[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Cela a beau être le milieu de la matinée, je suis quand même seule sur le pas de tir de la caserne. Le reste de ma compagnie est de repos aujourd'hui et je le sais bien, mais encore une fois je semble prouver que j'ai du mal avec la définition de ce mot. Mais n'ai-je pas près d'un an d'entrainement de retard à rattraper à cause de ma blessure ? C'est en tout cas le prétexte que je prends pour venir quand même à la caserne aujourd'hui, enchaînant les volées de flèches pour m'entraîner, alors que je pourrais être ailleurs, profiter de la capitale, de ma famille… Mais je rejette déjà ces pensées en tirant une nouvelle flèche dans la cible à une cinquantaine de mètres de là, bien vite avant qu'elles ne dérivent vers une autre à qui je ne veux pas penser. Et presque aussitôt, j'en encoche une nouvelle, encore une fois comme pour essayer de chasser encore un peu plus loin ce genre de pensée. Est-ce que cela marche vraiment ou pas ? Je n'en ai guère d'idées à vrai dire. Pour seule réponse, j'entends le sifflement de cette nouvelle flèche que je lâche sur la cible. Puis dans un soupir, je me décide à laisser redescendre enfin un peu mes bras, l'extrémité basse de mon arc trouvant naturellement mon pied gauche alors que je fixe encore la cible face à moi. Sans surprise, les six flèches que j'ai tiré durant cette volée sont parfaitement groupées et cela se voit même à cette distance. Mais quoi de plus normal pour une archère de Yuyan comme moi ?

Un nouveau soupir s'échappe de mes lèvres alors que je pose mon arme sur le repose-arc d'entrainement installé quelques pas derrière la ligne du pas de tir. Cela m'est toujours un peu étrange de le laisser là alors que j'ai parfois l'impression de ne tellement pas le lâcher qu'il fait presque partie intégrante de moi. Mais il faut bien que j'aille chercher mes flèches après tout, non ? Surtout que je sais que je le retrouverais dans quelques instants, lorsque je reviendrais avec mon carquois plein et prête pour une nouvelle volée d'entraînement. D'ailleurs, maintenant que j'ai récupéré mes flèches et que je suis en train de revenir sur mes pas, je laisse discrètement et rapidement glissé mon regard vers l'un des coins de la cour d'entrainement de la caserne. Et si l'un des piliers extérieurs de la cour intérieur me cache la vue presque autant que les caisses de matériel empilées les unes sur les autres à côté de ce dernier, je n'ai pas le moindre mal à repérer une ombre qui me confirme ce que je pense depuis une bonne dizaine de minutes maintenant. On est bien en train de m'observer tout en se cachant. Bien sûr que je l'ai remarqué ! Je suis Archère de Yuyan, je suis formée pour remarquer ce genre de chose ! Si ce n'était pas le cas, je n'aurais nullement ma place dans cette unité d'élite, Kuroda ou non ! Mais quoi qu'il en soit, cette information me fait quand même légèrement froncer des sourcils l'espace d'une demi-seconde avant que je ne me reprenne. Ne m'a-t-on pas appris également à faire comme si de rien n'était dans ce genre de situation ?

De retour au pas au tir, je reprends sans la moindre hésitation mon arc et me replace en face de la cible éloignée d'une cinquantaine de mètres. Un léger et rapide coup d'œil dans mon dos pour voir si l'ombre à bouger et m'assurer que je ne vire pas paranoïaque à force des nombreuses campagnes militaires auxquelles j'ai déjà participé et j'encoche déjà une nouvelle flèche sur mon arc. La première d'une nouvelle volée. Du moins, c'est l'impression que je veux donner maintenant que j'ai la certitude que non, je ne suis pas seule dans cette cour comme j'aurais préféré l'être. Toujours dans mon jeu de dupe, je bande de nouveau mon arc, vise l'espace de quelques secondes puis décoche ma première flèche en direction de la cible. Et je ne tarde pas à attraper une nouvelle flèche et à l'encocher… Avant de faire brusquement demi-tour, prenant encore moins de temps que précédemment pour viser et lâcher ma flèche qui part immédiatement se planter dans le pilier en bois derrière lequel l'intrus se cache. Une manœuvre qui me permet autant de faire comprendre à ce dernier que je l'ai bel et bien remarqué mais aussi d'en apprendre un peu plus sur lui via sa réaction.

