La longue marche au travers des montagne est difficile, le soleil cogne violemment contre vos armures et vous êtes essoufflés après les 20 premiers kilomètres, mais la route est encore longue devant vous jusqu’à Zosha, la petite ville de l’Ouest, à une soixantaine de kilomètre à vol d’oiseau de la capitale. C’est une mission débile, juste un transfert d’information, mais vous n’avez pas eu le choix. Les faucons messagers ne sont pas toujours très sûr en temps de guerre. Mais ça, c’est ce qu’on vous a dit. Toi, tu imagines bien une autre raison : on souhaite forcer des recrues rebelles à marcher beaucoup. Parce qu’on aurait pu vous prête des Chevautruce pour le trajet, mais non « c’est la marche qui forme la jeunesse » qu’on vous a balancé. Tu as plus de trente ans, évidemment que cela n’a rien à voir, mais plus personne ne te fait vraiment confiance.

Puis, tu te demandes si ce n’est pas l’inverse. Ce n’est pas qu’on a voulu t’envoyer là-bas, mais plutôt qu’on ne voulait pas que tu sois à Hikyo. Cela te donne matière à réfléchir pendant que vous avalez les kilomètres sous le soleil brûlant.

Pendant une pause repas, tu t’éloignes un petit peu plus que de raisonnable, pour admirer la ville de haut. Zosha est différente des villes de la nation du feu, elle a cette particularité d’être plus ancienne que tout ce que vous connaissez. Tu regardes longuement et sourit. Cela te manque de découvrir des nouveaux lieux, de rencontrer des personnes différentes. Dans l’armée, vous restez toujours entre vous et c’est tout.

Tu soupires en t’éloignant. Tu ne pourras pas faire du commerce ou de la négoce ici, comme tu avais l’habitude de faire pour le Cursed Lotus, de toute manière, ton armure de soldat aguerri t’empêche d’autre autre chose que ce que tu es actuellement.

Soudain un mouvement retient ton attention. Aux abords de la ville, tu as vu une ombre, quelqu’un qui se déplace furtivement et qui est sûrement invisible… sauf quand on est en hauteur. Tu plisses les yeux pour tenter de mieux deviner, mais tu ne vois rien de concret. Pourtant, tu as envie d’en savoir plus, tu avances dans la direction de l’ombre sur quelques pas.

Mais cela doit être quelqu’un qui sait ce qu’il fait, car très vite, la personne devient invisible à tes yeux et tu ne la retrouves plus. Tu es obligé de rebrousser chemin pour revenir d’où tu viens quand tu tombes nez à nez avec une jeune femme. Tu écarquilles les yeux quelques secondes.

Comment a-t-elle fait pour apparaître ainsi ? Qui est-elle ?



Tu réagis bien vite et allume le feux dans tes paumes et prend une posture de combat. Mais pour l’instant, tu ne fais aucun mouvement, attendant qu’elle réagisse en premier, intrigué par cette personne.

Tu pousses un soupir, regrettant un peu ta décision de prendre les petites routes de l’arrière-pays plutôt que les chemins achalandés. C’était pour le mieux, après tout tu devais faire doublement attention maintenant que tu voyageais dans la Nation du Feu. Ça aussi, tu le regrettes un peu. Mais qu’elle idée stupide d’accepter cette rencontre, encore plus celle d’accepter ce contrat que tu ne sais même pas par où commencer. Et tu rumines, tentant tant bien que mal de te frayer un chemin entre les rochers présents sur ta route. Plus tu t’éloignes de Zosha, mieux tu te sens. Peut-être ressortiras-tu de cette mauvaise décision qu’était celle de revenir ici, en un seul morceau. Toujours est-il que la prochaine fois, tu allais y repenser à deux fois avant de remettre les pieds ici.

C’est alors que tu les remarques, plus loin sur ton traver, un peu en hauteur, sur un promontoir à flanc de montagne. Ces mêmes montagnes que tu dois traverser afin de rentrer chez toi. Des armures rouges, reconnaissables entre toutes. Des soldats de la Nation. C’est la haine qui prend le dessus. Tu sens ton corps se tendre, ton cœur bat la chamade. Si ce n,est pas que tu tenais encore un peu à la vie, tu riais sans doute essayer de leur faire la peau. Mais tu ne peux te le permettre. Et c’est probablement mieux que tu essaie de laisser ce désir de vengeance derrière toi également.

