La seule possibilité pour continuer ce voyage sans vous disputer encore avait été de vous séparer. Depuis des semaines tu rêvais de ce visage, une femme que tu avais déjà vu et avec qui tu espérais obtenir des réponses, or elle se trouvait à Omashu. Là où la plus grande armée de la nation du feu bivouaquait, là où vos chance d’être reconnu et emprisonnés étaient les plus grandes. Pour Cheng c’était du suicide, une mission impossible et il refusait d’y mettre les pieds, mais tes rêves étaient bien trop persistants pour que tu ne les écoutes pas.

Comme tu avais essayé de parler à Cheng de cette femme, une fois, et qu’il avait faillit faire une crise énorme, tu avais décidé de te taire. Voilà pourquoi il ne pouvait pas te suivre ni te comprendre, mais ce voyage, tu le sentais, tu devais le faire. Vos routes s’étaient trop séparés et vous vous étiez donné rendez-vous dans une lune au abord de Ba Sing Se.

Dans ton déguisement de marchant de chou, tu espérais passer inaperçu, tu espérais que les voiles vertes recouvrant ton visage cacherait tes traits typiques de la nation du feu, que personne ne verrait le guerrier en toi, mais tu avais conserver tes armes, tu ne pouvais pas t’en passer entièrement, tu avais trop peur de ne pas pouvoir te défendre, alors dans ton dos, si on était suffisamment observateur, peut être qu’on pouvait apercevoir les plis de ta tunique se former autour de ta lame.

Tu inspires profondément et… tu entres dans la ville, poussant ton chariot de chou. Tu te mêles à la population, regardant les passants un peu trop intensément pour trouver ce visage-là. Rapidement, tu te mets à perdre espoir, la ville est immense, vous n’allez pas pouvoir vous retrouver et peut être que tes rêves n’étaient pas envoyé par un esprit bienveillant et que Cheng avait raison ? Une personne t’arrête pour observer tes choux et tu pestes, tu n’aurais pas dû prendre ce déguisement-là, c’était une erreur. Tu es trop visible, bon c’était le but, mais ça te met mal à l’aise.

Jusqu’à ce que tu la repères. C'est un éclat de soleil qui attire ton oeil et vos regards se croisent. Lit-elle dans le tien ce que tu lis dans le sien ? Va-t-elle te dénoncer ? A-t-elle peur ? Tu ne sais pas et ce fichu client qui veut peser les choux pour récupérer le meilleur prix ! Tu vas devenir fou. « Je vous offre celui-ci en plus, si vous ne payez que lui ! » proposes-tu rapidement pour essayer de sortir de ce bourbier et pouvoir annoncer à cette femme que tu viens en paix.

Mais quand tu relèves le regard après ma transaction, elle a disparu. Et là, ton coeur se met à battre plus vite, d’angoisse. Il faut que tu te changes, il faut que tu t’enfuis, les réponses ne sont peut être finalement pas ici.

Sa voix te fait sursauter, pourtant c'est toujours la même, elle n'a jamais été douce et innocente. Cette femme sait quelque chose, et ce qu'elle sait ne te concerne pas, mais ça lui donne un air important. Et tu n'as pas envie de faire n'importe quoi en sa compagnie, tu sens bien et terrifié à la fois, mais elle ne t'a pas trahi la première fois, peut être que la seconde non plus ?

En tout cas, ton déguisement ne t'a absolument pas caché à ses yeux et tu lui as laissé une large empreinte dans la tête puisqu'elle te reconnait et ne te sous-estime pas. Tu abandonnes ton chariot là où tu te doutes que des enfants pourraient le trouver et tu retournes ta tunique pour avoir moins l'air d'être un marchand qu'un passant.

Son ton pressant ne te laisse pas faire grand chose d'autre, alors tu te cales dans le coin, à l'ombre, le plus loin possible de l'entrée principale de la rue qui mène vers d'autres gens et tu avoues, en parlant rapidement et très doucement pour n'être surpris par personne.

