I Want To Break Free

quelques kilomètres au nord de Gaoling - 41e an Ri Wu @Su Yichun

Bien évidemment, courser ça avait été l’idée de Samaya. Même si tu n’as pas hésité un seul instant pour accepter le pari : là où Aayusha a toujours préféré le sol, la benjamine de tes sœurs a toujours mieux compris l’appel vibrant dans tes veines pour les airs. Peut-être était-ce logique, considérant que la terre et l’air sont les deux éléments les plus opposés. Et pourtant, c’est bien du mélange des deux qu’est né ta famille, par un mariage très heureux. Comme quoi les contraires s’attirent, comme on dit si bien. Toutefois, s’il y a quelque chose de bien innocent à surfer sur le vent à toute vitesse lorsque vous êtes au Temple de l’est, c’est tout autre chose en territoire inconnu. Plus légère que toi et mieux portée par les éléments, ta cadette t’a bien rapidement devancé quand une énorme bourrasque de vent l’a propulsée vers l’avant, merci sa maîtrise élémentaire, tandis que tu as failli perdre l’équilibre sur ton épée et que ta course a été déviée. Le temps que tu te stabilises de nouveau, ta soeurette avait disparu de ton champ de vision, déjà bien loin devant toi devant l’étendue de terre qui se ressemblait autant à l’ouest qu’à l’est, pas moyen de savoir quelle était la bonne direction à prendre. Et bien évidemment, c’était elle qui gardait la carte avec elle. Bien sûr. Elle ne réaliserait probablement pas ta disparition tout de suite et ne viendrait donc pas te chercher de sitôt. En attendant… il n’y a qu’à essayer de te réorienter et d’espérer que vos chemins se croiseront plus tôt que tard. Ou qu’ils se croiseront tout simplement…

La course a épuisé tes forces plus rapidement que prévu et après un moment à tourner en rond, parce que tu n’oses pas trop t’éloigner, puis parce que tout se ressemble à tes yeux, tu finis par te rendre à l’évidence : il va falloir poursuivre la route à pied le temps que tu récupères un peu. De quoi te ralentir, mais surtout te rendre plus difficile à repérer : on ne croise quand même pas des masses de cultivateurs sur une épée volante en plein milieux du Royaume de la Terre, ce n’est pas exactement monnaie courante. Ils n’ont pas eu besoin de s’adapter à un temple de l’air, conçu spécialement pour les nomades plus à l’aise dans les airs que les pieds sur terre. C’est tant pis, mais il faut que tu avances et surtout que tu ne t’épuises pas trop avant de te résigner à te poser : tu ne sais pas combien de temps encore tu vas errer, ni ce que tu pourras bien rencontrer comme danger une fois au sol. Il faudrait que tu puisses inventer un moyen d’amplifier ton énergie spirituelle. Ou de la stocker quand tu n’en as pas besoin, pour les moments d’urgence. En grande quantité. Très grande quantité. Mais on y repassera, tu n’as jamais été le meilleur cultivateur de ta secte, malgré la supervision attentive de ton père et des autres maîtres de la Tour.

Par chance, tu survoles en ce moment une route, ce qui est toujours mieux que de se retrouver en pleine nature, parce que règle générale, les routes mènent quelque part. Il doit y en avoir des interminables, sans destination, mais ce ne doit pas être la majorité, car qui irait tracer un chemin pour aller nulle part? De ce fait, peu importe si tu es dans la bonne ou la mauvaise direction, tu finiras bien par croiser un village ou quelque chose comme ça et une fois sur place, tu pourras te renseigner auprès des villageois sur la bonne direction à prendre et avec un peu de chance arriver avant la nuit pour un bon repas et un lit où passer la nuit. Tu décélères donc pour te poser sur la route et tu ranges Lingqiao dans son fourreau, attaché dans ton dos à côté de ton pipa. Comme tu aimes être toujours bien présentable en toute occasion, tu replaces les plis de ta tunique et lisse tes cheveux : quelques mèches folles s’échappent toujours de ton chignon.

Et enfin, après tout ce temps, tu remarques enfin la silhouette vêtue de gris appuyée contre un caillou, à quelques pas de toi. Tu reconnais sans mal les couleurs de la secte mère à la tienne et ton cœur fait un bon. Tu n’es pas dans la mauvaise direction alors! La Forteresse ne doit plus être bien bien loin si tu en croises les disciples. Tu t’approches doucement, pour ne pas non plus trop le surprendre et te retrouver épée spirituelle à la gorge.

- Aheum, toussotes-tu délicatement pour manifester ta présence.

Maintenant que tu es un peu plus près, tu prends le temps de regarder un peu plus le jeune garçon. Très jeune. Ça te surprend même qu’il ait l’autorisation de partir en vadrouille seul, il doit tout au plus être un junior. Mais bon, ça ne te regarde pas et il y a longtemps que tu as appris qu’il vaut mieux ne pas se mêler des affaires d’autrui pour ne pas s’en mordre plein les doigts.

- Je suis en route vers la Forteresse au Pic Écarlate, serait-il possible de m’indiquer la direction à prendre, j’ai perdu ma carte.

Ou plutôt, elle s’est envolée au loin dans les poches de Samaya. On ne peut pas vraiment dire qu’elle soit perdue tout à fait. Seulement… séparée de toi.

T'entends un bruit étrange, au-dessus de ta tête.