Alors avec un soupir, tu essaies tant bien que mal de te fondre dans le décor. Si tu fais un détour, tu pourrais sans doute éviter de croiser leur route et poursuivre la tienne sans accrocs. L’habitude embarque, tu connais le danger depuis un moment maintenant. Tu essaies le plus possible de te fondre dans le décor, la distance diminue et tu te dis que bientôt la route sera plus tranquille. Dans quelques jours tu seras hors de ce pays et tout ira pour le mieux (et tu pestes encore une fois en pensant à ce contrat que tu n’aurais jamais dû considérer). Espoir trop rapide. Tentative vaine.

Il te fait face et tu restes figée. Son regard t’es familier, comme si tu avais déjà croisé la route de cet homme. Pourtant, tu n’arrives pas à te remémorer exactement quand. Le feu qui s’allume. Pincement au coeur (t’aurais bien aimé en être capable toi aussi (foutus élémentaux)). D’instinct, tu poses la main sur la garde de ta dague. Bon, tu sais déjà que c’est un peu inutile face aux pouvoirs d’un élémental, mais tu as aussi conscience que tu ne peux pas utiliser ton arc sur une si petite distance.

« Pourquoi ne pas continuer son chemin comme si on ne s'était jamais vu ? Après tout, je ne fais que passer. »

Ta voix est assurée. Tu sais qu’il ne te laissera pas faire (aucun bon soldat de la Nation du feu ne le ferait (et son armure ne te ment pas)) pourtant, tu n’as rien trouvé de mieux à dire pour te défendre.  Alors tu fais un pas vers l'arrière, histoire de l'éloigner doucement, sans animosité.

Face à face gênant, tu restes immobiles, tes gerbes de feu bien en places. Plus rien ne bouge, même le vent semble s’être arrêté. Le regard fixé dans le sien, tu attends. Tu ne sais pas quoi exactement, mais tu as attends. C’est quand elle se met à parler que tu comprends.


Aussitôt, tu es transposé dans le passé, cette voix-là, tu la connais. Tu la reconnais. Tu n’arrives pas à mettre un nom dessus, mais l’image est claire. C’est une gamine, qui essaie de toutes ses forces. Une enfant qui, comme toi, se bat pour trouver sa place. Une petite fille qui n’est pas une élémentale, mais qui cherche sa place et la trouvera sans le moindre doute. Tu la revois essayer toutes les armes possibles et inimaginables. Et tu souriais, de loin, en admirant cette fougue. Celle que tu possédais toi-même quand tu avais son âge. Cette énergie du désespoir qui aurait dû suffire, mais face à laquelle tu devais sans cesse te battre.


Tu rouvres les yeux sur le présent. Elle est toujours là, juste plus âgée et… beaucoup plus dangereuse. Même si tes flammes sont efficaces et que tu peux lui faire du mal, tu es absolument certain que ses propres armes ne sont pas en reste. Elle a la main sur leur poignée, prête à riposter, mais elle tente de négocier, elle recule même.

« Je ne peux pas, tu le sais bien. »

Tes yeux la supplient. Tu ne sais pas comment t’en sortir, tu devrais la dénoncer, la capture, vu sa démarche, elle n’a rien à faire ici et elle doit bien peser une jolie prime. De l’autre côté, ce n’est pas toi qui veut l’arrêter, c’est la nation dans laquelle tu es embrigadé. Celle dans laquelle tu dois faire bonne figure, pour gagner et grimper des échelons.

Et puis… tu ne peux pas la laisser s’enfuir, si c’était elle qui te trahissait ensuite ? Tu perdrais bien trop gros. Tu affines tes flammes, mais tu es toujours incapable de les lâcher. Incapable de faire du mal à quelqu’un quand tu n’as aucun public, incapable de briser des vies, plus que tu ne l’as déjà fait. Ton père se moquerait de toi, en te disant que tu te ramollis, mais tu en es fier. Fier d’essayer par tous les moyens de devenir bon, meilleur même.

« Je ne peux pas te laisser sauve sans risquer ma vie. » reprends-tu. Comme pour t’encourager, comme pour t’aider à faire le mauvais choix qui te répugne. Tu as besoin de motivation et c’est normal. Une fois de plus, tu plonges ton regard dans celui de la jeune femme, en espérant qu'elle te sauve d'un meurtre ou d'une capture sans pitié que tu ne veux pas effectuer.