D'ailleurs, un nouveau soupir m'échappe quand je découvre que l'intrus n'est autre qu'un enfant d'à peine une dizaine d'années. Si d'un côté cela m'agace fortement de savoir que même un gamin arrive à entraîner dans la caserne de la capitale sans se faire repérer, démontrant clairement par là un grave problème de sécurité, une autre part de moi me souffle que d'un autre côté, il n'y a que les enfants de cet âge pour se montrer suffisamment audacieux et discrets pour tenter ce genre de chose. Mais qu'importe au final quant à la raison de la présence de cet enfant ici et surtout sur celle qui fait qu'il est encore là et n'a pas été chassé par un autre soldat présent. Qui plus est, dois-je véritablement être surprise de reconnaître en cet enfant un autre rejeton de la lignée Sakai ? Certes, si ma mémoire est bonne, celui-ci a la chance, si on peut dire, d'échapper à ce nom abâtardissant venant de sa mère, mais il reste quand même un descendant de cette lignée. Un cousin de ma chère et tendre détestée ? Sans doute, cette famille a tendance à se reproduire bien trop vite pour que je parvienne à le situer exactement dans leur arbre généalogique.

- Puis-je savoir ce que tu fais là, petit ?

Finis-je par lui demander d'un ton sec et cassant qui ne laisse pas le moindre doute possible sur mon agacement à le voir ici. Pourquoi faut-il toujours que les esprits placent un Sakai ou un autre sur mon chemin, à n'importe quel moment et même quand je n'aspire qu'à la paix de ma solitude ?

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il ne faut pas longtemps à l'enfant que je viens de surprendre en tirant une flèche dans le pilier derrière lequel il se cachait pour qu'il s'incline devant moi. Encore une façon de faire qui ne fait que me confirmer que je suis bel et bien face à un nième rejeton de la lignée des Sakai, me retenant à grande peine de ne pas pousser un long et profond soupir. Au moins, ce gamin a la décence de respecter l'étiquette de la noblesse de notre Nation même si sa maladresse trahit sans le moindre mal son jeune âge et le fait qu'il ne l'ait pas encore totalement retenu. Et si je me montre la mine sévère face à lui, je dois bien avouer au fond de moi que je ne peux que le comprendre, ayant presque fait exprès de choisir ma vie actuelle pour échapper au mieux à cette étiquette et aux (trop ?) nombreux protocoles qui régissent notre noblesse.

Il finit cependant par répondre à ma question, d'une voix enfantine dans laquelle la peur est clairement identifiable. Un Sakai mort de peur devant une simple Kuroda ? Voilà bien un jour que je ne pensais pas voir arriver de mon vivant. J'arrive cependant à me retenir de ne pas afficher un petit sourire narquois et appréciateur de la chose ou même de faire un commentaire sur le fait que sa cousine Kaori devrait prendre exemple pour lui. A la place, je laisse l'enfant continuer sa réponse, n'étonnant presque de l'entendre me présenter des excuses. Si ma famille n'était pas si proche de la sienne, j'aurais sans doute cru m'être trompée de l'avoir pris pour un Sakai. Mais sans doute est-ce dû au fait que j'ai pour habitude de côtoyer ceux de mon âge ou presque, s'étouffant presque dans leur orgueil et leur suffisance - je ne ferais aucun commentaire sur une quelconque hypocrisie de ma part sur ce sujet - qu'un enfant de cet âge n'avait peut-être pas encore eu réellement le temps de développer. Ou pas envers ses aînés encore sans doute. Mais qu'importe, je finis cependant par froncer encore un peu plus des sourcils quand il s'interrompe dans son discours alors que j'en attend sa fin. Après quelques secondes de silence de sa part, je finis par comprendre qu'il a soit oublié ce qu'il comptait dire, soit qu'il n'a nullement l'intention de finir de répondre.

- Que ?

Lui demande-je alors, sans doute de manière un peu trop sèche pour chercher à le rassurer. Bien que d'un autre côté, le rassurer n'est nullement mon rôle. Il a une mère pour cela ! Ou bien une nourrice, un doudou ou que sais-je encore ? Je n'en ai que faire à vrai dire, tout ce que je sais ce que ce n'est clairement pas à moi de le faire. Surtout que nous n'avons pas le moindre lien de famille ou de sang, alors raison de plus pour ne pas réellement m'en préoccuper.