Pendant deux secondes, tu te demandes si tu hallucines. Si le soleil a vraiment peut-être tapé un peu trop fort sur ta tête. Tu relèves le regard vers le ciel, mais le soleil t'aveugle et tu détournes le regard, avec un soupir mécontent. Pouah. Probablement un oiseau. Le bruit de sifflement, comme une épée, n'était probablement que le fruit de ton imagination. Tu t'es vraiment trop entraîné à l'épée (pour les résultats que ça a hein, t'as l'impression que les muscles de tes bras se développent presque deux mois moins vite que ceux de tes shixiong, c'en est désespérant), à croire, si tu commences à imaginer le son, même quand tu es loin des terrains d'entraînement.

Distraitement, appuyé contre ton rocher, yeux fermés l'espace d'un instant, tu te demandes s'ils s'entraînent aussi durement à l'épée, au Jardin. Probablement pas, hein ? Ce n'est pas leur arme principale, c'est l'arc. Les cours sur la maîtrise de l'arc sont dérisoires, à la Forteresse. T'as appris à t'en servir, au cas où tu n'aurais pas de lame sur toi, mais tous tes maîtres ont fait clairement comprendre que c'était sabre ou épée, ou au pire, une autre lame si on a pas de choix, et vraiment au pire du pire, combat à mains nues, mais c'est vraiment tout. L'arc n'est pas digne d'être l'arme spirituelle première d'un cultivateur, n'est qu'un accessoire, blablabla. Des fois, t'aimerais juste voir autre chose, voir d'autres possibilités. Y'a du mérite à l'autre cursus. L'autre secte n'aurait pas tenu aussi longtemps si elle était si nulle. Alors pourquoi on est tellement opposés à s'en inspirer, hein ?

Tu as l'impression de sentir ton épée réagir à ta mauvaise humeur, mais ce n'est probablement que ton imagination. Si Hongyue a commencé à développer son propre esprit, sa propre volonté, tu n'es pas encore assez fort pour en avoir fait une arme solide. Elle t'est liée, c'est certain, mais tu n'es même pas encore un junior : ton épée ne vaut pas beaucoup plus qu'une lame de métal ordinaire, à l'heure actuelle. Et, ok, ça blesse un peu ton égo. Mais t'es jeune ! T'as seulement débuté l'apprentissage des formations de protection et de purification ! Et on risque de bientôt t'envoyer t'entraîner avec l'armée du Royaume et t'en as pas la moindre envie. Si tu tombais sur ta sœur aînée ? Ton père ? Tes cousins ? L'horreur. Tu n'arrêterais pas de te faire charrier. Toujours à être comparé aux autres membres de la famille bien plus doués que toi. Eux n'auront peut-être pas la solidarité de tes shixiong. Tu frissonnes, rien que d'y penser, et tu secoues la tête. Non, vraiment, tu dois quitter la Forteresse. C'est pas une secte faite pour toi.

Tout distrait que tu es, tu ne remarques la silhouette d'un inconnu que tardivement. Trop tard, si c'était un ennemi. Ton coeur accélère dans ta poitrine, un mini pic d'adrénaline dû à la surprise et...oui, une mini dose de peur. Tu essaies de te raisonner : tu n'es pas encore dans le Si Wong, les citoyens sont sûrement honnêtes par ici, les bandits ne traînent pas encore. Ce n'est probablement que quelqu'un de passage, rien de plus. Et surtout : ce n'est ni ta famille de sang, ni ta famille martiale, venue te trouver pour te ramener à la Forteresse. Tu forces tes muscles à se détendre, et tu te dis que tu ne crains rien, que l'inconnu va juste passer.

Mais...non. Il se dirige vers toi. Doucement, comme s'il avait pressenti qu'il t'avait peut-être un peu effrayé.

« Bonjour. » salues-tu, amicalement, détaillant du regard la silhouette de l'homme. Tu ne mets que quelques secondes à reconnaître un autre cultivateur et tes yeux s'écarquillent légèrement. Pas quelqu'un de ta secte, ça, c'est certain, mais d'où pourrait-il venir ? Quelqu'un du Jardin ??? Avec le soleil et le contre-jour, tu ne peux pas distinguer aussi bien que tu le voudrais les couleurs de ses robes. C'est l'habitude et l'épée portée sur le dos qui t'ont éclairé plus qu'autre chose.

Ton sourire se fige sur ton visage quand tu entends que l'inconnu est en route vers la Forteresse.

« Ah. Hm. La Forteresse ? C'est par là. » indiques-tu en pointant du doigt la direction d'où tu viens. Alors, ok, c'est très vague. Mais il suffit de continuer tout droit, en vrai. Et puis, à un moment, y'a plein de montagnes. Là, ça devient plus difficile à naviguer, certes. Il faut avoir un disciple avec soi, sinon les lions gardiens risquent de ne pas apprécier. Tu jettes un regard à l'homme, une pointe de suspicion se glissant en toi. « Pourquoi vous voulez y aller ? » Tes yeux s'étrécissent quelque peu. « Vous ne pourrez pas y entrer sans un disciple. »

Oups. Peut-être trop d'infos. Tu ignores si ce fait est très connu, en-dehors de ta secte natale. Tu ne crois pas. Merde. Mais de toute façon, même si l'inconnu t'assomme et te trimballe en tant que clé, les statues ne lui permettront pas l'entrée. La conscience de Hongyue est jeune, mais c'est une épée de la Forteresse : tu n'aurais pas pu quitter ta secte sans épée capable de reconnaître un ennemi et avertir du danger.