Tes yeux ne peuvent quitter les flammes qui dansent dans ses mains. Tu n’irais pas jusqu’à dire que tu en as peur, la peur ne te servirait à rien et tu en as bien conscience, mais tu sais également que tu n’as pas vraiment de chances contre lui. Contre un Élémental. Donc s’il décide que tu es foutue, tu l’es assurément. Mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Tu connais cette armée. Tu l’as convoitée, tu l’as enviée, tu l’as méprisée. Et tu as voulu croire (pour le bien de la Nation ou pour ta propre conscience, tu ne saurais dire) que tous n’étaient pas aussi mauvais. Qu’ils ne s’agissait que de certains. Mais quand on suit aveuglément des ordres aussi ridicules que ce que tu as pu voir, y a-t’il encore quelque chose de bon ? Peut-on réellement garder espoir en quelqu’un qui ne peut faire la différence entre le bien et le mal ? Entre un ordre respectable, et un massacre ridicule ? Tu retiens un soupir. T’es foutue.

Les secondes défilent avec une lenteur désagréable. Comme si le temps ne voulait pas bouger, lui non plus, retenant son souffle et attendant la suite des choses. L’homme ferme lentement les yeux. Tu as essayé, Azami, de négocier ton passage même si tu n’es pas la plus grande oratrice qui soit. Une tentative maladroite peut-être. mais mieux que rien. Éviter le combat, c'était une chance de plus de survivre. Mais il ferme les yeux. Tu as l’impression que c’est pour se concentrer. Tes muscles se tendent, prêts à réagir au moindre signe d’agressivité ou de mouvement de la part de l’homme. Et tu maudis intérieurement ce contrat que t’as accepté (d’autant plus qu’il te faudra sans doute revenir ici).

Il ouvre de nouveau les yeux.

Ton sang se glace. Ce regard te dérange et le sentiment de familiarité que tu avais depuis que tu lui faisais face s’accentue. Un souvenir lointain, d’un homme plus vieux que toi. Un souvenir lointain, un peu embrouillé dans ton esprit, que tu repousses. Peu importe qui il est, s’il est dans l’armée du feu, tu préfères ne pas t’en souvenir. Mais malgré tout, les images s’éclaircissent. Tu remarques un changement dans le regard de l’homme, mais tu ne sais qu’en penser. Une certaine douleur, peut-être ? Comme si ses paroles le blessaient. T’as peut-être une chance finalement (de t’en sortir, de négocier). Le mouvement des flammes parle plus que lui. Leur danse infernale semble plus doux.

« Qu'est-ce qui vous oblige ? » La question est rhétorique, tu sais qu’il comprendra. Parce que pour être puni, il faudrait que quelqu’un d’autre assiste à cette conversation (ou qu’il en parle, ce qui te semble ridicule puisque ça reviendrait à se jeter lui-même dans la gueule du loup (un peu comme toi, tu as décidé de faire, ridicule)). « Vous savez bien qu’ils ont tort. Je ne vous veut pas de mal, je ne connais même pas votre nom. » Jin. Shao Jin. Ça te revient d'un coup, alors que les souvenirs d'entraînements acharnés, de rêves de grandeurs et de famille aimante se superposent à la réalité. Un souvenir clair, d’un jeune soldat t’encourageant d’un signe de tête à mettre les efforts nécessaires pour réaliser tes rêves. Mais ton visage reste de glace. tu ne peux lui faire comprendre que tu te souviens. « Je ne cherche qu’à rejoindre le Royaume de la Terre. Si vous ne dites rien, comment pourront-ils savoir ? Et de là-bas, je ne pourrai jamais vous atteindre, non ? » Tu  pousses un soupir, puis lèves les yeux au ciel. « Avez-vous déjà vu le Royaume de la Terre ? Autre que pour les sièges que votre armée y a fait ? »

T’es pas du genre à parler autant d’habitude. Mais tu sais que négocier ne servirait à rien. Il ne t’as pas l’air insensible. Peut-être que la corde émotive pourra te donner une chance ?

Alors que la situation est dangereuse et risquée, tu as envie de rire. Elle tente de négocier et ça te soulage, parce que ça te permet de gagner du temps, de trouver un compromis, d’éviter de la tuer. Tu espères de tout coeur que tu n’auras jamais à le faire. Ta vie a été remplie de bien trop d’horreur pour que tu aies envie de continuer, encore, sur ce chemin-là.

« Ce n’est pas qu’une question de … nom. »

Tu as fait une pause avant la fin car son regard a changé, imperceptiblement. Tu ne sais pas ce que ça signifie, si elle est soulagée ou en colère, mais l’une des deux émotions est bien présente. Tu n’es pas serein, pourtant, tu as envie de l’être. Envie d’accorder ta confiance à cette étrangère, perdue. Parce que tu sais qu’elle a galéré. Le soucis, c’est que tu ne sais pas ce qu’elle est devenue. S’est-elle enfuie et se bat-elle contre son peuple ? Ou au contraire, est-elle un espion au sein de la nation du feu ? Dans le premier cas, tu lui donnerais même tes rations si elle en a besoin, dans le deuxième cas… tu es fichu. Mort. Tu vas devoir la tuer, car personne ne peut savoir que Shao Jin émet le moindre doute. Pour rien.

