Tes pérégrinations te ramènent toujours au même point ; là, non loin du Temple de l’Est qui t’a vu naître et grandir. Ce Temple que tu aimes bien plus que ce que de simples mots peuvent l’exprimer, mais où tu as malgré tout tant de mal à te sentir à ta place (ce n’est de la faut de rien, ni personne vraiment (à part peut-être toute cette colère que tu contiens difficilement en toi)). Tu les connais par cœur, ces routes (tu les connais à la manière que tu connais les lignes qui parcourent tes paumes de mains), tu les parcours toujours de la même manière ; avec une décontraction évidente, avec une aisance toute de façade. Une main posée sur ton sac que tu portes en bandoulière, ton autre bras se balançant au rythme régulier de ta démarche, tu es l’image même de la tranquillité. Ton visage est le masque d’une paix intérieure que tu ne possèdes pas. Comme d’habitude lorsque tu es de retour dans les environs, tu hésites toujours terriblement à rentrer chez toi (si tu peux considérer la chose ainsi (si tu dois être honnête avec toi-même, cela fait bien longtemps que tu as l’impression de ne plus vraiment avoir de foyer, de point d’attache)). Aujourd’hui ne fait pas exception ; la montagne où se trouve le Temple de l’Est est un point fixe dans ton horizon depuis quelques temps déjà. Et tu sais que tu seras bien accueilli, oh tu n’en doutes pas une seule seconde, si tu te décidais à y mettre les pieds. Il y a bien quelques visages que tu aimerais revoir (Naveen est la première personne à qui tu penses (puis tes pensées se tournent aussi vers Xiaoyan)), mais tu crains de rien n’avoir de bien reluisant à leur raconter. Tu te refuses formellement de leur parler de ce que tu fais lorsque tu n’es pas avec eux (ce que tu fais pour le compte de Unburned (car tu sais que tu n’obtiendras que leur désapprobation)).

C’est un bien lourd soupir qui passe la barrière de tes lèvres. Tu passes ta main libre sur ton visage (comme si ce simple geste suffirait à chasser toutes ces pensées parasites de ton esprit). Tu continues ta route jusqu’à arriver au sein d’un petit village. Tu décides de t’y arrêter pour la journée ; tu as déjà bien suffisamment marché et, bien qu’il reste encore quelques heures de jour, tu préfères faire une petite pause. Autant pour ton corps que pour ton esprit ; tu as besoin de prendre le temps de te poser, de réfléchir à ce que tu vas faire (vas-tu réellement aller au Temple ? (ou vas-tu fuir comme tu l’as déjà fait tant de fois auparavant ?)). Le village est assez large et voit passer un nombre assez conséquent de voyageurs pour que l’auberge dans laquelle tu décides de passer la fin de journée et la nuit soit assez confortable. Tu échanges quelques plaisanteries avec le patron, tu lui donnes son dû et on ne tarde pas à te conduire à ta chambre. Tu te délestes enfin de ton sac, que tu poses au pied du lit. Tu te laisses lourdement tomber sur le matelas dur et tu t’allonges sur la surface. Ton visage est vite caché par ton bras et … c’est sans vraiment t’en rendre compte que tu t’assoupis pendant quelques temps. Tu rouvres les yeux alors que le soleil se couche. Tu grognes en te redressant sur le lit et ton estomac ne tarde pas à te faire comprendre qu’il est grand temps d’aller chercher quelque chose à manger. Tu descends de ta chambre pour aller t’attabler dans un coin de la pièce, attendant patiemment que l’on vienne t’apporter un menu. Et quand cela est fait, tu repères rapidement un plat qui pourrait te convenir ; un bol de riz avec tout un assortiment de légumes divers. Il ne reste, à présent, plus qu’à prendre ton mal en patience. .