Reste à savoir si l'inconnu est un danger ou non.


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I Want To Break Free

quelques kilomètres au nord de Gaoling - 41e an Ri Wu @Su Yichun

L’accueil de l’adolescent est plutôt amical, ce qui signifie que déjà, il ne ressent pas de danger à ton approche, ce qui est une bonne chose. Enfin, pour toi. Ce n’est pas nécessairement l’idéal que d’accueillir à bras ouverts le premier étranger qui croise sa route, mais la jeunesse est plus téméraire et probablement en fait que toi aussi, tu ne te montrerais pas trop méfiant. À moins de voir les couleurs de la nation du feu, clairement là, tu prendrais tes jambes à ton cou. Enfin, tout dépendant de la situation, mais disons que ce serait risqué, après tout n’ont-ils pas tenté d’éradiquer tout ton peuple peu avant ta naissance? Mais dans cette région du Royaume de la Terre, il aurait été plus surprenant de croiser l’une de leur patrouille. Pas complètement impossible, mais la résistance au sud est tout de même un peu plus active, plus animée, pour ce que tu en comprends. Ça te fait penser à ta sœur qui a rejoint récemment les rangs de l’armée du Royaume de la terre pour en protéger ses habitants contre ses habitants et tu te demandes comment elle s’en sort. Vous n’avez jamais été très proches, elle a quitté la maison si jeune, alors avec le mode de vie des Nomades, c’est à peine si vous avez grandi ensemble, alors tu ne dirais pas que tu te sens inquiet pour elle, mais tu espères simplement qu’elle aille bien. Cette sœur qui est une quasi inconnue. Vous aviez espéré la retrouver en visitant la famille, mais elle était déjà partie. L’heure n’était pas encore venue.

Ta question semble avoir toutefois mis sur ses gardes le disciple. Ça ne te surprend qu’à moitié il faut dire. Après tout, les bases des sectes ne sont pas accessibles à quiconque veut s’y présenter, c’est normal, puisqu’elles regorgent de secrets et de trésors inestimables – pas de l’or, mais des biens de valeur encore plus élevée aux yeux des cultivateurs.

- Je viens de la Tour aux Mille-Vents, mon père était disciple de la forteresse avant de partir pour le Temple de l’Air de l’est, expliques-tu simplement.

Ce devrait déjà être un gage de confiance. Bon naturellement, tu pourrais être en train de lui mentir, mais tu lui désignes ton pipa, accroché à ton dos. Sans ton instrument, ta pratique spirituelle n’a que très peu de valeur – l’ironie réside dans le fait que tu n’as pas du tout la fibre musicale.

- Je suis attendu par des membres de la famille, peut-être les connaissez-vous. Il s’agit de la famille Zhou.

La description est vague, il ne manque pas de gens qui partagent le même nom sans que vous leur soyez parent. Toutefois, il y a longtemps que cette branche de la famille a rejoint la Forteresse et s’ils ne sont pas nécessairement parmi les plus illustres, ils ont bien quelques exploits à leur nom.

- Vous dites donc que c’est par là?

Tu pointes la vague direction qu’il t’a montrée, en espérant qu’il te donne un peu plus de précisions sur la route à suivre, parce que par là, tu pourrais t’y perdre encore longtemps sans retrouver ton chemin. Ça ne peut pas qu’être une simple ligne droite. Peut-être dépasserais-tu ton but en marchant un peu trop vers le nord ou vers le sud et là, ce ne serait pas chose facile de rejoindre ta destination finale.

Tu viens d'une secte de bourrins, Yichun. Tu le sais, c'est un fait avec lequel tu es intimement familier depuis tes six ans, à ton plus grand malheur. Des fois (souvent), tu te demandes si tous les nouveaux enfants qu'on ramène là ont juste eu le même parcours que toi : enfants non-élémentaux, mais qu'on veut quand même apprendre à savoir manier une épée et à se battre, plus efficacement que chez un maître d'armes traditionnel. Des enfants, des nièces, des neveux, des cousins de cultivateurs. Tous des gamins à sacrifier dans les montagnes écarlates, jusqu'à ce que l'usure finisse par avoir raison de leur santé mentale et qu'ils finissent par aimer tailler dans le lard (putréfié) avec un sabre.

Jusqu'à présent, t'as toujours toute ta tête, Yichun. Et tu veux partir de là. Pas que t'es maltraité, non. Enfin, c'est sûr que tu collectionnes les bleus, mais c'est plus parce que t'es pas doué. Non, t'es juste pas fait pour cet endroit. T'aimes pas la force brute préconisée par la Forteresse, ses méthodes parfois radicales et sanglantes. Tu peux pas aller dans un endroit raffiné ? Où on t'apprend à te mêler à la société ? À espionner ? Ça peut aussi être très utile un espion ! Maintenant, si seulement tes parents voulaient bien t'écouter…

Bref, quand l'inconnu te demande le chemin de la Forteresse, tu tires un peu la tête. Parce que tu veux justement t'échapper de cet endroit-là, et que t'as juste envie de dire à l'inconnu « fuis pauvre fou ! ». Et puis, quand l'inconnu te dit d'où il vient, d'accord, tu es un peu intrigué. Tu te redresses légèrement, ton air méfiant, sans totalement disparaître, se fait notoirement moins présent.