- Apprend à finir tes phrases si tu veux être pris au sérieux, petit.

Ne tarde-je pourtant pas à enchainer presque de la même manière que quelques instants auparavant alors que je m'avance déjà vers le pilier dans laquelle se trouve toujours planter ma flèche. Me voilà à faire des leçons de vie et à donner des conseils à un gamin qui n'est même pas issue de ma famille me dis-je en tendant déjà la main vers ma flèche. Dans un soupir presque désabusé par la situation, je retire pourtant le trait du pilier, vérifie l'état de sa pointe puis la remet dans mon carquois une fois mon examen terminé. Une fois cela fait, je tourne de nouveau mon regard vers l'enfant. Et si mes yeux sont moins assassins et coléreux, mon expression reste malgré tout sévère, comme elle l'est de façon naturelle chez moi à ce qu'on ne cesse de me dire - ou de me reprocher selon les personnes, mais là encore, je n'en ai cure pour être franche.

- Tu as conscience que tu n'as aucun droit d'être ici ? A la surveillance de qui as-tu échappé pour finir là ?

Finis-je par lui demander de manière assez directe pour le coup. Mais après tout, je m'estime dans mon bon droit de lui rappeler indirectement qu'il se trouve ici dans une caserne militaire dont l'accès est censé être strictement réservé aux membres de notre armée. A l'exception de certaines occasions bien sûr car si je n'ai pas relevé son aveu d'apprendre lui aussi l'archerie, je l'ai noté quand même. Et s'il n'était pas né avec du sang de Sakai dans les veines, son père aurait sans doute usé de son influence pour lui permettre effectivement de rencontrer certains Archers de Yuyan en guise d'exemple de maîtrise de l'arc et sans doute pour espérer inspirer une envie de carrière militaire dans cette unité d'élite qu'est la mienne. Mais dans le cas de ce jeune garçon, cette démarche est aussi inutile qu'un flocon solitaire sur une plage en été, son ascendance Sakai lui interdisant d'intégrer les rangs de notre armée. Et malgré tout ça, je me doute bien qu'il doit normalement être sous la surveillance d'une quelconque personne désignée par ses parents dans ce but. Bien que la cité d'Hikyo ne souffre nullement des affres de la guerre que nous livrons dans le reste de Ya Tai, laisser un enfant de cet âge errer seul dans les rues relève autant de la stupidité que de l'inconscience !

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Des excuses, des excuses et encore des excuses. A croire que l'enfant face à moi ne sait faire que ça et il faut bien avouer que cela a le don de m'agacer encore un peu plus. Surtout qu'il ne met pas longtemps à me répéter plus ou moins la même chose que quelques instants auparavant, sans doute trop habitué à ce que l'on réagisse à cela pour comprendre que si je ne l'avais pas fait, ce n'était pas que je ne l'avais pas entendu mais simplement que je n'y voyais aucun intérêt. Enfin, si, j'avais bien un commentaire à faire concernant son enseignement de l'archerie mais je pense m'être montrée déjà suffisamment froide et cassante avec ce jeune garçon pour ne pas en rajouter encore un peu plus. Vu les relations familiales que je lui prête sans en avoir pourtant une totale confirmation, je ne sais que trop bien que si jamais il venait à se plaindre de cela à certains membres de sa famille, j'allais encore être bonne pour deux bonnes heures de sermon de la part de ma détestée.

D'ailleurs, ce fut comme si l'enfant avait pu capté mes doutes sur son identité, ou qu'il avait comme tous ceux de sa famille, ce besoin compulsif d'avoir à brandir son statut de descendant royal né du mauvais côté du lit pour gagner l'estime, le respect, la crainte ou que sais-je encore de son interlocuteur. Quel qu'en soit le motif, il ne tarde donc pas à se présenter comme le fils de Reika, me permettant dès lors de bien le remettre à juste place dans ce vaste arbre généalogique que les Sakai se sont constitués. Peut-être devrais-je informer Shohei et Kaori que ce n'est pas en cherchant à étendre autant leur famille que celle-ci en deviendra plus importante qu'elle ne peut l'être vu son étiquette de bâtardise lui collant à la peau. Mais à la place, et pour l'heure, je me contente de pousser un long soupir las suite à cette révélation de la part du jeune garçon.

