Ba Sing Se. De tous les endroits de ce fichu monde, il avait fallu que ma sortie du monde des Esprits me conduise au coeur de la capitale du Royaume de la Terre. J’avais maudit mon matelot, et aussi ma manie à toujours vouloir secourir les autres. Bon sang ! J’étais loin si loin de la mer que je sentais la syncope arrivée… Ou alors était-ce le contrecoup de tout ce qu’il venait de se passer ? Dans tous les cas de figure,, la situation craignait, je devais à tout prix réussir à joindre le Cursed Lotus ou alors trouver un moyen de rejoindre les côtes les plus proches.  

Mais avant, je devais me reposer. Agir la tête douloureuse et l’esprit fatigué n’était pas une bonne chose.


J’étais presque prête. Prête pour un voyage improvisé vers la côte est, afin d'être enfin récupérée par mon équipage. Combien de temps avais-je passé à Ba Sing Se ? Je n’en savais strictement rien, et je m’en fichais complètement. Ça avait été trop long, il n’y avait rien à ajouter. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une certaine pointe de tristesse face au départ imminent. Pour sûr, les rencontres faites m’avaient beaucoup aidée, et je n’allais pas oublier ceux qui m’avaient tendu la main de si tôt…. Alors voilà que je me retrouvais à me balader en ville, vêtue de façon assez simple afin d’éviter d’attirer l’attention, dans le but de trouver un cadeau de remerciement pour la personne qui m’avait gentiment accueillie le temps de mon séjour improvisé.

Toutefois, je n’étais pas vraiment une professionnelle dans le domaine… Quel présent pouvait-on offrir ? De quoi manger ? De l’alcool ? Un animal ? J’étais complètement décalée, bien trop habituée à vivre son mon navire, et bien trop coincée au niveau émotionnel aussi, je devais bien l’avouer.  Trop fière pour demander de l’aide autour de moi, mais aussi un peu trop méfiante, j’avançais telle une âme en peine, incapable de faire des choix.

“Bonjour ! Je peux vous aider ?”

Sur le coup, j’eus envie de prendre mes jambes à mon cou, pour fuir, loin. Cependant, et après une bonne inspiration, je me tournai vers le vieil homme qui tenait une petite boutique de… Je ne savais pas trop de quoi d’ailleurs.

“Bonjour, heu, bah, je… Non, je… Oui, enfin…”

C’était un peu la honte, j’avais l’impression d’être une fillette incapable de faire une phrase correctement.  Je devais me reprendre.

“J’cherche un cadeau à faire, et j’sais pas trop.”
“Ohhh, pour un amoureux ? Vous voulez faire un cadeau à votre âme soeur ?”

Incrédule face à la réponse et au sourire de l’ancien, je me mis à cligner des yeux de façon frénétique. J’étais tellement prise au dépourvu que j’en perdais mes mots, et confortais alors l’hypothèse de mon interlocuteur. Une vraie honte.

“Ahhh, je le savais !”
“Mais ! NON!  Non ! du tout!”

Il se mit à rire, de bon cœur… à mon plus grand désarroi. Alors, pour éviter de le contrarier, je décidai de mettre ma fierté de côté, et ressortis quelques minutes plus tard avec un bibelot qui, je le savais, allait bien faire rire celle qui avait été ma bonne étoile dans cette ville de fous. Au pire des cas, je pouvais lui promettre de revenir avec un bon ragoût de prunes. Ça au moins, ça valait quelque chose. Agacée mais ravie d’avoir un “truc” dans les mains, je me lançai alors dans la rue à toute vitesse, bien décidée à retrouver le calme d’une habitation… jusqu’au moment où mon corps s’en alla percuter violemment celui d’un inconnu.

“Oh ! D’solée ! NON!”

Je n’eus pas le temps de détailler le visage de l’homme, bien trop occupé à observer mon bibelot qui avait rendu l’âme et dont les morceaux jonchaient le sol. Le choc me l’avait fait lâcher. Quelle plaie !

“Ah bah bravo !”

J’étais énervée, et lassée par cette stupide journée. Toutefois, même si l’envie de passer mes nerfs était bien présente, je m’arrêtai alors dans mon élan, une fois les yeux posés sur l’inconnu… qui n’en était pas vraiment hein…

“ Mais… Non… Kangee ? “

Étais-je en plein délire ? Le choc avait-il été violent au point de me faire voir des anciennes connaissances liées à la Tribu du Nord en plein cœur de Ba Sing Se ? A vrai dire, peu m’importait. La journée était bien merdique, alors je n’étais plus à une honte de plus.

Récap':

Le voyage avait été long, son premier long voyage. Peut-être à cause des failles qui s’étaient ouvertes vers le monde des Esprits, mais il avait décidé de voyager. Il était parti avec un groupe de la Tribu du Nord. C’était la première fois qu’il faisait un voyage si long, si loin des siens. Sa mère n’avait pas approuvé, mais il s’en fichait. Il était parti, avec la promesse d’écrire. La Nation du Feu n’avait pas manqué d’attaquer Omashu, ce qui faisaient inquiéter ses parents. Kangee aussi était inquiet, mais en ne voyageant pas seul, il était sûr que tout irait bien. Après le bateau, ils prirent des chevautruches et les premières minutes dessus furent drôles, mais difficiles. Cela le changeait du buffle yak, mais il appréciait leur démarche. Ils arrivèrent en ville, une des plus grandes et la plus peuplée de tout Ya Tai. Il regarda les grands murs et resta sans voix. Il faisait plus chaud qu’au nord, forcément. Il était comme un enfant. Il observait le système routier, le tramway qu’il n’avait jamais vu.