« Oh, vous êtes de la Tour ? » ne peux-tu t'empêcher de répéter bêtement, avec une pointe d'émerveillement dans la voix, avant que tes yeux ne se perdent sur son instrument de musique. Ah, son père a donc fait partie des fondateurs de la Tour, ça s'explique. Quelques anciens maîtres sont déjà venus en visite à la Forteresse, les liens restant étroits entre les deux sectes, mais tu n'as jamais sérieusement conversé avec l'un d'eux, simple apprenti que tu es. Tu les as observés de derrière les statues qui parsèment la secte, avant de te faire engueuler parce que tu épiais les invités plutôt que t'entraîner. Fasciné par ceux qui ont quitté la Forteresse pour fonder leur propre secte, pour venir en aide aux Nomades. Tu sais que la mentalité de la Tour reste proche de la vôtre, très traditionnelle, mais tu te demandes quand même en quoi ils ont changé. Les Nomades sont réputés pour leur sens de l'humour. Sûrement ça a un peu déteint sur leur secte, non ? Peut-être que tu pourrais t'échapper à la Tour ? Hm, quoique, tu n'es pas certain de vouloir quitter ton pays. La culture des Nomades...t'es pas sûr que tu pourrais t'y adapter.

« Zhou ? Hmm, c'est possible j'ai déjà entendu leurs noms, oui ? Mais hm, ils doivent dans des niveaux différents du mien, je ne les connais pas. » avoues-tu. Après tout, la Forteresse a pas mal de disciples. On peut te pardonner de ne connaître que les élèves qui partagent tes classes et tes professeurs, hein ?

Mais en tout cas, le monsieur a l'air fiable, tu peux te permettre de baisser ta garde. Simplement lui indiquer le chemin vers la Forteresse ne peut pas faire de tort. Il pourrait après tout obtenir ce même renseignement de la part d'à peu près n'importe quel citoyen de Gaoling. Les lions vous défendent très bien tout seuls, si jamais un problème venait à survenir.

L'inconnu pointe dans la même direction que tu lui as montré plus tôt et demande la confirmation que c'est bien par là qu'il doit aller.

« Oui. La secte est située dans les montagnes au nord de Gaoling. Quand vous voyez des reflets écarlates sur les montagnes, c'est par là. » Tu hausses légèrement les épaules. Après tout, la poésie ça n'a jamais été votre truc. Le pic d'une montagne aux reflets écarlates ? Une secte qui a plus des allures de fort que d'un temple ? Bim ! Forteresse du Pic écarlate. Tout est dans le nom. « Y'a beaucoup de marches, par contre, j'espère que vous êtes prêt. » ajoutes-tu, avec un sourire goguenard. Et puis, parce que tout d'un coup, tu te rappelles d'un détail crucial, tes yeux s'écarquillent et la question t'échappe, soudaine, maladroite : « Vous volez vraiment sur vos épées ? » Mais sérieusement ! Tu trouves ça trop classe ? Et quel gain de temps ! Pourquoi on ne vous apprend pas ça, à la Forteresse ?


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Tu sembles toucher une corde sensible en déclinant ton appartenance à la Tour aux Mille Vents. Ça semble le mettre un peu plus en confiance, ou en tout cas piquer sa curiosité, sans pourtant effacer toute trace de méfiance et ce n’est pas tout à fait une mauvaise chose par les temps qui courent. On n’est jamais trop prudent. Les siens lui ont bien enseigné ce principe de base. Tu acquiesces d’un signe de la tête à sa question, jugeant plutôt inutile de te répéter une autre fois : ce simple hochement devrait confirmer amplement ton propos. Toutefois, ta parenté ne semble pas éveiller en lui le moindre signe de reconnaissance, la moindre étincelle de rassurance. Tu sais que la Forteresse compte bien plus de disciple que ta propre secte, elle est beaucoup plus ancienne et la pratique de la cultivation est beaucoup plus intégrée aux habitants du Royaume de la terre que chez les Nomades. Sans compter que les attaques de la nation du feu vont ont largement décimés. Parce oui, malgré cet héritage du roc, tu appartiens au ciel, c’est indéniable quand on pense à la façon dont tu as passé ton adolescence à fuir pour voler sur ton épée, courser avec ta sœur en essayant de ne pas laisser votre mère savoir que tu n’étais pas assis sagement à apprendre tes classiques. Avec un peu de recul, tu songes qu’elle vous aurait probablement rejoint tous les deux, plutôt que de tout aller dire à ton père. Des deux, c’était probablement le plus sévère et le plus exigeant. Ta mère a toujours été libre et si elle a choisi de ton père compagnon, ce n’était certainement pas pour s’enchaîner à ses côtés. Tu l’as toujours connue comme une brise fraiche, là quand on en a vraiment besoin, parfois absente aussi dans les moments critiques. De ce père plus strict, tu sais bien peu de choses bien que tu aies passer plus de temps à ses côtés. Tu as l’impression de moins le connaître que ta mère. C’est sûrement parce que vous êtes en fait tellement semblable de caractère, vous deux qui êtes si sérieux – la plupart du temps. Ça et il ne s’est jamais beaucoup ouvert sur sa vie avant de rejoindre le temple de l’est. Tu sais que son nom de famille est Zhou, que même s’il tient à toujours le porter, il n’a pas jugé nécessaire de le transmettre à ses enfants.

Et ce Zhou qui aurait pu être ton patronyme est synonyme de beaucoup de mystère. Et peut-être détiennent-ils des réponses là-bas, à la Forteresse, sur cette part de toi-même que tu n’as pas encore apprivoisée, qui n’est qu’un renard sauvage.

