se forme entre tes doigts ne te demande pas beaucoup d’effort. D’une pensée, tu façonnes l’énergie en forme de lame, comme un poignard fait de fumée sombre. Tu relèves le menton de l’homme de sa pointe. Le sang perle légèrement de sa peau, nourrit l’énergie du ressentiment, rend le poignard un peu plus solide, un peu plus tranchant.

“Qu’es-tu, paysan ? Quelle magie maîtrises-tu?” demandes-tu dans un murmure, adorant cette frayeur et cette colère que tu lis dans ses yeux.

Le cafard essaie de se débattre, sans réussir. Il est vaillant. Mais c’est inutile. Hundun ne fait que se resserrer, et envoyer davantage de courant électrique. Plus il se débattra, plus le fouet se fera cruel.

Techniquement, tu pourrais déchirer sa chair ainsi. Ton fouet est assez puissant pour le découper, membre après membre. Mais c’est salissant. Tu n’as pas exactement envie de retrouver avec des bouts de boyaux au doigt. Et puis l’odeur de chair brûlée, électrocutée...pas ce que tu préfères.

Et puis, dans un geste qui te surprend quelque peu, le cafard parvient à utiliser sa maîtrise. Tu t’attendais à ce que la terre tremble sous tes pas, mais c’est une dague de feu – équivalent brillant, tellement plus brillant que ton poignard de fumée sombre, après tout, Shohei, qu’as-tu fais de ta vie si ce n’était essayer désespérément d’atteindre ce soleil ? – qui surgit d’entre ses doigts, et les flammes foncent vers toi. Tu relèves à temps ta dague pour éviter le coup, l’arme d’énergie de ressentiment hurlant des cris des morts au contact. Tes yeux s’étrécissent, et tu serres les dents, mécontent de ce retournement et profondément jaloux.

(Pourquoi ce cafard et pas toi ? Pourquoi ce cul-terreux et pas toi, petit-fils d’un Seigneur du Feu ? Pourquoi peut-il baigner dans la lumière du soleil et pas toi ?)

Tu recules de quelques pas, pour ne pas être attaqué à nouveau. D’un geste brusque, agacé, tu rappelles ton fouet à toi, jusqu’à ce qu’il reprenne sa forme d’anneau, inoffensive. Les étincelles de Hundun trahissent ton véritable état d’esprit, ton mécontentement, alors que ta voix se fait traînante, indifférente, nonchalante. Tu ne salues pas, car élémental ou non, ton rang reste supérieur à ce cafard.

“Oh, un colon. Mes excuses, je n’attaquerai pas un autre fils du Feu.”

Ou du moins, tu n’attaquerais pas un fils du Feu loyal à sa Nation. Mais cela, tu le tais.

Rien ne tourne comme tu le souhaites, et tu réprimes avec difficulté un cri de frustration, ou un coup de fouet en pure réponse énervée face à l’autre homme. Ton rituel de nécromancie, interrompu, et l’énergie du ressentiment qui coure en toi, ne fait que siffler que tu devrais abattre ce vaurien, que le tuer ne serait que la punition méritée, qu’il ne manquera à personne de toute façon, que...

Avec difficulté, tu fais taire les voix qui crient meurtre et vengeance, se mêlent à tes pensées, s’y superposent.

Tu l’observes, ce cafard, et tu vois la peur, l’incrédulité dans son regard. Les disciples du Temple restent peu déployés en-dehors des champs de bataille, et récolter des ressources pour fabriquer vos pierres et anneaux ne vous demande pas de manifester des armes d’énergie du ressentiment. Peu de civils savent ce que vous faîtes réellement, savent seulement votre sinistre réputation. Secte de sorciers et nécromanciens, assassins et magiciens contre-nature, le Temple brille par sa noirceur.

Les excuses, peu sincères, tombent de tes lèvres, et retiennent l’homme qui aurait sans doute fui, si tu n’avais pas parlé. Tu le vois surpris, et tu te demandes à moitié s’il s’agit là d’un métis. Un de ces enfants du feu au sang souillé par la terre, un produit que tu dénigres mais que ton grand-père et ton oncle estiment nécessaire pour le futur de votre grande nation. Si on te demandait ton avis, ces engeances ne devraient pas arriver. Elles ne font qu’avilir votre nation avec des citoyens incultes, qui ne devraient jamais bénéficier des mêmes droits que vous.