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Tu n’as pas totalement émergé des limbes du sommeil, tu peux le sentir à la manière dont tes membres t’obéissent avec une certaine lenteur, une lourdeur qui t’est bien peu caractéristique. Tu peux le sentir, aussi, à la manière dont ta patience s’étiole bien trop facilement, à la façon dont tes paupières papillonnent un peu trop rapidement. Tu attends ton plat (du riz épicé avec quelques légumes (et peut-être bien un peu de viande aussi, tu n’as pas réellement fait attention lorsque tu as passé commande (et si tu fais de ton mieux pour conserver un régime végétarien, cela ne t’est pas toujours possible, alors ce n’est pas bien grave))), tes doigts dessinent quelques motifs abstraits sur la surface en bois de la table. Et ton esprit s’égare, la question persiste ; t’aventuras-tu jusqu’au Temple de l’Est ? Oseras-tu montrer ton visage après avoir évité l’endroit pendant des mois ? Tu tournes et retournes la question dans tous les sens possibles et imaginables, tu continues d’hésiter. Tu sais bien que l’on ne te reprochera jamais ton absence (même si tu sens que tes explications (bien trop souvent évasives quant à ce que tu fais au cours de tes voyages) seront scrutées et interrogées (c’est plus par nécessité que par volonté que tu conserves cette aura de mystère concernant ton occupation réelle)), mais tu as toujours un peu l’impression que tu n’as plus ta place là-bas. Tu es toujours bien accueilli, Indra, mais il y a ce décalage (un fossé te semblant souvent trop vaste) entre eux et toi ; celles et ceux restés au Temple ne savent pas, parfois, à quel point le monde (et plus particulièrement la Nation du Feu) peut être cruel. Tu sais que si tu venais à dire la vérité, beaucoup ne comprendront pas. Beaucoup chercheront sans doute à te faire revenir sur le droit chemin.

C’est un bien lourd soupir qui t’échappe. Tu passes une main un peu molle sur ton visage aux traits fatigués. Tu chasses ces pensées de ton esprit et tu te résous donc à continuer d’attendre. Les minutes s’écoulent longuement et, bientôt, tu perds patience. Tu jettes un rapide coup d’œil autour de toi et tu constates que certains clients, arrivés après toi, ont déjà eu leurs plats. Cela te fait légèrement froncer les sourcils. Tu attends encore un peu, toujours rien … C’est dans un nouveau soupir que tu prends la décision de te lever pour partir en quête de ton repas (il faut dire que tu as vraiment faim). Tu t’en vas interpeler un serveur (tu restes poli, même si tu es quelque peu impatient (les erreurs peuvent arriver, ce n’est pas bien grave)). Celui-ci émet un petit rire gêné tout en te promettant d’aller voir ce qui se passe en du côté de la cuisine. Tu le remercies et tu tournes les talons pour reprendre ta place. Toutefois avant que tu puisses retrouver ta table, un autre client se lève abruptement et te barre la route. Ça n’aurait pas été grand-chose si tu avais été un peu plus attentif à la situation, mais ce n’est pas le cas. Et avant même que tu puisses ne serait-ce que songer à dévier ton chemin (à t’écarter de la catastrophe), ton corps heurte le sien. Tes pieds s’emmêlent entre eux et c’est dans un grand fracas que tu viens t’écraser sur la table d’une autre pauvre âme malheureuse. Aïe aïe aïe … La chute est plus embarrassante que douloureuse, vraiment. Ton égo est plus blessé que le bas de ton dos. Autour de toi, c’est presque le chaos. Le client s’excuse entre des mâchoires serrées et te regarde de haut. Un nouveau soupir. Tu te relèves nonchalamment. « Ce n’est rien, ce n’est rien. Juste un accident, trois fois rien. » t’empresses-tu de rassurer tout le monde. Puis tu te tournes vers la pauvre demoiselle. Tu t’inclines légèrement face à elle. « Je vous prie de bien vouloir excuser ma maladresse, mademoiselle. » Tu te redresses, époussetant tes habits dans le même temps. « J’espère ne pas avoir gâché votre repas. »

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