En tout cas, si le nom ne sonne aucune cloche, au moins il prend le temps de t’expliquer un peu plus comment te rendre. Et une part de toi songe que les flancs de montagnes écarlates doivent être magnifiques et qu’il te tarder de les voir. Samaya est-elle déjà devant ce spectacle? Ou a-t-elle réalisé que son courseur a disparu?

Tu es sur le point de lui répondre que si jamais il y a trop de marches, tu pourras toujours te sauver l’effort en utilisant ton épée quand il te demande justement si vous voler vraiment sur vos épées. Tu bombes le torse avec une certaine fierté, le garçon vient tout de même de toucher une de tes plus grandes fiertés.

- Oui, vraiment. À ton âge je m’éclipsais des entraînements pour filer sur mon épée. Réciter des classiques et méditer, c’était un peu ennuyant.

Tu hausses les épaules et ta main se pose affectueusement sur Lingqiao, ton arme spirituelle. Vous partagez énormément de souvenirs de cette époque. Quelques accidents. Heureusement, elle s’en est plutôt bien sortie, contrairement à toi qui… enfin, tu t’es blessé quelquefois à vouloir dépasser tes limites et voler plus longtemps que ton énergie spirituelle ne te le permettait.

- Si tu me laisses un peu de repos, j’aurai peut-être assez d’énergie spirituelle pour te ramener avec moi, la route sera moins longue.

À moins qu’il ne soit en route pour visiter de la famille? À dire vrai, tu ignores vraiment ce qu’un disciple si jeune peut faire autant à l’écart des lieux de sa secte. Et de ce que tu as entendu dire de la Forteresse… ils ne jouissent définitivement pas de la même liberté que vous, à la Tour.

Tu ne peux t'empêcher de sourire, amusé, complice, en entendant ton aîné parler de rater des entraînements pour filer sur son épée. Méditer et réciter des classiques, raaah. Tu es bien content que ça ait juste fait partie de votre cursus quand vous étiez plus jeunes, ado, tu aurais terriblement du mal à passer autant de temps ainsi.

« Tu m'étonnes ! C'est tellement plus cool d'apprendre à voler ! Rien n'empêche de méditer en volant, j'suis sûr que y'a moyen d'y arriver. » Tu remarques un peu trop tard que tu as laissé tomber le vous de politesse et puis, oh, tant pis hein. Il aurait pu être ton shixiong dans une autre vie ! Un shixiong éloigné, voilà. Un shi…tangxiong ? Eh, peut-être. T'es pas sûr que ça se dit mais bon. Le principe reste le même, Tour, Fortresse, c'pas si loin !

Tu ne peux contenir ton enthousiasme quand l'homme – hm, tu devrais peut-être lui demander son nom, enfin, peut-être porte-t-il le nom de famille Zhou ? mais tu peux pas être certain – te montre son épée spirituelle et propose de te ramener avec lui.

« Oh oui ! Ce serait vraiment trop... »

Et puis, tu réalises exactement ce qu'il a dit. Ramener. Retourner à la Forteresse. Alors que tu as déjà marché si longtemps pour partir de là ! Tu es encore plus proche de Gaoling que de Ba Sing Se, certes, mais quand même ! Tu ne peux pas abandonner en si bon chemin ! Ton enthousiasme retombe comme une tarte aux œufs mal maîtrisée et tu as probablement l'air d'un chiot abattu et un peu grimaçant quand tu admets.

« Ah, euh. C'est que...je me rendais à Ba Sing Se ? Rendre visite à hm, de la famille ? »

Tu te mords la langue devant tes bafouillements et ton mensonge si peu convaincant, mais tu essaies de garder la tête haute, pour ne pas trahir tes véritables intentions. Tu n'aimes pas mentir, parce que tu n'y es pas doué et que c'est contre tes principes, mais admettre que tu cherches à fuir ta secte natale n'est peut-être pas le choix le plus judicieux. Si tu essaies de faire passer ton escapade comme une visite familiale, peut-être que ça peut passer ?

Peut-être que tu pousses un peu trop loin, mais tu demandes, d'une petite voix, et avec l'air le plus adorable que tu peux : « J'imagine que je ne peux pas te demander de faire une démonstration de vol sur épée dans l'autre direction ? »


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Tu ne peux t’empêcher de laisser échapper un éclat de rire. Il n’a pas exactement tort, c’est probablement possible de méditer et de voler sur son épée en même temps, mais il faudrait un niveau de maîtrise qui est nettement supérieur au tien, cela ne fait aucun doute dans ton esprit. Après tout, tu viens tout juste à peine d’atteindre le rang de maître au sein de ta secte, il te reste encore beaucoup à apprendre avant d’arriver au même stade que ton père. Ou même n’importe quel des autres compagnons qui ont aidé Hu Sonam à établir la Tour aux Mille Vents et en faire ce qu’elle est aujourd’hui. Toutefois, l’idée n’est pas mauvaise et il faudra très certainement que tu essaies. Ce pourrait devenir un concours dans lequel tu surpasserais Samaya dans les airs. Ton énergie spirituelle et ton épée ne vaut peut-être pas grand-chose contre le vent et son planeur, mais dans le domaine de la méditation, c’est toi qui mènes avec une petite longueur d’avance. Ta sœur c’est une boule d’énergie, une tornade constamment sur le point de soulever les nuages de poussières. Une réplique de ton adolescence, mais plus intense encore et surtout plus figée dans le temps. Et c’est probablement son tempérament bouillonnant confronté au tien plus posé qui rapproche autant, parce que vous vous complétez bien.

