l'envolée

2ÈME MOIS DE L'ANNÉE 53 RW. @matsumoto seiya

Le moment avait été préparé dans les moindres détails, les probabilités avaient toutes été passées en revues, mais Jin se demandait tout de même ce qui allait mal se passer, parce que c'était impossible que les deux fils Shao s'échappent de l'emprise de la nation du feu sans le moindres soucis.

Evidemment, ils ne partaient pas comme des voleurs, une fausse mission agrémentées d'incidents véridiques leur avait été confié, Cheng avait tout fait pour que cela passe, mais ils ne devaient tout de même pas risquer de jouer avec le feu, le rang de Cheng dans l'armée devait garder du pouvoir encore un peu, au moins jusqu'à ce qu'ils soient libres. Et Jin avait constamment peur que ça n'arrive jamais.

Si Cheng avait une raison valable, Jin lui devait se faufiler au coeur de la Nuit et éviter de se faire prendre pour rejoindre le bateau de son frère. Personne de sain d'esprit n'aurait envoyé les deux frères en mission ensemble, leur père avait trop peur que Jin dévoile la vérité à sa fierté - son aîné. Dans l'esprit du Patriarche Shao, Jin était tordu, malade, fou et indigne de confiance. Alors il était constamment surveillé, observé, on lui mettait des bâtons dans les roues et il n'avait pas le moindre temps libre. Ce que le père ne savait pas, c'est que Jin avait réussi à parler à son frère et qu'en réalité, les cours de peinture avec Seiya n'étaient pas une humiliation mais un moment de calme et de bonheur. Ils n'avaient eu que trois cours, c'était peu, mais ça avait suffit pour que Jin progresse et garde dans son coeur ces moments hors du temps. Loin de l'armée, loin de la mort et de la destruction. Avec ces cours, il avait appris à voir le monde autrement et s'était remis à espérer : il n'était pas seul.

Cette nuit, pourtant, alors que l'aube n'allait pas tarder à se lever, Jin était indéfiniment seul. Une fois ses camarades endormi - il vivait à la caserne, partageant sa chambre avec 4 autres soldats - il s'était relevé. Sans un bruit, il avait pris le sac qu'il avait préparé, avec les quelques affaires qu'il voulait emmener, laissant toutes les autres. Avec un peu de chance, on ne prendrait pas son départ pour une désertion dès les premières lueurs de l'aube. Il n'y croyait pas, mais l'espérait tout de même.

Le souffle emplissant l'air devant lui de buée, il courait entre les ombres. Le chemin ne lui était pas inconnu, il l'avait étudié et appris pendant plus d'un mois. Il savait ce qu'il devait faire, il savait ce qu'on attendait de lui. De l'autre côté, il savait pertinemment ce qui lui arriverait s'il se faisait prendre. Il aurait été plus intelligent de faire un détour, mais ça lui aurait fait perdre trop de temps, alors il marchait dans les rues endormies d'Hikyo. Courir aurait fait de lui un suspect, mais dans la nuit, tout le monde est suspect. Le port s'approchait bientôt et il pourrait rejoindre l'embarcation réservée par son frère. Celle qui leur assurerait un départ vers une nouvelle vie.

La délivrance était proche ! Jusqu'à ce qu'une ombre se mette sur son chemin. Oh, ce n'était pas un acte délibéré, plutôt un coup à pas de chance. N'est-ce pas ? Il avait beau être discret, chercher l'ombre et regarder devant lui, il n'avait pas vu l'autre ombre qui s'approchait, pourtant il regardait autour de lui, il veillait ses pas, mais l'autre avait déboulé d'une rue transverse en même temps que lui et ils s'étaient manqué de peu. La collision aurait pu être fatale.

Jin ne souhaitant pas s'attarder il se redresse pour fuir le plus rapidement possible, mais ...

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Il fallait que, à cette heure-ci entre le jour et la nuit, où Jin essayait de sauver sa vie, il tombe sur une ombre. Pire, une ombre qui parle. Pire encore, une ombre qu'il connaît.

