Une journée de plus sur le point de se terminer. Le temps passe si vite.

Depuis qu’elle est arrivée à Gaoling, Megumi n’a pas vraiment eu l’occasion de s’ennuyer. Afin de mener à bien sa mission pour la Nation du Feu, la jeune femme s’est faite embaucher assez rapidement au marché de la ville. Ainsi, il lui est plus facile de traîner dans la zone, mais également d’en apprendre plus sur les marchands et leur marchandises sans attirer l’attention. Toutefois, il faut bien avouer qu’elle ne s’attendait pas à être autant surchargée de travail, ce qui eut notamment pour effet d’impacter le bon déroulement de sa mission. Son sourire et ses bonnes manières lui ont rapidement permis d’entretenir de bonnes relations avec la plupart des marchands de Gaoling, mais lorsque la nouvelle concernant la fin du siège d’Omashu dû à la défaite de la Nation du Feu s’est répandue, il est devenu très difficile de trouver des marchands prêts à changer de camps dans cette guerre. De plus, pour Megumi, cette triste nouvelle signifiait que sa mission actuelle était devenue en partie obsolète. Elle n’avait désormais plus la possibilité de soutenir le siège, étant donné qu’il n’existait plus, et c’était l’objectif principal de sa mission. Malgré tout, la jeune femme n’avait d’autre choix que de continuer à se mêler à la population de Gaoling, car il ne valait mieux pas qu’elle grille sa couverture : la jeune femme se trouve en territoire ennemi, et le panneau d’affichage ne cesse de lui rappeler que les espions de la Nation du Feu sont activement recherchés. Megumi devrait avoir peur, ou tout du moins, être anxieuse, d’autant plus que c’est la première fois qu’elle effectue une mission en dehors de la Nation du Feu – à vrai dire, c’est même tout simplement la première fois qu’elle s’aventure en dehors de la Nation du Feu, mission ou non. Mais elle se sentait plutôt sereine. Bien que sa mission lui soit attribuée personnellement, la jeune femme n’est en réalité pas seule à Gaoling : la présence de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], un membre de son unité au sein du service de renseignement ainsi que son prétendu cousin, contribue en effet à la faire se sentir sereine. Et il se trouve que la jeune femme a justement décidée de devenir espionne afin de vivre des aventures, à la recherche du danger et de l’adrénaline, donc ce n’est pas un avis de recherche qui va lui faire peur.

En revanche, il est vrai que passer ses journées à réapprovisionner et vendre des marchandises n’est pas exactement ce que l’on pourrait appeler une activité palpitante, mais il y a des mauvais côtés dans chaque profession. À défaut de réussir à trouver des « cibles potentielles », l’espionne du feu s’est mise en quête de récupérer des informations qui pourraient être utiles à l’avenir, notamment la provenance des marchandises ou le cheminement vers leur point de livraison : après tout, toute information est bonne à prendre, et cela lui permet de faire quelque chose d’utile pendant qu’elle et Aki s’organisent pour la suite.

C’est avec toutes ces informations en tête que Megumi arpente les rues du marché de Gaoling, ce soir-là. Malgré le froid de ce début d’hiver, la jeune femme s’attarde un peu. Le ciel est assez découvert, mais des flaques au sol attestent la présence de la pluie plus tôt dans la journée. Son regard se perd sur le paysage qui lui semble désormais si familier, à force de le voir au quotidien. Emplie de nostalgie, elle se rappelle le jour de son arrivée dans cette ville, il y a un peu plus d’un mois, ainsi que la sensation de découvrir de nouvelles rues, de nouvelles personnes, une nouvelle culture. Depuis son enfance, elle rêve de pouvoir voir le monde de ses propres yeux.