L’adolescent semble d’abord prêt à accepter ton offre de le raccompagner, avant de s’arrêter à mi-chemin, comme frappé d’une réalisation et tu le toises d’un air circonspect. En vérité, tu es plutôt surpris que la Forteresse autorise ses disciples à faire si longue route seuls. Ba Sing Se, ce n’est pas la porte à côté et le Royaume de la Terre n’est pas tellement plus sûr que les temples des nomades. Ne devrait-il pas être accompagné par un membre de la famille? Ou peut-être que toute celle-ci se trouve à Ba Sing Se. Mais alors pourquoi ne pas l’envoyer étudier au Jardin des Parfums dissimulés? Un déluge de questions déferle dans ton esprit. Cependant, même si vous partagez des origines similaires… peut-être les cultivateurs de Gaoling gèrent-ils leurs affaires différemment et ça ne te regarde pas trop. En même temps… il n’a pas l’air tout à fait convaincu lui-même de ce qu’il avance. Que faire?

- Ba Sing Se? C’est plutôt loin pour faire tout ce chemin à pied, remarques-tu finalement après un moment de silence.

En même temps, de quelle autre façon peuvent-ils vraiment se déplacer quand ils ne volent pas sur leur épée – tu crois – et qu’ils n’ont pas de bisons volants pour assurer leur déplacement? Mais sûrement, ils ont quelque monture, pour accélérer le trajet, tu as vu des charrettes se faire traîner par des bestiaux à quatre pattes.

- Je voyage avec ma sœur, elle m’a devancée. Elle doit avoir remarqué que je ne la suis plus depuis un moment maintenant, j’espère… ajoutes-tu en te grattant la tête avant de lisser tes cheveux, décoiffés par ce simple geste. Tu veux bien qu’elle soit distraite, mais tout de même pas à ce point.

- Je peux peut-être faire un bout de chemin quand même… elle n’est pas obligée de savoir que j’ai dévié un peu ma course, décides-tu finalement.

Tu t’assois en te laissant tomber lestement au sol : tu ne pourras pas repartir tout de suite, tu es un peu fatigué. Enfin il te reste suffisamment d’énergie spirituelle, ça ne se régénère pas à la vitesse de la lumière non plus, mais tu mérites tout de même bien une petite pause.

- Je m’appelle Tenzin, te présentes-tu enfin, réalisant que tu ne l’as toujours pas encore fait.

Ta proposition de méditer tout en volant semble faire mouche chez l'autre cultivateur. Tu ignores si c'est parce que c'est une bonne blague ou si ça lui rappelle de bons souvenirs ou peu importe. Au moins, il le prend bien ! C'est le plus important !

Maintenant, si cette super épée pouvait parcourir le chemin inverse...ça t'arrangerait pas mal.

Tu te demandes si tu pourrais être capable de voler sur une épée, tiens ? Tu sais que c'est une technique propre à la Tour mais...ça doit être possible, non ? Si eux le peuvent et que leur enseignement dérive du vôtre...c'est pas impossible que t'y arrives, n'est-ce pas ? Sauf si c'est peut-être une question d'épée aussi ? Tu sais que celles de la Forteresse tendent à être plus lourdes et grandes que les autres – de la surcompensation, un peu, non ? –, peut-être que ça peut être un frein au vol ? Ou est-ce que c'est une question de spiritualité ? Tu as bien l'impression que les Nomades ont influencé l'enseignement de la Tour en le rendant plus doux et moins agressif que celui de la Forteresse. Mais c'est vrai qu'à côté de la Forteresse, tout paraît plutôt doux.

T'as pas l'impression que l'étranger te croit, et tu commences à doucement paniquer. Tu es sûr que tu transpires de nervosité. Tu espères que ça ne se voit pas.

« Ba Sing Se? C’est plutôt loin pour faire tout ce chemin à pied. »

Oh non. Oh non, il a compris, tu en es certain. Que répondre ? Que répondre ?

« J'ai eu un souci avec le chevautruche que j'ai loué en chemin, une bête très capricieuse et je n'ai pas vraiment eu le courage d'aller le retrouver et la prochaine station est un peu loin. » offres-tu, alors même que tu grimaces en ton fort intérieur devant le mensonge. Tu détestes mentir. Tu crois que le mensonge reste vaguement plausible. Et tu as la sensation que ce serait vraiment quelque chose qui pourrait t'arriver. Enfin, tu crois, tu n'as jamais loué de chevautruche seul, les fois où t'as voyagé, c'était toujours avec ta famille ou d'autres disciples. Reste que le mensonge pèse lourd sur ta conscience.

Sa sœur ? Une autre cultivatrice de la Tour ? te demandes-tu. Oh, enfin, si elle n'est pas là, ça t'arrange. Peut-être que le gentil monsieur voudra bien t'emmener dans la direction que tu veux plutôt que vers la Forteresse.

« Oh ? Oui, ce sera rapide, promis ! » réponds-tu avec enthousiasme, quand l'autre homme a l'air de bien vouloir faire un bout de chemin quand même. Enfin, tu promets sans rien savoir. Aucune idée d'à quel vitesse vont les épées volantes. Aucune idée concrète de combien de temps ça met pour aller jusqu'à Ba Sing Se en épée. Un bout de chemin, c'est déjà mieux que rien ! Et puis, un vol en épée, ça doit être trop cool !