- Le cousin donc.

Soupires-je à voix haute cette fois, comme pour répondre indirectement à cet autre Sakai que je suis bien plus habituée à côtoyer ses aînés, ceux de mon âge, que de me soucier de qui peut bien en composer la nouvelle génération et ceux nés sur le tard. Je le laisse pourtant continuer ses suppliques à mon égard pour ne pas le dénoncer, me contentant pour toute réponse que de lui adresser un regard aussi désintéressée que sévère. Bien qu'en réalité, la sévérité semble simplement être une expression habituelle chez moi, mais je n'ai que faire de déranger quelqu'un avec ce genre de détail futile. Je n'ai pas la moindre intention de lui promettre quoi que ce soit ou de changer subitement de comportement uniquement parce qu'il s'est effectivement identifié comme le cousin de mon seul véritable ami et de ma détestée. Sakai ou non, qu'il assume ses fautes et ses échecs. Dont celui de ne pas avoir réussi à être suffisamment malin pour éviter les environs ou suffisamment discret pour que je ne le remarque pas. Moi ou tout autre archer de Yuyan qui aurait pu être à ma place à cet instant d'ailleurs. Nous ne sommes pas considéré comme une unité d'élite uniquement pour faire plaisir au Seigneur du Feu après tout.

- Tu as conscience que ton ascendance Sakai t'interdit de pouvoir entrer dans l'armée lorsque tu en auras l'âge ?

Finis-je pourtant par lui lancer, toujours d'un ton assez froid et cassant, pour m'assurer qu'il prenne bien conscience de la réalité des choses. Et si je viens de lui briser un de ses rêves ? Et bien au moins, cela lui laisse le temps d'en trouver un autre réalisable au lieu de lui faire prendre son temps en douces rêveries inatteignables.

- A quoi bon apprendre à utiliser un arc dans ce cas ?

Enchaînes-je presque aussitôt en fronçant légèrement des sourcils cette fois-ci. Cela vient sans doute de l'éducation que m'a donné mon père et du fait qu'un arc est une arme avant tout et non un jouet comme le père de cet enfant le lui a sans doute laisser croire. Et si cela ne fait qu'enterrer encore un peu plus les espoirs de ce jeune garçon, pensant peut-être pouvoir se cacher derrière le nom de son père pour faire oublier celui de sa mère dans cette situation, et bien que cela soit fait. Je ne vois absolument pas en quoi je devrais éprouver le moindre remord pour cela, au contraire même, j'estime rendre service à cet enfant qu'on a clairement fourvoyé sur ses possibilités d'avenirs en tant qu'archer.  

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Bien sûr que ce rejeton Sakai ne peut s’empêcher de se présenter comme tel face à moi et de me balancer le nom de ses parents comme si cela allait me faire changer de comportement à son encontre quand je saurais qu’il a du sang royal dans les veines. Du sang royal peut-être mais mêlé quand même du mauvais côté du lit, me rendant complètement insensible à ce genre de crainte qu’il espérait peut-être me donner en connaissant l’identité de sa mère. Je me doutais déjà qu’il faisait partie de cette grande famille bâtarde que sont les Sakai, presque certaine de l’avoir déjà aperçu lors d’évènements rassemblant les membres de cette famille. Mais maintenant que j’avais bel et bien le nom de ses parents, le replacer dans l’arbre généalogique de mon meilleur - et seul ? - ami et de ma détestée est un jeu d’enfant.

Je me permet d’ailleurs un commentaire à haute voix à ce sujet, dans un soupir, resituant l’enfant comme le cousin des deux Sakai que je connais le mieux. Un commentaire auquel le jeune garçon ne tarde pas à m’interroger, me demandant à demi-mots de qui je parle en évoquant son statut de cousin. Et si je ne doute pas un seul instant qu’il en compte une tripotée, sa famille maternelle pouvant donner l’impression de chercher à se donner encore un peu plus d’importance qu’ils ne peuvent rêver en avoir réellement grâce au nombre, je n’ai pas la moindre intention de lui répondre pour autant. D’ailleurs, le regard noir que je lui lance pour lui faire passer l’envie de chercher à insister doit largement suffire pour le lui faire comprendre.

