Les rayons du soleil avaient disparus, laissant la nuit envelopper tout Hikyo. Pourtant, même si l'astre solaire avait laissé place à la lune, les rues, bien que moins peuplées, étaient tout de même encore foulées et tu n'avais pas droit au repos, missionné pour faire cette ronde de nuit aux côtés de la sous-commandante de la garde royale. Cela ne faisait que peu de temps que tu avais été assigné à ce poste, et ta fierté était grande autant que tes craintes – la peur du déshonneur te collant à la peau. La chair rongée autour de toi était la preuve que tu avais toujours l'esprit préoccupé mais l'on ne pouvait deviner combien tes tourments étaient toujours aussi pesants et cette pression familiale également. Tu étais toujours le garçon acharné qui n'était pas toujours soudé avec ses camarades mais pourtant dévoué aux siens et à sa Nation – et quel étrange contraste – et le père de ton amie Yunwen t'avait mené dans la garde royale malgré ce premier échec que tu vivais encore très mal. Époussetant légèrement le vêtement que tu venais d'enfiler après ton entraînement, tu te dirigeas vers le palais royal, l'allure droite mais nonchalante, faisant de ton mieux pour te concentrer sur l'ordre qui t'avait été donné plutôt que sur tout ce que tu vivais personnellement.

Tu patientas quelques instants en arrivant devant le palais, la brise venant caresser ton visage et tes cheveux de jais. Puis, du coin de l'oeil, tu aperçus ta supérieure et t'inclinas respectueusement devant elle. « Bonsoir Feng Ruiling. » répondis-tu avec respect et fermeté en même temps, avant que ta silhouette ne suive les pas de ta supérieure, ses longs cheveux ondulant à chacun de ses mouvements. Tu gardais les bras près du corps, ton regard traînant déjà autour de toi pour surveiller les environs, et ton attention s'égara un instant sur les paroles de Ruiling. Il ne fallait jamais baisser sa garde, et tu le savais bien. Tu avais toujours fait de ton mieux pour rester attentif et prêt à réagir en cas de danger ou d'urgence – et l'amertume face à la fuite de Bai Jie et de Wei Lina te restait en travers de la gorge – et tu hochas doucement la tête, ton index grattant la chair autour de ton pouce (le palpitant toujours remué par ce poids que tu traînais avec toi). Tes yeux rencontrèrent les siens qui luisaient de bienveillance et cela te réchauffa quelque part – quelque part au fond de toi. « Oui, je le sais. Je veille toujours à rester aux aguets. » répondis-tu avec politesse, respectant profondément cette femme qui t'avait pris sous son commandement. Elle faisait partie de ceux que tu ne sous-estimerais jamais mais aussi de ceux dont tu savais qu'ils pourraient t'apprendre, et tu réfléchis pendant quelques instants à la question qu'elle venait de te poser. Travailler avec tes camarades ne s'était pas toujours avéré facile, toi qui voulais pousser davantage tes capacités et devenir toujours meilleur. Tu avais tendance à rentrer en compétition avec les autres et nombreuses avaient été les fois où le feu s'était embrasé un peu trop sur tes bras et sur tes poings à cause de ce côté déraisonnable.

Tu étais un peu trop concentré sur toi-même pour te concentrer sur les autres mais peut-être que quelque part certains aspiraient à être aussi rigoureux que toi et tu détournas le regard vers les rues adjacentes devant lesquelles vous passiez. « Je suppose qu'il n'y a pas de problème. Du moment que nous faisons tous notre travail, tout va bien, non ? » dis-tu d'une voix un peu interrogatrice, comme si tu attendais véritablement une réponse de sa part – tu savais qu'elle pouvait t'aiguiller d'une manière ou d'une autre et tu comptais sur ses enseignements et son expérience pour te hisser plus encore vers le haut. Puis ton cœur tressaillit dans ta poitrine en entendant les derniers mots de Ruiling. Des compliments à ton égard ? Ils étaient si peu fréquents. De qui ? Père ? Mère ? Ton cœur se serra. Cela ne pouvait être eux – eux qui avaient toujours été assez dur envers toi pour que tu atteignes ces objectifs qu'ils t'avaient fixés très tôt – et ta voix résonna alors à nouveau, curieuse. « Ah oui ? Qu'avez-vous entendu ? » demandas-tu alors que tu la suivais toujours, ton retrait par rapport à sa posture marquant le statut hiérarchique que tu respectais. Et la brise soufflait encore, la soirée toujours paisible pour le moment.