Tu penses que vous allez partir sur le champ, mais le jeune homme s'assoit, à la place et tu fronces un peu les sourcils. Puis, tu comprends (et te rappelles) qu'il doit probablement se reposer. Ça doit demander pas mal d'énergie spirituelle de faire voler une épée. Déjà que tu ne sais pas encore commander la tienne à distance (mais c'est normal, c'est un niveau de maître !), alors tu n'imagines même pas la contrôler non-stop sous tes pieds pendant des heures. Non seulement il faut le mental et l'énergie pour la faire voler, mais faut lutter contre les éléments. Ça doit être crevant !

« J'avais oublié que tu devais te reposer. » admets-tu, voix un peu timide. Avant de t'asseoir à ton tour, de façon probablement moins élégante que l'autre homme. Curieux, tu interroges : « Ça demande beaucoup d'énergie ? Tu peux voler combien de temps comme ça ? »

Tes maîtres regarderaient probablement l'autre homme avec envie. On peut rarement susciter autant ton intérêt en classe. Mais tu es fasciné par les techniques de l'autre secte. Si fasciné que tu en as totalement oublié toute politesse.

« Oh, pardon ! Enchanté Tenzin. (tu remarques qu'il ne donne pas de nom de famille, mais si tu te rappelles bien, c'est particulier aux Nomades de l'Air) Je m'appelle Su Yichun. » te présentes-tu, avec un léger salut formel. Enfin, vaguement formel. T'es conscient que c'était un peu bâclé. Tu espères que Tenzin ne t'en tiendra pas rigueur.


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Il faut admettre qu’en tant que cultivateur de la Tour aux Mille Vents, la question du transport n’a jamais été particulièrement préoccupante. Lorsque tu étais plus jeune, il y avait toujours bien un autre cultivateur plus avancé pour te prendre avec lui sur son épée ou alors quelque bison volant à disponibilité pour les plus jeunes lorsqu’une excursion avait lieu. Et encore, pas qu’il y en ait eu des tonnes, après tout vous êtes plus en sûreté à la maison que sur les routes par les temps qui courent. Alors des chevautruche, tu ne sais pas grand-chose, pratiquement rien en fait, donc tu ne peux qu’acquiescer devant le discours du jeune homme, faut de mieux savoir. Enfin, ça te semble tout de même bizarre qu’on laisse une jeune recrue sortir seule, même s’il a une monture, pour une route si longue, surtout avec le climat politique actuel et les incursions de la Nation du feu. Sauf que de le questionner plus avant, ce serait douter de son honnêteté et très franchement, tu n’es pas trop à l’aise d’accuser à tort et à travers les gens que tu ne connais pas. Ce doit être assez blessant de se faire traiter de menteur alors qu’on est de bonne foi et honnête. L’idée qu’il puisse te mentir ou déformer la vérité ne s’échappe pas exactement de ton esprit, mais tu la refoules dans un coin où elle ne dérangera personne. Parce que tu ne vas tout de même pas lui faire l’affront de trop penser de mal de lui alors que vous ne vous connaissez pas et que vos sectes de cultivation sont sœurs, voire peut-être mère-fille plutôt.

Tu poses les mains au sol derrière toi, l’herbe te pique un peu les paumes, mais sous tes doigts tu peux ressentir l’énergie de la terre, toujours en vibration. Ça te fait toujours un drôle de sentiment d’être si près du sol. Comme si la gravité s’imposait avec violence sur ton corps habitué à plus de légèreté, et pourtant une part de toi se sent attiré par cette énergie magnétique. Peut-être ton héritage paternel. Et tu t’interroges, tu te demandes si Samaya ressent la même chose, elle qui est encore plus habitée par l’air que tu ne le seras jamais, digne héritière de votre mère. Ou si Aayusha éprouves un sentiment similaire quand elle se trouve dans l’un des temples de l’Air, elle qui est si proche des racines de votre père plutôt que de votre mère. Et même ce jeune garçon, lui, est-ce qu’être debout sur le plancher des vaches lui donne les mêmes impressions que toi ou c’est tout particulier à ton existence à cheval entre deux cultures, deux mondes tellement différents.

- Enchanté Su Yichun, réponds-tu d’abord, le nom te roulant sur la langue tant tu n’es pas habitué aux patronymes. Faut-il toujours les utiliser quand on s’adresse à l’autre? Tu n’arrives jamais à te souvenir. Il te semble bien plus facile de vivre en n’étant le fils de personne et à la fois celui de tout le monde. De ne pas porter le poids d’avoir un père comme le tien, tout en pouvant être fier de ses exploits.

Tu n’ignores pas non plus sa question. Il te semblait simplement plus courtois de finir les présentations avant de te lancer dans de longues explications, d’autant que le vol sur épée, ça semble drôlement susciter son intérêt et considérant ta propre passion pour la chose… Toutes les formalités des noms et politesses de base s’effaceraient jusqu’à être complètement oubliées.

- Avec le temps, ça demande moins d’énergie qu’au début. On apprend à mieux la contrôle er l’économiser, expliques-tu brièvement. Tu toises le disciple et lui offres un sourire amical. Peut-être que tu peux te permettre un peu plus de détails, sans toutefois révéler les secrets de ta secte. À son âge, il devrait comprendre déjà, tu sais que la Forteresse n’accepte que les disciples en bas âge.