Tes sourcils se haussent à la question qui êtes-vous, et un éclat de rire dédaigneux t’échappe.

“Qui je suis ?” répètes-tu, ne pouvant cacher l’irritation, l’indignation dans ta voix. “Sakai Shohei, grand maître du Temple du Soleil pourpre, petit-fils du Seigneur du Feu Sozin.” Tu retiens le vous enseigne-t-on au moins la généalogie de la famille royale dans les colonies qui veut sortir de ta gorge. Inutile. Pour toute la fierté que tu as, tu sais pertinemment que les Sakai sont une tache dans l’arbre généalogique. On n’apprend pas l’histoire des bâtards dans les manuels d’histoire sauf quand les bâtards deviennent des rois et des princes puissants. Ou des assassins trop jaloux de rois ou de princes.

(Dans une autre vie, si le destin n’avait pas été si cruel avec toi, tu aurais pu te présenter en tant que Prince Shohei.)

“Et à qui ai-je affaire ?” demandes-tu, bras croisés, Hundun donnant une légère aura mauve à l’environnement. Tu peux au moins admettre que le cafard a du courage. Il a réussi à t’échapper, n’a pas fui et te fais face, dos droit. Pour ça, au moins, tu peux le respecter.

L’autre homme te surprend toutefois quand il te demande ce qu’était la lame noire. Tu l’inspectes plus sérieusement, te demandant si tu l’as peut-être sous-estimé. Peu de gens oseraient poser la question, sentant l’énergie noire et voulant s’en éloigner le plus vite possible.

“Une arme d’énergie du ressentiment.” expliques-tu, te sentant d’humeur si pas agréable au moins un peu plus accommodante. “Je peux façonner la haine et la rancoeur des morts, créatures, esprits ou humains pour en faire ce que je souhaite.” D’un geste paresseux, tu désignes votre entourage : un cimetière. “Ma matière première.”

Faire ce que tu veux de l’énergie du ressentiment n’est peut-être pas tout à fait vrai. Il y a certainement des limites à ce que tu peux faire avec, au risque d’être toi-même complètement dévoré par elle et finir toi-même une de ces créatures, plus démon qu’homme. Mais façonner des armes, des boucliers,...à peu près tout ce que cet autre homme peut créer à partir du feu, tu le peux avec l’énergie de la haine.

Les esprits savent à quel point tu en as en réserve.

Un soupçon de plaisir manque d’étirer tes lèvres quand tu vois l’homme pâlir en entendant ton nom et s’incliner, de façon satisfaisante. Ah. Donc il sait qui tu es. Ou du moins qui est ta famille. Ou peut-être bien que seul le nom de ton royal grand-père a compté. Peu importe : le respect est là, et c’est le plus important. Les colons ne sont donc pas une cause totalement perdue. Il y a peut-être encore un peu d’espoir pour la conquête de ces terres incultes.

Mais tu retiens l’arrogance que tu ressens à avoir ton nom reconnu. Elle serait...peu élégante, probablement. Tu te sens d’humeur magnanime devant la marque de respect. Même si ta mauvaise humeur est toujours là, elle est atténuée, désormais que ton ego est flatté. Ah, Shohei, quelle créature vénale tu es.

Tu inclines légèrement la tête, en signe que tu reconnais l’erreur de l’homme.

“Ma famille ne se rend pas très souvent sur ces terres. La confusion est...compréhensible.”

Après tout, ce n’est pas comme si vous portiez les insignes princiers qui vous reviendraient si vous aviez été reconnus comme des Hino. Et les Sakai, avant ta grand-mère, n’ont jamais été une grande famille aux insignes connus. Si vous les arborez, c’est en privé, ou de façon discrète. Azulon est déjà assez méfiant vis-à-vis de vous. Si vous arboriez vos symboles partout...ils vous seraient très probablement retirés.