Sur son passage, plusieurs personnes s’arrêtent pour la saluer, et Megumi en fait de même, un grand sourire aux lèvres. Elle ralentit le pas à chaque fois qu’elle passe devant un stand ou une échoppe, afin d’échanger quelques mots de courtoisie avec son propriétaire, et finit par s’arrêter au niveau de l’échoppe d’une marchande avec laquelle elle a particulièrement sympathisé ces derniers jours. « Bonsoir ! Alors, il a aimé ton cadeau ? Haha, j’en étais sûre ! » Elle se met à rire et les deux femmes continuent leur discussion, jusqu’au moment où la marchande s’interrompt pour saluer un nouveau client en train de s’approcher. Par réflexe, Megumi se tourne vers celui-ci pour le saluer à son tour, mais sa première réaction est d’écarquiller légèrement les yeux de surprise lorsqu’elle se rend compte que le client en question n’est autre que… Aki ? Sans qu’elle n’arrive à mettre le doigt dessus, quelque chose chez son « cousin » lui semble différent, mais à cet instant précis, elle n’y prête absolument pas attention et s’adresse naturellement à lui. « Bonsoir ! » Megumi lui sourit calmement en remettant une mèche derrière son oreille. « Tu recherches quelque chose en particulier ? » Pendant quelques secondes, son regard est attiré par la tenue qu’il porte, avant de remonter au niveau de son visage par politesse. Ce n’est pas son genre de dévisager les autres, et encore moins de les juger, donc elle ne dit rien, mais reste perplexe quant à ses choix vestimentaires par rapport à d’habitude. C’est comme si un homme différent se trouvait face à elle.

Plusieurs questions commencent à se bousculer dans son esprit. Megumi est toujours souriante, mais elle sent qu’il y a quelque chose d’anormal dans son échange avec Aki. En revanche, elle arrive difficilement à trouver la cause de cette sensation désagréable qui lui donne l’impression que quelque chose ne va pas. C’est sans doute la fatigue, se dit-elle. Et son esprit cherche naturellement à trouver un raisonnement logique aux détails qui sortent de l’ordinaire, à commencer par la tenue du jeune homme. Est-ce que par hasard, Aki n’aurait-il pas reçu de nouvelles informations concernant leur mission, qui le pousse à préparer leur départ ? C’est en effet ce que suppose sa tenue et son sac de voyage. Si tel est le cas, il est sûrement venu au marché à la recherche de Megumi afin de lui en faire part au plus vite. Le regard un peu perdu en direction de la marchande de celui qu’elle pense être Aki vient affirmer ses convictions. Il a besoin de me parler en privé, pense-t-elle à nouveau. C’est forcément en rapport avec Sinawi. Il lui sourit avant de lui retourner sa question, comme pour confirmer davantage ses pensées, et les yeux de la jeune femme s’illuminent, se réjouissant de pouvoir entendre ce qu’il a à lui dire. Elle pense saisir une tout autre signification à sa question : il veut sans doute s’assurer qu’il n’est pas en train de la déranger dans le cadre de sa mission, qu’elle est bien disponible pour lui parler. Elle esquisse un sourire en coin, pour lui faire comprendre qu’elle a saisi son sous-entendu. « J’ai tout ce qu’il me faut. » Elle s’apprêtait à renchérir, mais se contente finalement de sourire à nouveau, hésitante.

Un autre détail ne colle pas. Megumi s’en rends soudainement compte après coup : Aki ne s’est jamais exprimé ainsi devant elle. Pourquoi changerait-il soudain sa façon de parler ? Dans le pire des cas, c’est sans doute Aki qui lui fait une mauvaise blague. Mais s’il a en effet reçu de nouvelles informations, peut-être que cela fait partie de leur future mission. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la raison de ce changement, Megumi préfère ne pas montrer son étonnement devant la propriétaire de l’échoppe. Et justement, au même moment, cette dernière leur annonce à tout deux qu’elle est sur le point de fermer. Megumi se tourne alors vers elle pour la saluer, et ne remarque donc absolument pas la surprise du jeune homme à ses côtés. « Merci pour ton aide la dernière fois, Megumi. Bonne soirée. » Megumi secoue gentiment la tête. « Tu n’as pas à me remercier, voyons ! »

Finalement, la jeune femme peut enfin donner toute son attention à celui qu’elle prends pour Aki, qui s’est d’ailleurs montré étrangement silencieux. « Je suis désolée de t’avoir fait attendre... » dit-elle un peu gênée, avant de reprendre son habituel sourire. Elle fait quelques pas en s’éloignant de l’échoppe, dans le but de s’éloigner des oreilles indiscrètes. « Tu viens ? » Elle s’est à nouveau tournée vers lui, en penchant la tête légèrement sur le côté, l'air interrogatif.