- Au début, c’est déstabilisant, les courants d’air font dévier la course ou perdre l’équilibre, puis l’épée ne répond pas toujours en parfaite harmonie à ses désirs. Puis un jour, on commence à faire circuler l’énergie avec plus de stabilité, plus de retenue. On s’épuise moins vite. Mais tout le monde a une limite différente.

Tu hoches la tête pour appuyer tes propos. C’est probablement plus compliqué que cela, ton maître l’expliquerait probablement mieux, après tout c’est lui le premier qui en a eu l’idée, mais tu crois en avoir assez dit pour qu’il comprenne suffisamment la science derrière le tout sans pouvoir l’appliquer non plus.

- Je peux tenir quelques heures, tout dépendant de la vitesse à laquelle je vais. Plus j’avance rapidement, plus je m’épuise rapidement. C’est logique.

L'étranger a l'air de croire ton histoire de chevautruche t'ayant lâchement abandonné, ouf. Bon, remarque, vu le caractère de ces bestioles, c'est complètement possible, en soi, tu en es certain ! Donc tu n'es peut-être pas si mauvais menteur que ça. Tu ne sais pas si c'est forcément une bonne chose, et la culpabilité te donne une sensation désagréable au creux du ventre. Tant pis, le mal est fait ! Tu vas essayer de mentir le moins possible, c'est déjà bien, non ?

Posé là au sol, interrompant ton voyage vers Ba Sing Se et le Jardin, tu penserais être plutôt...mécontent, Yichun. De ne pas pouvoir atteindre ton but aussi rapidement que tu le souhaites. Tu imagines que tôt ou tard, tes shixiong – ou même ta famille ! – se rendront bien vite compte que tu manques à l'appel, et tu devrais probablement te dépêcher. Tu ignores s'ils viendraient te chercher ou te laisseraient te perdre indéfiniment. Ton envie d'indépendance et ton attitude rebelle qui rêve d'une secte plus douce, correspondant mieux à ta personnalité et tes envies, a envie de croire que la seconde option est la plus probable. Mais tu imagines bien que c'est la première qui est la plus plausible. Pour tous ses défauts, tu as trouvé une véritable famille à la Forteresse. Une famille de vraies brutes qui aiment trop leurs sabres et épées à ton goût, mais une famille tout de même.

Ça ne t'empêche pas de rêver doucement, aux mots de Tenzin. La cadence de sa voix est tranquille. Il n'est énormément plus vieux que toi, mais tu penses qu'il a une aura calme digne d'être un professeur. Peut-être l'est-il déjà ? Après tout, les disciples seniors peuvent parfois prendre en charge les plus jeunes, chez vous. Peut-être que c'est le cas à la Tour aussi.

Pourrais-tu changer tes plans et rejoindre la Tour, à la place ? Tu la sais très rigide, et proche en mentalité de la Forteresse. Mais sûrement est-elle moins stricte ? Plus libre ? L'influence des Nomades de l'Air ? Peut-être que tu pourrais demander à Tenzin s'il est possible de rejoindre la Tour en cours de formation. Tu ne penses pas vraiment avoir de talent musical, mais ce sera mieux que de l'escalade à longueur de journée et des entraînements physiques à n'en plus finir ? Tu ne devrais pas être si mauvais en méditation.

Tu écoutes l'autre disciple, pensif, captivé aussi, tandis qu'il t'explique comment fonctionne le vol sur épée. Ça doit être absolument crevant de toujours verser son énergie dans son épée. Mais peut-être que ça devient moins fatiguant, plus une habitude, avec le temps ?

« C'est un peu comme une forme évoluée du contrôle de l'épée à distance, j'imagine. Enfin, en beaucoup plus compliqué comme il faut prendre tous les éléments extérieurs en compte, mais le principe de base doit être le même. » penses-tu tout haut. « Je ne suis pas encore à ce stade-là. » avoues-tu, les yeux fixés sur le sol, un peu gêné, bêtement. Bien sûr que tu n'es pas encore à ce stade-là ! Tu es un simple apprenti, on ne peut décemment pas s'attendre à grand-chose à ton âge. Inconsciemment, tu effleures ton épée, dont l'énergie tranquille n'a pas encore révélé ses pleines capacités – ça ne viendra que quand tu seras plus âgé et expérimenté. « Tu penses que ce serait possible pour quelqu'un de la Forteresse ? Ou est-ce que vos épées sont spéciales ? »

De façon probablement pas super discrète, tu jettes un regard à l'épée de Tenzin.

« Des heures à pouvoir voler... » ne peux-tu t'empêcher de répéter, un peu envieux. « Pourquoi venir ici, si tu peux aller partout ? »

Enfin, peut-être pas partout. Et oui, sûrement, c'est logique pour un disciple de la Tour de souhaiter payer une visite à sa secte mère. Mais...ne devrait-il pas profiter de ce formidable don pour découvrir le monde ? Partir toujours plus loin ? Mais ah, la guerre. Tu oublies parfois la guerre, Yichun, naïf adolescent protégé dans une secte que tu es. La guerre, au stade où tu en es, est un concept qui a toujours été omniprésent dans ta vie – tu viens après tout d'une famille de militaires – mais terriblement abstrait. Ce n'est pas comme si tu n'avais jamais vu de soldats revenir de batailles, que ce soit au manoir ou à la Forteresse. Mais comme tout jeune qui n'a pas connu la cruauté du terrain, pour toi, le monde reste encore sûr – car tes proches font tout pour qu'il le reste.


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