Non, Shohei, mieux vaut que tu te contentes de l’appartenance au Temple. Après tout, celui-ci est fondé par ta famille. Ça vaut presque un insigne officiel. Et celui-là, personne ne peut te le retirer.

« Je me nomme Kimura Aki, fils du feu vivant dans une colonie proche d’ici. »

Tu hoches simplement la tête en entendant le nom. Rien qui ne te frappe, pas une famille noble ou remarquable de la région, pas un prénom beaucoup plus singulier...mais tu en doutais peu vu la tenue de l’homme. Tu sais que tu oublieras probablement le nom dans l’heure qui suit. Pourquoi devrais-tu faire un effort pour te rappeler d’un cafard ? Un cafard que tu ne tueras pas, du moins, tu ne le prévois pas dans l’immédiat, car tu respectes au moins le feu qui coule dans ses veines. On ne tue pas un compatriote, tout aussi boueux soit-il, à moins qu’il ne soit un traître, un danger ou un poids pour la Nation.

Tu observes l’homme tandis que tu expliques sommairement comment tu as façonné ta lame noire. Tu es désinvolte, insouciant, peut-être avec le sujet que tu sais pourtant très tabou en-dehors de ta secte. Dix ans à tremper dans les pratiques les moins orthodoxes de la cultivation, à écouter les cris et supplications et insultes des morts t’a rendu insensible à ce que le commun des mortels perçoit comme une horreur.

L’homme a détourné les yeux et tu ne peux totalement lire ce qu’il peut penser à travers eux et son expression, à ta déception et ton chagrin. L’instinct de survie qui l’a fait dégainer une lame de feu contre toi, tu imagines. Pourtant tu peux deviner la peur, intangible, si ce n’était pour son affinité plus développée pour les émotions négatives. Ah, dommage. Il aurait peut-être pu faire un disciple intéressant si le feu ne circulait pas dans ses veines. Un cafard, certes, mais un cafard est dur à tuer. Un assassin increvable, c’est toujours mieux qu’un assassin entraîné qui meurt au bout d’une unique mission.

L’homme s’excuse d’avoir déclenché ta colère, de t’avoir interrompu. Il est si parfaitement poli, si parfaitement respectueux. Ça t’irrite, d’un côté, Shohei. Ni jouet que tu peux ramener au Temple pour expérimenter dessus, ni potentielle recrue. Même si tu pourrais le tuer et que sa disparition ne ferait pas grand bruit, si loin de la capitale, tu n’es pas certain d’être prêt à risquer à nouveau l’emprisonnement pour de la simple frustration. Tu n’es pas prêt à retomber de si haut pour un coup de colère. Tu peux mépriser son lignage tout ton content, il reste un fils du Feu. Et vous ne tuez pas les vôtres.

“Hmm. Essaie de ne plus te trouver dans un cimetière de la région à la nuit tombée, moi ou mes confrères pouvons parfois prélever notre matière première ici.” La frange du Temple qui pratique la nécromancie n’irait peut-être pas jusque dans vos colonies pour s’entraîner, mais on ne sait jamais. Tu observes plus longuement l’homme, un étrange sourire sur tes lèvres. “Dommage, Kimura Aki, tu aurais peut-être pu faire une recrue intéressante.”

Es-tu si las de la campagne boueuse des colonies que tu trouves un cafard intéressant, Shohei ? Peut-être bien. C’est bien triste pour tes standards. Ah, vite, que tu rentres à Chung-Ling ou Hikyo pour retrouver des habitudes plus civilisées. Il serait de mauvais goût que tu t’habitues tant à un tel entourage.

“Hmm.” réponds-tu simplement quand l’homme déclare qu’il n’est qu’un élémental, qu’il n’aurait pas les capacités pour rejoindre le Temple. Personne ne sait vraiment qui est digne de rejoindre le Temple avant de passer le test. Et qu’il ne plie pas aisément devant toi est déjà un signe de bonne augure avant de confronter une créature enchaînée. Mais hélas, tu ne feras pas là un disciple de plus. Ni un sujet d’expérimentation de plus.