Son visage est froid, neutre, elle est douée. Tu essaies de mettre ton propre masque, mais ses mots attirent ton attention. Elle veut rejoindre le royaume de la terre… si elle était en mission, si elle était espionne, elle aurait un laisser passé, non ? Ou tout ça n’est qu’une vaste farce. Arg.

« Je me souviens de toi. » finis-tu par avouer.

Ton regard se plonge dans le sien, en essayant d’y lire un quoique ce soit d’encourageant, qui puisse t’aider à trancher. Seulement, tu continues, tu espères ne pas te tromper. La flamme s’éteint dans tes mains. Puis se rallume aussi vite, tu n’es pas tout à fait en confiance, mais tu veux lui montrer que tu es capable de ne pas être ce soldat.

« La question est, que vient faire une citoyenne modèle de la nation du feu dans ce trou perdu et qui en plus cherche à rejoindre le royaume de la terre ? Ne mens pas, je sais que tu viens de la même nation que moi. »

Le regard toujours fixé sur le sien, mais la flamme qui danse dans sa main ne semble plus aussi dangereuse et agressive. On pourrait la qualifier de protectrice plutôt.

« Mais tu as raison sur ce point, » Elle n’a rien dit, mais son regard, sa position, ses mots sur le royaume de la terre criant de vérité, l’ont fait pour elle « Je ne veux pas te tuer. » avoue-t-il doucement.

Si elle n’est pas ce qu’il croit, Jin est perdu. Ses yeux brillent d’un éclat nouveau, un espoir plus grand encore. Peut être a-t-elle eu des nouvelles du Cursed Lotus, peut être pourrait-elle parler de ses occupants ? L’espoir grandit, avant de s’éteindre. Il ne peut pas éveiller le moindre soupçon, il ne doit rien demander.

« Alors, choisis-tu la vie ? » souffle-t-il.

Dans tous les cas, elle lui dira ce qu’il veut entendre, mais c’est à lui de déceler si elle dit la vérité ou un mensonge, si elle se joue de lui ou si elle est bien ce qu’il espère qu’elle soit devenue. Si elle est une citoyenne de la nation du feu éclairée, dont les yeux se sont ouverts sur la cruauté de ce que fait leur peuple.

Il ne te semble pas être aussi avide de sang que les autres soldats de la Nation du Feu que ta route à déjà croisé. Certes, la majorité de ces rencontres se passaient généralement hors de leur Royaume de contrôle et ils se devaient donc de te laisser la vie sauve sous peine de représailles. Cette fois c’était différent. Tu étais sur SON territoire. Et tu tentais de négocier. La majorité des soldats t’auraient déjà coupé la langue pour avoir fait un tel affront à leur statut, tu le sais bien. C’est d’ailleurs ce qui te donne l’impression qu’il est différent. Que Shao Jin est ce même homme qui t’encourageait de loin. Que la guerre ne l’a pas trop changé. C’est ce qui te permet de croire (ce qui te donne espoir même) que tu as encore une chance de t’en sortir.

Tu ne peux t’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant sa réponse. C’est tout à fait une question de nom. Parce que si tu te souvenais du sien (ce dont tu te souviens (mais tu ne peux lui laisser savoir cela)) ça pourrait lui poser problème, tu pourrais revenir vers ce soldat qui t'avait épargné et lui attirer des ennuis. C’était une question de nom. Parce qu’en ne le connaissant pas, tu ne pouvais pas le blâmer (ou le remercier), personne ne saurait que c’était lui. C’était donc une question d’égo. Ou alors on lui avait lavé le cerveau plus que tu ne l’avais cru au départ (c’était difficile à dire). Toujours est-il qu’après ton petit élan de caractère, tu ancres de nouveau ton regard dans le sien. Les mots fusent, avec un nouveau moment de… comportement hautain ? Tu veux rentrer chez toi, ton vrai chez toi. Tous les coups sont bons pour y arriver. Sauf que tu ne t’attendais pas à cette réponse, cette affirmation. Celle qui te prend au dépourvu. D’instinct, ta main se pose sur ton coeur alors que tu fais un pas vers l’arrière. Une seconde. Une seule seconde où il est arrivé à te déstabiliser. Puis tu te reprends, d’un coup, alors que ton poing se serre et que tu relève la tête le défiant du regard.