« Je ne vous veux pas le moindre mal, je vous le jure. » promets-tu avec empressement, en levant tes mains. Elle a dû voir ton arme quand tu t'es changé, mais tu as bien le droit d'être armé, après tout, elle sait précisément qui tu es. Tu inspires doucement.  « Je sais que ça va vous paraître fou mais »  tu t'arrêtes un court instants, réfléchissant à une manière correcte de le dire mais tu n'en vois aucune « depuis un mois, vous apparaissez dans mes rêves, m'enjoignant de me rendre à Omashu. » Voilà, c'est dit. Merveilleux, elle va te prendre pour un fou, c'est définitif.

Peux-tu arranger ton cas ? Certainement pas en plus. Tu te passes une main sur le visage, soudainement las. Les réponses ne sont pas ici, c'était une erreur, Cheng avait plus que raison, pourquoi diable avais-tu eu besoin d'aller prouver quoique ce soit ? Fuir un rêve n'est pas une si mauvaise chose.

« Je ne sais pas vraiment ce que je fais là, mais mes rêves étant trop pressés, je n'ai pas pu les ignorer. S'il vous plait, dites-moi que vous avez des réponses, n'importe lesquelles. »

Ton ton est suppliant maintenant, elle va comprendre combien tu es perdu, combien tu n'as plus rien... alors que tu risques de perdre gros. Ta dernière rencontre avec Ahloy continue à te bouleverser, parce que maintenant, tu ne peux plus te mentir : tu as une fille, quelque part dans Ya Tai et tu as conscience que tu ne la rencontreras peut être jamais.

Sa voix te fait sursauter, ses mots te retournent l'esprit, en effet, tu ne vas pas bien, pour mille et une raison, mais là... C'est trop. Tu relèves la tête vers elle, plonge ton regard dans le sien, mais tu ne peux rien faire d'autre. Ni acquiescement, ni mots, ni rien. Elle le lit dans tes yeux. Son regard est brillant, confus un peu, ton regard est désespéré. Tu te forces à respirer doucement, tu sens qu'un caillou peu libérer ton chemin ou qu'une grosse pierre peut te rouler dessus. Tu es réellement à la croisée des chemins qui s'offrent à toi et tu espères emprunter le bon.

« Je n’aurais aucune réponse à apporter à une personne dont je ne connais pas l’identité… »

Sa question est légitime, bien sûr, mais ta réponse face à ça est dangereuse. Tu sais que ton nom ne risque de blesser que toi, personne ne connait ton lien avec Ahloy et elle est assez intelligente pour ne le crier sur aucun bison volant parti faire le tour de Ya Tai. Il ne reste que Cheng, mais vous êtes séparés, il n'est sûrement pas venu à Omashu, il ne risque rien. N'est-ce pas ?

Tu prends une grande inspiration.

«  Puis-je vous faire confiance ? Réellement confiance ? »

Tes mots ne servent à rien, tu repousses sur le moment de la vérité. Tu as déjà pris ta décision, puisque tu es là, autant aller jusqu'au bout, autant tenter le tout pour tout. Si une seule réponse vient éclairer ta journée, c'est plus que tu ne le mérites. Tu fermes les yeux, tu inspires profondément, puis tu la regardes. Tu ne veux pas risquer de rater ça. Elle connait le prénom de ton frère, vu que tu lui as déjà offert, mais le tien non. Tu veux savoir si elle a une illumination, ou si votre nom ne lui apportera rien.

Le regard plongé dans le sien, tu cherches si une étincelle s'allume quand tu prononces enfin.

« Shao Jin.  »

Ton coeur se serre, ce nom que tu portes mais qui te rappelle trop de chose, tu as envie de changer, d'être quelqu'un totalement différent, mais ce patronyme te suivra jusque dans la tombe... qui ne devrait pas tarder à arriver vu ton statut de fugitif de la Nation du Feu et de la clémence connue - ha ha - de cette même nation.

Les mains tremblantes, tu demandes d'une petite voix.

« Allez-vous m'aider alors ?  »

Ton nom ouvre une porte dans son esprit et son corps réagit. Toi qui étais déjà pris de tremblement et d'hésitations, tu ne sais plus comment réagir. Tu t'élances vers elle, prête à la rattraper si elle tombe.

Debout à ses côtés, alors qu'elle s'est appuyée contre un mur, tu restes immobile. Tu n'oses la toucher, elle ne t'en a pas donné la permission et semble se débrouiller sans toi. Tu inspires doucement, mais cet air frais t'abîme de l'intérieur. Que s'est-il passé avec Cheng ?