Déjà, ton attention se détourne du sujet que tu ne peux ni malmener ni amener à toi. Il t’a perturbé dans ton rituel. Pourrais-tu tenter à nouveau de réveiller ce mort ? Ou devrais-tu chercher un autre corps, peut-être moins récalcitrant ? Tes yeux se promènent sur le cimetière, examine les dates. Un destin coupé trop court, ce sont les esprits les plus malheureux, les plus instables, mais aussi, souvent, les plus pleurés. Aurais-tu plus de chance avec ? Ou moins ?

Tu fronces les sourcils quand l’homme ramène ton attention à lui, déclarant que ta présence fait grand bruit. Parle-t-il littéralement, comme si tu avais annoncé ta présence en ces lieux ? Ou suggère-t-il plutôt que c’est l’énergie que tu manipules qui fait éviter aux gens cet endroit ?

“C’est un cimetière, et nous ne sommes pas un jour de fête. Peu de gens pleurent leurs morts à cette heure.” notes-tu, quelque peu moqueur devant l’observation d’Aki.

Pour toi, un cimetière n’est jamais totalement silencieux, ni désert. Mais c’est une autre affaire.

“Des soldats du Royaume de la Terre, vous voulez dire ?” demandes-tu en éclaircissement, le ton traînant. Cet homme est-il simplet, ou ont-ils une autre façon de parler dans les colonies ? Tu as l’impression qu’il n’est pas particulièrement clair. “Il y en a toujours qui grouillent dans le coin, mais même eux ont compris que ces terres étaient nos colonies désormais. On s’en débarrasse généralement plutôt vite, même si certains résistent un peu mieux que d’autres.” Tu agites la main, de façon désinvolte, écartant déjà de tes pensées ces quelques résistants boueux. “Les terres sont plutôt sûres, ici. L’armée de la Nation du Feu veille, vous ne risquez rien. Vous pouvez toujours vous référer à la garnison stationnée à Mesose si besoin. Quelques disciples du Temple y sont parfois présents également si vous rencontrez des soucis d’une nature plus...occulte.”

Dans des terres disputées, il y a toujours davantage d’activité spirituelle et surnaturelle. Si un esprit ou une créature venait saccager le village, ce serait une bonne excuse pour en retirer le noyau bestial.

Tu ne sais pas vraiment ce que l’homme veut, ce qu’il craint. Des paysans du Royaume de la Terre représenteraient un bien mince danger pour quelqu’un de la Nation du Feu, non ? Surtout sur vos terres ? Même si elles sont disputées par leurs anciens propriétaires, tu n’as que peu de respect pour un roi qui bouge à peine de son trône quand on lui saisit ses biens. Tu n’aimes pas ton oncle, mais tu ne crois pas qu’il laisserait impunément qu’une ville de l’archipel soit prise. Il serait rapidement renversé, si c’était le cas.

Tu émets un son peu distinctif, signalant juste que tu as bien entendu la déclaration de l’homme. Tu ne vas pas répéter qu’il n’a qu’à se référer à la garnison locale s’il a des ennuis, tu ne penses pas qu’il ait la mémoire si courte.

« Je garderai ça en mémoire. » réponds-tu, pas exactement pressé de rencontrer une bande de cul-terreux. Oh, ta maîtrise de l’énergie du ressentiment et ton anneau-foudre, que tu n’utilises que peu car trop capricieux à ton goût, seraient certainement suffisants pour gérer quelques soldats ou citoyens égarés, mais tu n’as pas de disciples avec toi et il serait malencontreux que tu sois retenu en otage ici si tu es trop surpassé en nombre. Tu n’as pas envie de t’attarder dans ces terres plus que de raison.

Aki te salue et prend congé de toi. Tu inclines la tête en retour, le maximum de politesse que tu t’autorises pour quelqu’un d’aussi basse extraction comparé à toi.

« Que le feu éclaire votre route. » (ah que cette formulation d’adieu polie t’a toujours laissé un goût amer, à toi, non-élémental) réponds-tu, observant l’homme s’éloigner un moment, avant de retourner à tes occupations.

Maintenant, quel mort réveiller ?



fin