Cela le fascinait, il regardait tout comme un enfant. La ville était fascinante, son système aussi. Ils se reposèrent dans une auberge avant de se laisser le temps de mieux explorer. Kangee changea légèrement sa tenue, mais garda la base bleutée de la Tribu du Nord. Ici, il y avait de nombreux voyageurs, mais aussi des réfugiés de guerre. C’était l’occasion de voir comment allait les autres peuples. Les Tribus de l’Eau s’ouvraient à peine, encore moins le Nord d’habitude si repliée sur elle-même. Mais Kangee n’avait pas envie d’être ainsi. Il voulait tout découvrir et cela passait par se balader dans l’immense ville. Il y avait des dédales dans le marché, des stands de nourritures, d’objets tous divers, d’odeurs, d’animaux si étonnants et différents du froid du nord.

Cela donnait presque le tournis. Il laissait son regard voguer alors qu’une légère brise passa dans ses cheveux attachés en tresse serrée. La tresse dépassait largement ses épaules. Il sentait la pointe tapoter entre ses omoplates, un mouvement familier. Il se sentait nu sans ses corbeaux blancs, mais il n’avait pas désiré en prendre un durant le voyage. Il ne voulait pas imposer un voyage si pénible à un de ses animaux. Il était tout à ses pensées quand son corps cogna celui de quelqu’un. La voix le percuta, ainsi qu’un bruit au sol. La voix était énervée et Kangee la regarda. Il se figea en reconnaissant le visage.

Impossible ! Et pourtant, Ahloy était devant lui. Elle avait quitté la tribu voici plus de dix ans et il la pensait morte. Il la regarda, s’était-elle échappée du monde des Esprits ? Elle le regarda enfin. Il ouvrit la bouche, Ahloy.

« Ahloy, tu es vivante ? Je… Je te croyais morte. »

Il s’approcha lentement d’elle, mais s’arrêta. Il n’osa pas la toucher. Il était ému, profondément touché.

« Quand la Tribu va savoir… »

Il avait grandi en la croyant morte et en honorant son esprit aux fêtes adéquates.

« Es-tu sortie du monde des Esprits ? »

Il n’était pas chaman, il ne savait pas communique avec l’autre monde. Mais peut-être un don s’était-il déclenché ? Il cligna des yeux, faisant tout pour contrôler ses réactions.  

Nom d'un poulpe maudit ! J'avais vu juste ! J'étais tellement sous le choc de revoir cet ancien ami d'enfance que j'en oubliais la perte tragique de mon cadeau. D'autant plus que là, je n'étais pas à traîner au Nord comme pour Atka, ou au Sud, comme pour mon frère. Non, j'étais paumée à Ba Sing Se, Capitale de la terre, bien loin de mon navire et mes petites habitudes... Quelles avaient été les probabilités pour que ça arrive ? C'était un vrai miracle, une situation irréelle... Tellement irréelle d'ailleurs que le jeune homme n'arrivait pas à y croire.

Et oui, dans beaucoup d'esprits, j'étais morte. Et être en vie ne semblait pas être plausible pour Kangee. Ce qui avait le don de me faire un peu marrer sur le coup. L'heure était donc venue de rire un peu.

"Ahah, oui, bien sûr, j'me suis échappée et j'viens chercher ton ââââme !! AINSI QUE TOUTES CELLES DE LA TRIBU DU NORD !" lançai-je en prenant une voix grave et légèrement effrayante avant de lui taper amicalement l'épaule. "Mais non ! J'suis pas morte, idiot ! C'est bien moi !"  

Jamais je n'aurais cru le revoir, et pourtant... Des amis d'enfance que j'avais pu avoir au Nord, le jeune homme avait été... une sorte de grand frère. L'émotion était là, même si j'avais une façon bien à moi de la montrer via les taquineries et gestes... Mon passé revenait au galop depuis des mois, à croire que le temps passé loin des miens avait été suffisant. Ainsi, j'avais revu ces visages qui m'avaient marquée, et dont je n'avais jamais oublié les traits, et cela continuait... pour mon plus grand plaisir finalement.

"Qu'est ce que tu fais ici ?! Je... "

J'étais émue, et pas vraiment habituée à l'être, ni à réussir à parler dans cet état. Le fait d'être si loin du navire me rendait bien trop sensible, et j'avais l'impression d'avoir ouvert les vannes qui bloquaient mes larmes depuis les retrouvailles avec Atka. Mais il ne fallait pas que je me mette à pleurer ! Pas comme ça, pas en pleine rue !

"Bordel, tu vas m'faire chialer..."

Enfin je voyais un repère, un visage qui renvoyait à des souvenirs positifs et surtout bienveillants... même si cela faisait des années, même si... j'étais partie du jour au lendemain.

** Tu crains Ahloy... **

Voilà que les remords venaient me ronger face à l'émotion visible sur le visage de Kangee... comme pour mon frère. La colère d'Atka avait bien moins douloureuse à encaisser sur le coup... Je devais m'y habituer, revoir ceux qui avaient beaucoup compté pour moi après mon départ ne serait jamais simple... C'était ainsi... Et je devais l'accepter.