Est-elle l'espoir que tu attendais ? Mais tu ne sais pas de quoi il en retourne, tu ne sais pas si ça va t'aider ou, au contraire, te détruire un peu plus. Tu n'oses poser la question, alors tu attends.

Ses mots n'ont aucun sens pour toi, elle ne t'explique rien.

« Vous m'avez cherché, moi ? » bredouilles-tu, incapable de comprendre que tu n'es que le lien dans cette histoire pas le personnage principal.

Tu regardes autour de vous, tu n'as pas le temps pour une crise, pas le temps pour des éclats de voix. Vous êtes au coeur d'Omashu, et même si tu es vêtu de vert, tes traits sont bien trop reconnaissable. Tu la presses alors, peut être un peu trop brutalement, tu la touches enfin, posant ta main sur son épaule.

«  Répondez-moi, s'il vous plait ! » lances-tu, au bord des larmes.

Le besoin de réponse est trop gros pour que ton cerveau fasse les bons choix. Alors tu as haussé le ton, un peu trop, parce que tu entends des pas. Tu te dépêches de lâcher la jeune femme, mais c'est trop tard.

« Lâchez-là ! Qui êtes-vous ? »

La voix sonne la fin. Tu dois t'enfuir, maintenant avant d'être découvert, avant qu'il ne soit trop tard.

Elle est brisée par le chagrin, ou par l'espoir. Tu n'arrives pas vraiment à savoir ni comment l'aider. Cette situation est bien trop compliquée et pire, elle est dangereuse pour toi. Pourtant, tu ne peux pas t'empêcher de rester et de risquer ta vie... pour ton frère.

Pour la première fois, il n'est absolument pas question de toi et tu peux tout perdre. Ahloy, l'enfant. Pour lui. Il mérite au moins, tu l'as laissé pour mort une fois, tu l'as aidé à recouvrer la mémoire, tu lui as fait quitté cette nation toxique et vous voilà séparés. Te voilà seul. Et à la merci de tous les soldats du feu qui traînent dans les environs. Tu trembles soudainement parce que tu comprends que tu risques plus que ta vie.

Si tu te fais arrêter maintenant, c'est aussi celle de ton frère car tu aurais l'élément final à lui offrir : la vérité.

« Non, il est en vie. Et c'est presque pire. Il ne se souvient de rien. Il a oublié, tout oublié. Il a besoin de vous. »

Le souffle court tu la supplies du regard. Tu ne pourras rien faire sans elle. Voilà la clef que tu attendais depuis si longtemps, peut être que le cerveau de Cheng se réouvrir, peut être que les souvenirs afflueront enfin. Pour l'instant, il te croit, mais ce n'est pas ce qu'il ressent ou sait. Son esprit est prisonnier, ses pensées sont cachées et seuls ses doutes le font tenir debout. Cette femme est l'unique solution.

« Retrouvez-nous, donnez-moi un lieu de rendez-vous, faites-nous passer un message. Il faut qu'il puisse se relever. »

Les accents désespérés de tes mots se sont entendre avec trop de force.

Tu es en danger, mais tu dois avoir une assurance, espérer des retrouvailles.

Maintenant qu'elle sait, l'espoir t'es de nouveau permis.

Alors, enfin, tu obéis à ses ordres. Tu fuis. Tu cours, droit dans le piège. Personne ne t'a cru, on t'a repéré, on t'a observé. Tu n'as jamais été crédible en vendeur de choux, depuis ton entrée dans la ville, ils te surveillent. Et malheureusement pour toi, ce n'est pas la prison des maîtres de la terre qui t'attend, c'est pire, bien pire : c'est l'armée de la nation du feu.

Un sac sur le visage, le corps brûlant des coups reçu, tu avances en retenant tes larmes. Tu étais si proche du but, la vérité, le salut, un espoir de vie meilleure... tout ça t'a été arraché. Entre les mains de la nation du feu, tu vas mourir. Il ne te reste qu'un seul espoir : que l'étrange jeune femme retrouve Cheng. Elle seule a toutes les cartes en main.