Il se souvient… Tu n’étais qu’une enfant, mais il a réussi à faire le lien. C’est dangereux pour toi, tu le sais bien. Il se souvient. Mais toi aussi. Tu vois la flamme dans ses mains vaciller.  Tu as encore une chance, cette tournure d’événements peut encore jouer en ta faveur. Et tu n’as rien à perdre. Et sa question attise la colère dans tes yeux.

« J’ai quitté cette nation il y a longtemps, soldat. Je ne t’ai pas menti, je cherche à rentrer chez moi. » Tu ne sais pourquoi, mais tu as ce sentiment que c’est le meilleur chemin à prendre. Que tu peux jouer sur ses différents avec votre nation d’origine pour tenter de t’en sortir. Que tu peux jouer sur cette lueur d’incertitude que tu vois danser dans son regard. Tu ne baisses pas ta garde, mais un léger sourire étire tes lèvres.

« Me donnes tu vraiment le choix…? » murmures-tu à voix basse, incertaine de la tournure des choses. « Je ne peux vivre ici, laisse moi partir… » Ce n’était plus un défi, mais une supplication. Et quelque chose te disais qu’il comprendrait. Que cette Nation n’était plus la tienne, mais sans être totalement la sienne non plus. Que les souvenirs de cette enfant qui avait des rêves n’étaient pas faux, que les rêves avaient seulement changés. Comme son allégeance après que le drame ait frappé. « En souvenir d’autrefois ? »

Il y a quelque chose de fort dans son regard, de vrai, tu le comprends quand elle laisse tomber son masque, juste un quart de seconde. Elle fait un pas en arrière et elle se trahit. Tu sens le soulagement t'envahir, mais tu t'interdit de bouger ou d'enlever ton propre masque. Plus que tu ne l'as déjà fait en fait. Ta maîtrise du feu s'accorde à tes émotions, tu l'as compris il y a bien des années, alors si ton visage ne te trahit pas, c'est ton feu qui le fait à sa place.

Tu as envie de la croire, mais tu ne veux pas risquer ta vie, cet enjeu est trop grand. « Comment te croire ? » murmures-tu « Comment croire que tu vas juste partir alors que nous tenons chacun la vie de l'autre entre ses mains ? » Peut être n'y a-t-elle même pas songé ? Qu'elle tenait aussi la tienne ? Et soudain, tes doutes fondent comme neige au soleil, si elle n'y a pas songé, c'est qu'elle n'en a pas la possibilité. Elle aurait pu jouer sur ce point-là, t'arracher un serment, une promesse, mais elle n'en fait rien. Elle est la seule qui risque sa vie, puisqu'elle n'a aucune envie de s'approcher des autres soldats, ainsi, elle ne peut pas te trahir, parce qu'elle risque d'abord la mort.

« En souvenir d'autrefois, » acquiesces-tu en reculant d'un pas. « Mais oublie mon nom, s'il te plaît. » Tu ne te souviens pas du sien, tu n'es même pas certain de l'avoir su un jour, mais le tiens, si elle s'en souvient, le meilleur cadeau qu'elle pourrait te faire, c'est de l'oublier. « Je ne t'ai jamais vue. »  souffles-tu, le coeur lourd. Tu avais envie d'échanger avec elle, envie d'apprendre des nouvelles du monde, de vraies nouvelles. Tu as bien conscience que chaque fait que tu découvres au sein de l'armée est modifié ou amplifié, tu as trop vécu sur le Cursed Lotus pour comprendre comment marche une armée.

« Juste » avant qu'elle s'en aille, tu tentes de la retenir, parce que tu meurs d'envie de parler avec quelqu'un qui comprend. Il en existe sûrement d'autres des comme vous, des gens qui ont fui la nation du feu parce qu'ils ne s'y retrouvaient plus, mais tu n'en connais pas d'autres, tu ne peux faire confiance à personne. « Peux-tu me donner une information ? Sur ce qu'il se passe vraiment ailleurs ? » Cela fait trop d'années que tu es de retour ici, que tu es traité comme un moins de rien, inutile et traitre à la fois, tu ne sais rien, même la propagande arrive à tes oreilles avec du retard.

Tout a changé, tu es en confiance, tu ne devrais pas, évidemment, tu devrais rester sur tes gardes, mais tu as décidé de ne plus la craindre. C'est sûrement là ta plus grande faiblesse.