Réjouissez-vous, Omashu est libérée !

Ça fait tellement du bien d'entendre ces mots-là, plutôt que ceux qui ont résonné, il y a déjà des mois de ça, te glaçant le sang, t'hébétant. L'air est plus léger, moins oppressant, depuis qu'Omashu est enfin libérée. Tu sais que la bataille a été longue, sanglante. Tu y as participé, en partie, plus en tant que cultivateur qu'autre chose. Réparer les dégâts aux frontières entre les mondes, essayer de contrôler tous les esprits et créatures rôdant dans le paysage et pouvant s'en prendre aussi bien aux soldats du Royaume qu'aux ennemis. Non, tu ne seras jamais fan de l'odeur fétide de yaoguai araignée ou pire chauve-souris (vraiment, les créatures volantes, euuurgh), mille fois plus grands et pernicieux que leur forme d'origine. Mais tu préfères infiniment tuer des créatures que tuer des hommes. Tu as beau avoir été formé au combat, prendre une vie est une chose que tu rechignes à faire, une chose que tu ne ferais qu'en cas d'extrême nécessité. C'est bien pour ça que tu ferais un bien piètre soldat, Yichun. Tu veux défendre ton pays, mais pas de cette façon-là.

Alors, c'est ce que tu fais, là. À arpenter le sud du Royaume, partir à la recherche des esprits ou créatures qui pourraient persister, s'éterniser. La situation s'est beaucoup calmée, depuis que le sang et la fumée ne s'infiltrent plus tout le temps dans les poumons dès qu'on arrive près d'Omashu, mais elle n'est pas encore tranquille pour autant. Il y a eu trop de failles ouvertes, et des personnes sont toujours portées disparues. Tu espères que Lina a pu rentrer saine et sauve chez elle. À Omashu. Sortir du monde spirituel, où tu l'as perdue, dans cette brume horrible. Tu veux croire que ça s'est bien fini. Parce que l'alternative est insoutenable.

Pourquoi es-tu si loin dans le sud, Yichun ? Pourquoi carrément avoir pris le bateau, pour rejoindre l'île de Kyoshi, alors que toi et la mer, vous n'êtes pas du tout copains ? Peut-être parce que justement, vous patrouillez peu jusqu'aux territoires aussi éloignés. Comme beaucoup de compatriotes, Yichun, tu n'aimes pas ne pas avoir la terre sous tes pieds. Si tu as bien visité quelques îles, ça a toujours été une occasion très rare, pour toi. Ton pays est déjà si grand, le territoire de ta secte, déjà si vaste à parcourir. Pourquoi encore aller plus loin, là où il y a relativement peu de population ?

Mais non. C'est ainsi que des villages se retrouvent à la merci de créatures ou de malédictions. Parce qu'aucun cultivateur n'est venu voir.

Alors te voilà, Yichun. À te demander, à vingt-six ans et en tant que disciple senior, s'il est trop tard pour peut-être apprendre le vol sur épée auprès de la Tour. Déjà que tu peines un peu à maîtriser la multiplication de ton épée, en ce moment (tu apprends lentement, tu sais, mais tu apprends, ok !), tu n'es pas sûr que tu arriverais à une technique si avancée. Mais ! Ce serait tellement pratique, là. Vraiment pratique, te dis-tu, tandis que tu gravis cette foutue montagne, et que tu maudis (un peu, juste un peu) ces villageois pour avoir construit leur village si haut. Pourquoi, hein ? Si t'avais pas entendu des rumeurs persistantes que plusieurs villageois étaient possédés – séquelles d'une faille restée ouverte trop longtemps ? –, tu ne serais pas là.

Mais en attendant, tu peines. Un peu. Pas mal. Même si t'as l'habitude des falaises, à Gaoling, t'as l'impression que l'air te manque, ici. Et puis, t'as probablement pas vraiment assez mangé. Alors tu n'es qu'à moitié étonné, Yichun, quand tu rates un tournant et que...tu dégringoles un petit peu sur le flanc de montagne. C'est uniquement tes réflexes et la fidélité à toute épreuve de Hongyue qui pousse la lame à sortir seule de son fourreau pour se planter dans la roche afin de te donner un appui.

« Je hais la montagne. » marmonnes-tu contre la paroi rocheuse, poigne serrée autour de ton épée, mains légèrement écorchées, tandis que tes pieds cherchent un appui pour remonter sur le chemin.