De toute façon, je ne lui laisse pas vraiment le temps de pouvoir le faire que je commence déjà à l’interroger à mon tour sur sa pratique de l’arc. Ou plutôt sur la raison qui le fait continuer à s’entraîner au tir avec cette arme alors qu’il ne pourra jamais entrer dans l’armée à cause de sa mère. Si je comprends le danger que pourrait représenter un Sakai avec une unité de soldats lui étant fidèles derrière lui, je continue de trouver l’idée de systématiquement les écarter contre-productif en ce temps de guerre. Peut-être sommes-nous passés à côté d’excellents éléments à cause de cette règle instaurée par la famille Hino… Et si jamais un gradé Sakai commençait à vouloir faire du zèle et à menacer un peu trop le trône, il me semble assez facile de se débarrasser de lui avant qu’il ne puisse faire la moindre émule. Après tout, nous sommes en temps de guerre et la mort peut frapper bien plus vite qu’on ne semble le penser à la capitale lorsqu’on se tient sur un champ de bataille… En tout cas, oui, j’ai parfaitement conscience que malgré mes opinions à ce sujet, je viens potentiellement de briser le rêve d’un enfant. Mais je reste suffisamment pragmatique et factuelle malgré tout pour continuer à me dire que cela ne peut être que pour son plus grand bien. A rester trop longtemps avec ce rêve en tête que personne ne lui dément, qui sait comment il aurait pu réagir en finissant par apprendre la triste vérité ? Et cela lui laisse d’autant plus de temps pour envisager une autre voie s’il n’a jamais songé à un plan de repli. Pourtant, là où je m'attendais presque à le voir se mettre à chouiner, bien qu'il n'en semble pas bien loin quand même, l'enfant réussit à garder une maitrise de lui suffisante pour ne pas le faire. Et même pour me répondre de façon aussi argumentée que possible à son âge en évoquant bien sûr les citations de son père.

- Ton père a toujours été un homme pragmatique et intelligent.

Finis-je par lui répondre d'un ton neutre après quelques secondes de silence suite à son discours. Je ne le connais pas très bien et principalement de nom et de réputation mais il faut avouer que parfois, cela me suffit. Bien que je garde pour moi que l'une des plus belles erreurs qu'il ait pu faire dans sa vie fut d'épouser une Sakai. Non seulement cela n'est que mon opinion personnelle - hypocrite également mais personnelle quand même - mais en plus, je ne vois pas ce que ce genre de commentaire pourrait apporter de plus à cet enfant à part une raison de plus de se mettre à s'étancher en larmes et lamentations si irritantes… Je reste pourtant encore quelques secondes à le fixer en silence, sans trop savoir quoi faire de lui. Je n'ai pas la moindre envie de le laisser s'en tirer aussi facilement, après tout, il s'est quand même infiltré dans une caserne militaire ! Mais je n'ai pas non plus envie d'avoir à appeler des gardes pour leur faire part de leur incompétence flagrante de ne même pas avoir su arrêter un enfant ! Ou pire encore, qu'ils me pensent incapable de gérer seule un gamin de cet âge… Je finis dès lors par pousser un nouveau soupir las avant de baisser de nouveau mon regard vers lui.

- Très bien. Quelle est la puissance de l’arc avec lequel tu tires ?

Lui demandes-je d'un ton dans lequel on peut sentir que je ne fais pas vraiment ça de gaité de cœur. Mais entre ça et utiliser ma maîtrise des flammes ou des éclairs pour lui faire passer l'envie de recommencer, je me doute bien que l'option de l'arc reste celle qui m'attirera le moins d'ennui par la suite. En espérant qu'il soit capable de me répondre correctement…

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Par les esprits, pourquoi me suis-je dit que retenir cet enfant au lieu de le chasser ou de le carboniser sur place pouvait être une bonne idée ? Sans doute me suis-je dit que cela me permettrait de gagner un peu de temps pour chercher à me maîtriser moi-même pour réussir à le chasser de manière un peu plus diplomatique qu'avec les cadets de l'académie ou mes subordonnés, et sans chercher à lui lancer des flammes, ou pire, des éclairs, en le faisant. Mais pourtant, quand je l'entends commencer à répondre, je me mets immédiatement à regretter de l'avoir retenu. J'ai beau dire tout ce que je veux à propos de mon jumeau, je dois reconnaitre malgré tout qu'à cet instant, je lui envie sa patience, n'en possédant même pas l'ombre d'un quart.