Matsumoto Seiya, celui qui fut son professeur de dessin, celui qui fut ce qui se rapprochait le plus d'une personne compréhensive et non-hostile à son égard, était cette ombre. Qui se promenait avant le lever du jour dans les ruelles sombres de Hikyo ? En réalité, dans son malheur, il avait de la chance, Seiya n'était pas un ami, mais c'était quelqu'un de bien, peut être pourrait-il taire cette rencontre ? Ou ne le dénoncer qu'une fois que ce serait trop tard ? Parce qu'évidemment qu'il comprendrait, on ne tisse pas des liens sans se trahir et Jin n'était pas un bon soldat. Seiya avait du s'en rendre compte depuis le temps, Jin était épris de liberté, de voyage, de découverte. Jin aimait l'art, la beauté. Jin n'avait rien de ces gamins qui servait leur pays par amour pour lui. Jin avait trop vécu pour ça et Seiya avait bien du le sentir.

Seulement il ne peut pas rester immobile et silencieux, l'autre l'a reconnu, ce serait encore plus louche qu'il s'éloigne tel le voleur qu'il semble être. Il s'incline respectueusement devant l'homme qui est plus jeune que lui, mais plus haut placé et murmure d'une voix douce. « Monsieur Matsumoto » Ils se sont reconnus, bien et ensuite ? Le coeur battant à tout rompre, Jin hésite. Le mieux c'est d'avoir l'air confiant et assuré. Tant pis s'il lit entre les lignes. « Je me rendais au port, pour une mission de l'armée, le Général m'attend. » Il se garde bien de dire que c'est le Général Shao qui l'attend, soit son frère aîné. Mais la mission est réelle, enfin, elle existe du moins. C'est une couverture pour leur fuite, mais elle a été demandée dans les règles de l'art. La seule raison qui demande un départ si tôt, c'est qu'ils ne veulent pas que leur Patriarche Shao soit au courant avant qu'ils aient disparu. Sinon, il se débrouillerait pour séparer les deux frères, comme à chaque fois. « Et vous, vous profitez d'une balade au lever du jour pour réfléchir ? » Il n'y a pas de jugement dans la voix de Jin, juste une certaine compréhension. Après tout, c'est l'heure des bandits, si Jin est suspect, Seiya pourrait l'être aussi.

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La politesse, l'élégance, le salut, tout n'est qu'un ensemble de réflexe qu'ils ont appris tous les deux, des années plus tôt. Le paraître plutôt que l'être, puisque l'un comme l'autre ne sont pas les fils qu'un père attend, mais des déceptions. Ils ont appris à faire avec, à masquer leurs envies réelles. Et même l'un avec l'autre, ils n'ont pas le droit d'être honnête, car ils n'ont pas une véritable amitié et que Jin s'apprête à trahir cette nation. Et à ne plus jamais y mettre les pieds. Or même s'ils n'ont pas développé un tel lien, il y a un semblant d'affection et quand Seiya lui propose de marcher avec lui, même si Jin sent son coeur se mettre à battre trop vite et trop violemment, il ne peut pas refuser, parce qu'il va trahir tout le monde et qu'il voudrait garder un souvenir positif de cette dernière nuit, ce moment avant que l'aube ne se pointe et se dire qu'il n'était pas seul dans ce monde brutal et violent.

« Oui bien sûr, ce serait un honneur de vous accompagner. » Et Jin n'en fait même pas trop, il le pense sincèrement, parce que Seiya n'est pas n'importe qui, Seiya est un homme avec les mêmes blessures, les mêmes doutes, les mêmes complexes. Seiya ne se révoltera sûrement pas contre la famille Royale, ne désertera sûrement jamais cette île qu'est leur nation, mais Seiya partage les fragilités de Jin et c'est largement suffisant. « La mer, elle est magnifique la mer, vous l'avez déjà peinte ? C'est ... » il se reprend de justesse, il allait parler de liberté mais il n'en a pas le droit. Il est trop prêt du but pour se trahir de la sorte. « C'est gracieux et dangereux à la fois. C'est grandiose et terrifiant. C'est de mille teintes de bleus différentes et toutes nous sont inaccessibles. » Tu as beaucoup contemplé la mer lorsque tu étais sur le Cursed Lotus et même si tu aimes ce sentiment de liberté, tu es toujours terrifié par toutes les atrocités qu'elle renferme. Jin ne sait pas ce que Seiya sait sur lui, alors il ne continue pas. « J'en suis toujours aux pousses de bambous légèrement de travers, alors la mer... » Il lâche un faible éclat de rire, mais qui n'a rien de joyeux.