- Pas si mal…

Finis-je pourtant par prendre sur moi pour lui répondre une fois qu'il a lui aussi répondu à la mienne. Même si le ton que j'utilise à ce moment-là ne laisse aucun doute sur le jugement que je porte à sa réponse. Là encore, c'est Takezo qui est le mieux placé de nous deux pour le jeu des faux semblants, pas moi.

- Avec un entrainement plus rigoureux, à ton âge, tu devrais déjà réussir à tirer jusqu'à dix-huit ou vingt mètres. Mais bon, étant donné qu'il n'y a pas de réel enjeu à faire de toi un maître en archerie, cela reste une bonne base.

Ne puis-je m'empêcher d'enchaîner assez rapidement et toujours sur le même ton assez condescendant. Même si à mon sens, je ne fais que dire la vérité concernant son futur d'archer. Vu tout ce que j'ai déjà pu lui dire depuis le début de cette conversation, je pense que cela ne doit être une surprise pour personne que je ne soucis guère de le vexer une fois de plus ou non avec ce genre de propos et de jugement à son égard. Et même si c'était le cas, je n'ai de toute façon pas vraiment le temps d'y accorder plus d'importance que cela que l'enfant Sakai sous un autre patronyme reprend déjà la parole pour me demander s'il peut me poser une question.

- Comme si je pouvais réellement t'en empêcher…

Maugrée-je en sachant parfaitement et par avance que si je lui avais répondu par la négative, il aurait quand même posé sa question. Après tout, même s'il ne porte pas réellement le nom de Sakai, leur sang coule dans ses veines, l'impertinence des siens allant sans doute avec. Et je n'ai que trop l'habitude d'avoir à supporter le comportement de ses cousins plus âgés, et principalement Kaori, pour ne pas avoir une vague idée de comment il risquait de prendre un refus de ma part. A savoir m'ignorer totalement pour quand même poser sa question, comme déjà je le suppose de base. Peut-être suis-je en train de faire un délit de faciès uniquement à cause de sa famille maternelle mais pour être totalement honnête, je me sens dans mon plein droit de le faire dans cette situation et avec cette famille.

- Kuroda… Kuroda Akane.

Finis-je pourtant par lui répondre dans un léger soupir. Un soupir dans lequel mon agacement doit être assez facilement palpable, mon comportement ne faisant d'ailleurs que l'appuyer encore un peu plus.

- Et oui, ta cousine Kaori connait très bien mon nom, si c'est ça que tu as en tête.

Ne tarde-je pas à ajouter presque aussitôt et toujours avec le même ton, ne pouvant m'empêcher de penser - à tort peut-être, même si j'en doute fortement - que c'est bien ce que l'enfant pensait faire. Aller se renseigner auprès de sa cousine plus âgée, dans la même tranche que moi, pour en savoir plus sur moi, cette femme ne se comportant pas avec lui comme si le fait qu'il soit un Sakai en faisait le Seigneur du Feu en personne.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Oh oui, c'est encore un peu plus évident à l'instant même où je lui fais l'honneur d'un compliment : cet enfant est bel et bien de sang Sakai, quoi qu'indique le nom hérité de son père. Il n'y a qu'à voir toute l'importance qu'il se donne soudainement à une phrase que je peux même adresser à un jeune apprenti à l'académie pour le comprendre. Non, décidément, le sang ne ment jamais… Mais il faut croire que le fait que je me sois montrée un peu plus courtoise voire même légèrement sympathique commence déjà à lui monter à la tête alors que justement, il me prend rapidement la mienne, de tête, avec son nouveau petit discours. Et bien si je n'ai pas compris que son père voulait absolument faire de lui un nouveau soldat prodige parfaitement inutile à notre Nation à cause de son nom…

- Complètement.

Finis-je pourtant par admettre de manière assez froide et sèche quand il reconnait lui-même que cela aurait un sacré gâchis. Et aussi insupportable que soit cet enfant, je dois quand même lui reconnaître une chose : à me casser ainsi les pieds, il a presque réussi à me faire me remettre en doute concernant l'enfant que je devais être moi-même à son âge. J'ai toujours eu une relation particulière avec mon père, l'admirant énormément et ne voyant aucun de ses défauts lorsque j'étais enfant, alors… Etais-je aussi insupportable que ce garçon l'est avec son père ? Oh, je sais déjà parfaitement que poser cette question à Takezo ou Kaori me vaudra un "oui" suivi de multiples reproches plus ou moins liés, alors que le faire à Shohei ou Mariko se soldera simplement par un haussement d'épaule de leur part suivi d'un "quelle importance ?"…

Je suis pourtant coupée assez rapidement dans mes réflexions quand il finit par me demander mon nom… Que je lui donne, trop lasse par cette situation pour chercher à le cacher sans réelle raison de le faire. Mais je dois avouer quand même qu'en le voyant soudainement pâlir à l'entente de ma famille, un léger sourire carnassier étire légèrement le coin de mes lèvres. Pas étonnant qu'il connaisse le nom des Kuroda étant donné celui de son père, mais cela fait toujours du bien de savoir qu'il y en a encore quelques Sakai de sang qui ont un minimum de respect pour ce nom. Bien que je finisse par perdre assez rapidement ce très fin sourire lorsque j'en viens à évoquer le nom de ma détestée. Gentille… Voilà bien un adjectif que je n'aurais au grand damne jamais attribué à Kaori. Elle est aussi gentille que je suis une élémentale de l'eau ! Mais si je me retiens bien de cracher une remarque acide de ce genre à l'enfant, mon haussement de sourcil et ma mine dégoutée doivent largement parler pour moi.

- Oh ne t'inquiète pas pour ça. Avec elle, je suis toujours coupable de tout, alors tu peux y aller sans crainte.

Crache-je de manière parfaitement sarcastique quelques secondes plus tard quand il commence à m'avouer ne pas pouvoir poser de question sur moi à sa chère cousine sans avoir à lui révéler les circonstances peu glorieuses pour lui de notre rencontre. Non, cette remarque-là, je n'ai pas pu la retenir tant son acidité m'a brûlé les lèvres. Mais je ne doute pas un instant que si, pour l'heure et à cause de son jeune âge, il doit porter une admiration sans faille à Kaori, le temps et la prise de maturité lui feront sans doute réaliser bien assez tôt combien sa cousine est pleine de défaut. En attendant… Et bien en attendant, je devrais me satisfaire d'un soupir de ma part pour chasser toute l'aigreur que le fait que ma détestée soit devenue le sujet de notre conversation fait monter en moi.

- Je suis prête à laisser passer pour cette fois, jeune Matsumoto. Même si cela revient à devoir supporter encore des accusations gratuites et fatigantes de la part de ta cousine.

Encore une fois, je sais que j'aurais peut-être dû retenir ma dernière phrase, ce commentaire aussi venimeux qu'inutile. Mais l'animosité et la répugnance qui existe entre Kaori et moi depuis notre plus tendre enfance n'est un secret pour personne après tout. Alors à quoi bon se retenir de la calomnier en présence de son jeune cousin ? La peur qu'il aille tout lui répéter ? Tsss, j'ai déjà dit bien pire sur elle et elle sur moi, et l'une comme l'autre le savons alors… La seule chose que nous avons toujours tû l'une comme l'autre et sans même avoir à se mettre verbalement d'accord à ce sujet, c'est justement ce que les autres ignorent de notre relation au-delà de cette haine que l'on se voue publiquement sans la moindre retenue.

- Mais si je te revois encore ici une seule fois sans la permission de qui que ce soit, je te garantis que tu pourras témoigner à ta chère cousine que si, je maitrise bel et bien l'art de la Foudre. Me suis-je bien fait comprendre ?

Termine-je de dire en me redressant légèrement et me faisant nettement plus sérieuse. Et menaçante aussi, mais cela je ne doute pas un instant avoir réellement besoin de forcer le trait plus que de raison face à cet enfant. Surtout en ayant pris la peine d'évoquer ma capacité à générer des éclairs si jamais l'envie m'en prenait. Mais il est vrai que j'ai bien l'intention de me faire clairement comprendre là-dessus et qu'il ne pense pas pouvoir s'aventurer de nouveau dans les environs selon son bon vouloir et son ennui… Qu'il agisse comme un Sakai qu'il est par son sang si cela lui chante mais en dehors de ma caserne s'il ne veut pas avoir à en subir les conséquences.